Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/265

Cette page n’a pas encore été corrigée

517

IIONORIUS

518

lères d’aullienlicité ; les contemporains d’IIonorius, SCS successeurs sur le siège de Home, les acceptent sans protester. Si un monothélite les eût inventées ou interpolées, il y aurait franchement introduit son erreur ; or, nous verrons tout à l’heure qu’elles ne contiennent pas cette hérésie. Il nous semble même inutile d’entrer à fond dans la discussion d’authenticité, tant la thèse des adversaires nous paraît faiblement établie. Aussi a-t-elle contre elle le sentiment des théologiens et des historiens les plus sérieux, ou des critiques les plus expérimentés. Il n’est du reste pas nécessaire, pour résoudre la dilliculté d’Honorius, de recourir à ce moyen extrême.

h) NoUî ne pouvons donner ici le texte des deux lettres d’Honorius. On le trouvera dans les collections des conciles, aux actes du VI’concile ; la lecture en fut donnée dans la xiv’session (cf. Labbe, t. VI, pp. 928 et 968). Des théologiens très habiles et très sévères en fait de doctrine en ont pesé tous les termes et les ont proclamés d’une parfaite orthodoxie. Sans doute, Honorius évite de se prononcer sur les deux volontés ; son exposition est emijarrassée ; mais il commence par revendiquer hautement dans le Christ l’existence des deux natures entières, distinctes, opérantes. Chacune des deux natures opère ce qui lui est propre (on sait que, dans le style de l’époque, o/^eV « lionel lo/oH/é étaient des termes synonymes). Quand ilaffîrmeune seule volonté, c’est de la nature humaine qu’il entend parler ; il veutdire qu’il n’y a pas, dansla nature humaine du Christ comme dans l’homme, une volonté du péché en contradiction avec la olonté du bien. Sergius, en effet, avait exposé la question d’une façon si insidieuse qu’on pouvait prendre le change sur sa pensée et croire qu’il défendait luiracme cette thèse. Honorius, au fond, voulait qu’on s’en tint purement et simplement au concile de Chalcédoinc ; qu’on laissât, comme il disait, aux grammairiens (par lesquels il entendait les pliilosophcs) le soin de régler s’il fallait parler d’une ou deux opérations. Par suite du faux exposé de Sergius, le pape se faisait illusion en croyant que le silence imposé aux deux partis ramènerait le paix. Il aurait dû comprendre qu’il était de son devoir d’éclairer le monde chrétien, au lieu de se récuser et de laisser le champ libre à l’erreur.

L’orthodoxie de ces deux lettres est néanmoins assez claire pour qu’elle ait été reconnue même par des théologiens peu favorables à l’infaillibilité ponti-Ocale, comme XoicL.lexandre, Witassb.Tournély, RÉGNrER. Mgr HKi-ELE.quoi qu’il ait pu dire ensuite, se range aussi à levir sentiment dans son Ilisloire des Conciles (trad. Delarc, t. IV, pp. ! , i et 174). Dans sa réédition de Vllistoire des Conciles, il est revenu sur l’élude des deux lettres d’Honorius, et il dit qu’après avoir cru autrefois que le pape avait dans ces lettres enseigné une fausse doctrine au sujet du monothélisme, une étude plus approfondie lui a montré que les termes de ces épîtres, encore que manquant parfois de netteté et de précision doctrinale, peuvent s’entendre cependant dans un sens orthodoxe. Cf. Histoire des Conciles, trad. Leclercq, tome 111, 1" partie (Paris, Letouzey, 190g), p. vi, p. SaS, surtout 34736’i, 376-887. Palmieri a repris la question de nos jours et l’a traitée avec une précision et une rigueur de critique de nature à satisfaire les plus exigeants (De Homann Pontifice, 1877, th. 3^).

c) Mais admettons un moment que ces lettres d’Honorius expriment des erreurs formelles, les adversaires de l’infaillibilité n’auront pas encore gain de cause : il faudrait en outre prouver que ces lettres contiennent une définition dogmatique proprement dite. Orelles n’en ont aucun des caractères. Honorius répond, nous l’avons vu, d’une façon évasive ; il se

dérobe, il refuse de s’expliquer, il veut qu’im ne parle ni d’une, ni de deuxvolontés. Il ne s’est donc |)rononeé ni dans un sens, ni dans l’autre. Mais la première condition d’une décision dogmatique, c’est une alflrmation nette et précise pour imposer une doctrine à toute l’Eglise ou la condamner. Pour que cette définition existât, il faudrait ou que le Pape eût condamné tous ceux qui enseigneraient deux volontés dans le Christ, ou qu’il eût prescrit à tous d’enseigner une seule volonté. Toute la question est là. Or, on aura beau torturer les textes, on ne trouvera jamais rien de pareil dans les épîtres d’Honorius. Ceci est encore admis par des adversaires comme NoiiL Alexandre, Ro.ncagha et d’autres, par les théologiens les plus sérieux et les plus libres de préjugés comme Tho.massin, Ballerini, etc. Tous ceux qui étudieront cette question sans parti pris arriveront à la même conclusion.

d) Mais, dit-on encore, Honorius a été condamné |>ar un concile œcuménique comme hérétique. Les Actes du VI’concile, à la dix-huitième session, contiennent, en elîet, un anathème contre Honorius en même temps que contre les principaux monothélites Sergius, Pyrrhus, Paul, Théodore de Pharan, etc. Nous admettrons l’authenticité de ces Actes comme nous avons admis celle des lettres d’Honorius, sans nous arrêter à la thèse de quelques critiques qui plaident en faveur d’une interpolation (cf. Albert DuMO.NT dans les Annales de philosophie clirétienne, 1853).

Pourquoi Honorius a-t-il été condamné ? Ce n’est pas pour avoir enseigné le monothélisme comme Sergius, Pyrrhus et les autres ; nous avons vu qu’il est impossible de trouver dans ses lettres aucune allirmation de ce genre ; c’est pour avoir garde le silence sur la question des deux volontés, poui- avoir refusé de se prononcer ouvertement contre le monothélisme. A-t-il été condamné comme Pape ? Non, mais comme docteur privé. Or ce n’est pas ici une distinction subtile, car aucun théologien catholique ne prétend que le privilège d’infaillibilité garantisse le Pape d’erreur dans son enseignement privé.

De plus, il faut ajouter ceci au sujet de cette condamnation, que l’on peut se permettre de trouver bien rigoureuse. Un concile, fût-il universel, n’est pas infaillible dans toutes ses paroles, et tout le monde admet que celles de ses décisions qui ne sont pas confirmées par le Pape ne sont pas revêtues du privilège de l’infaillibilité. Ainsi le II"’concile œcuménique (1" de Constanlinople) et le IV" (Chaleédoine) ne sont pas infaillibles dans les décrets que saint Damase et saint Léon ne confirmèrent pas. Or, quand le VI’concile et l’empereur de Constantinople, Constantin PoGONAT, demandèrent la confirmation pontificale, le saint pape Léon II, au lieu d’accepter l’anathèrae lancé contre Honorius et de le placer sur le même rang que les autres monothélites, fit celle importante distinction : « Nous condamnons aussi Honorius qui n’a pas fait resplendir de la doctrine apostolique cette Eglise de Rome, mais par une trahison profane a laissé la foi qui doit être sans tache exposée à la subversion. » (Labbe, t. VI, 1 1 17.)Saint Léon II blâme la conduite de son prédécesseur, mais ne lui inflige pas la note d’hérétique. Dans une lettre aux évcques d’Espagne, saint Léon II répète à peu près le même jugement. C’est dans cette exacte mesure qu’il faut prendre le sens de la décision conciliaire’.

Concluons donc : Honorius n’a pas enseigné le

1. Sur ce point voir aussi la nouvelle édition des Conciles, Héfelé-Leclercq, Ioc. cit., p. 515-."13< ; et aussi les articles de Dom Chapmam, qui insiste sur la question de la condamnation. Voir la Bibliographie.