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HUMILITE

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II. li’hamilité dans l’Ancien Testament- — L’humilité est si nécessaire à tout ilévelopiieiuent de vie surnaturelle que Dieu n’a pas attendu la révélation du Nouveau Testament pour la prêclier aux bommcs :

Dans la mesure où tues grand, humilie-toi loi-même Et devant le Seigneur tu trouveras grâce. Car grande est la puissance du Seigneur, Et c’est par les humbles qu’elle est glorifiée.

Ainsi parle le fils de Sirach, Eccii., ni, 20. 21, et ce n’était point là doctrine nouvelle ; il y avait longtemps qu’elle était consignée dans les vieux Proverbes :

Dieu résiste aux superbes,

Mais il donne grâce aux humbles, iii, 3’i (texte des LXX).

L’orgueil abaisse l’homme.

Mais aux humbles d’esprit, le Seigneur fait un appui de gloire (xxix, 28).

Avant l’écrasement, l orgueil.

Et avant la ruine, l’exaltation de l’esprit.

JUieux vaut être humble d’esprit avec les affligés.

Que partager les dépouilles avec les orgueilleux XVI, 18 et 19).

Non seulement Dieu enseigne l’ininiilité aux Juifs, mais on pourrait dire qu’il la leur impose. L’homme à qui tout réussit est fortement tenté de se confier en lui-même et de s’enfermer dans une orgueilleuse suflisance, rien ne dispose comme le malheur à l’huniilité et au recoui’s à Dieu. Cette leçon du malheur n’a pas été ménagée aux justes de l’Ancien Testament ; et, pour qu’ils en prolitent, les psalraistes et les prophètes n’ont cessé de répéter que c’était à la douceur patiente deshumblesdans l’altliction qu’était promis le salut de Dieu. Bien plus, c’était un pauvre et un humble de eœur qui devait apporter ce salut. La prophétie isaïenne du Serviteur de Jahvé, xlii-Lii, et l’oracle de Zæharie, ix, 9 annonçaient assez clairement l’humble caractère du Messie, pour qu’à la prédication des apôtres, le croyant juif put reconnaître son Sauveur en Jésus fils de Dieu incarné et crucifié, et comprendre la mystérieuseparole du psalmisle : Ton humilité. Seigneur, m’a grandi (xvii, 36, (texte hébreu), cf. II Samuel, ils., 36).

III. L’humilité dans le Nouveau Testament.

— L’Incarnation est vraiment l’humilité de Dieu, venant nous chercher dans la bassesse de notre orgueil pour nous élever jusqu’à lui. Ce n’est pas que la nature divine ait été en rien abaissée ; mais la personne du Verbe, en s’unissant une nature humaine dont elle a fait siens tous les actes, nous adonné, dans la vie de Jésus, une si éclatante leçon d’humilité qu’il nous est désormais impossible de la méconnaître. Ecoutons saint Paul la rappeler à ses Philippiens, II, 2 à 11 : Mettez donc le comble à ma joie en sorte que vous ayez un même sentiment, le même amour, une même âme, une seule et même pensée, pas d’esprit de dispute, point de vaine gloire, mais une humilité dans laquelle vous vous donnez les uns aux autres une estime de préférence, personne ne cherchant ses propres intérêts, mais chacun ayant souci de l’intérêt d’autrui. Ayez ainsi en vous-mêmes les sentiments du Christ Jésus. Subsistant en la forme de Dieu, il n’a pas pensé que le rang d’égal à Dieu fut un bien à garder jalousement : mais il s est lui-même dépouillé j en prenant une forme d’esclave, en devenant semi blable aux hommes ; et, grâce à l’apparence extérieure, ayant été pris pour un homme ordinaire, il s’est humilié lui-même, s’étant fait obéissant jusqu’à la mort et à la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu

la exalté et l’a gratifié du nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’aunom de Jésus, tout genou fléchisse an ciel, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse que Seigneur est Jésus-Christ, à la gloire de Dieu le Père.

Xousreviendronsplusloin sur l’acte caractéristique de l’humilité du Christ, telle qu’elle nous est dépeinte en ces paroles de saint Paul ; il nous faut auparavant signaler encore les pressantes recommandations que Jésus a jointes au grand exemple qu’il nous a donné. S’il n’a point dit : « Apprenez de moi ([ue je suis doux et humble de cœur » mais : Venez à mon école, car je suis doux ethumhle de cœur (Mattli., XI, 29), on aurait tort d’en conclure que saint Augustin, en appuyant de son commentaire une traduction fautive du Discite a me quia mitis suni, s’est mépris sur l’importance que le Maître attachait à l’humilité. Non seulement Jésus se présente à ses disciples comme un maître doux et humble, mais il exige qu’on l’imite sous peine d’exclusion du royaume des cieux. On n’entre dans ce royaume qu’en se faisant tout petit {Matth., XVIII, I, sq.). C’est aux petits qu’est faite la révélation chrétienne refusée à la sagesse orgueilleuse (Matth., XI, 25). C’est folie pour des disciples du Christ de disputer au sujet de leur dignité ; celui-là est le plus grand qui se fait le plus petit et le serviteur de tous (.Uorc, ix, 32, 34), car celui quis’eialte sera humilié et celui qui s’humilie sera exalté (Luc, XIV, il) parle Dieu qui a toujours exalté les humbles (l.uc, I, 52). et vis-à-vis duquel nous ne sommes tous que des serviteurs inutiles (Luc, xvii, 10). Surtout, pas de mépris pour nos frères pécheurs : ce mépris a sulli pour rendre odieuse au Seigneur l’action de grâces du pharisien (Luc, xviii, g, sq.) ; pas d’arrogante fierté chez ceux qui ont des charges dans l’Eglise, ces charges sont des services, une participation à l’humble dévouement de Jésus, qui n’est point venu pour être servi mais pour servir (Marc.x, 41, sq.). C’est pour donner à cette leçon le caractère s.icré d’un testament que Jésus, la veille de sa mort, a lavé les pieds de ses disciples et leur a dit : Je vous ai donné l’exemple, pour que vous fassiez comme je vous ai fait â vous-mêmes (Jean, xiii, 15). Nous ne devons pas être surpris, après cela, que saint Pierre (1 Ep., V, 5 sq.) et saint Jacques (iv, 6, 10) aient rappelé, aussi bien que saint Paul et les évangélistes, la nécessité de l’humilité.

Commentant cet enseignement du Christ et de ses apôtres, les anciens Pères ont tous insisté sur le rôle capital de l’humilité dans la vie chrétienne. Puisqu’on ne le conteste pas, nous ne les citerons point longuement et nous signalerons simplement, dans la bibliographie, les développements les plus intéres sants que les Pères aient écrits sur l’humilité. C’est à ces développements et en particulier à ceux de saint Augustin, docteur de la grâce et de l’humilité, que saint Thomas a emprunté la doctrine que nous allons essayer d’exposer.

IV. Le concept théologique de l’humilité. — L’humilité est l’amour de l’abaissement du moi séparé devant Dieu et tout ce qui est de Dieu. L’orgueil est l’amour de l’exaltation de ce même moi, sans souci du respect dû â Dieu et à tout ce qui est de Dieu.

Mais qu’est-ce que le moi séparé ? Le moi séparé n’est pas chose identique au moi complet, principe créé et terme d’attribution des passions et actions dont la succession constitue la vie de l’individu, un élément de la vie mondiale. Dès que nous prenons conscience de notre individualité morale et de l’autonomie relative qui nous fait libres, maîtres d’un certain nombre des actes qui orientent notre devenir.