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HOMME

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perception sensible quelque élément caché par où, en fait, tout l’esprit se trouve réintégré.

Eviiiemment, accepter le dualisme, c’est, pour un philosophe, rester aux prises ayeo les dilUcultcs de l’union entre l’ànie et le corps. Comment l’inétendu peut-il se joindre à l’extensif, la matière se combiner partiellement avec l’esprit ? Sans aijorder un problème dont la solution supposerait une certaine connaissance de l’être en soi, nous rappellerons que c’est bon signe pour une théorie de ne pas tout expliquer, mais d’englober en elle des fragments obscurs et mal réduits. La réalité doit toujours nous gêner, puisque nous ne l’épuiserons jamais. Voilà pourquoi îephysicien segardebien, dans ses mesures, d’exclure les écarts déconcertants pour son hypothèse : il craindrait par cette ingérence de déformer la nature et de stériliser ses recherches. — Pourquoi agir autrement en philosophie ? Outre qu’il serait illogique de renoncer, pardépitcontreles mystères d’une union (qu’on ne peut prouver contradictoire), au fait très clair de la distinction entre pensée et matière, on abandonnerait des enseignements précieux.

D’abord, nous sommes mis en possession d’un principe dont l’intuition nous manquait : l’esprit peut s’allier à la matière. Loin de nous en offusquer, recueillons-le pour en faire protiler notre sagesse : ainsi n’a pas craint de faire la scolastique ; et on sait avec quelle aisance le composé humain trouve une place dans son système de l’acte et de la puissance.

Mais ce n’est pas tout. De la réalité du dualisme, suivent des corollaires importants :

I) Parce qu’elle est intrinsèquement indépendante de l’étendu, et donc du divisible, l’âme n’a à redouter aucune désagrégation : elle est indissoluble, immortelle.

a) Parce qu’elle est d’un ordre transcendant celui de la matière, il serait contradictoire de lui chercher une origine dans l’évolution cosmique ou animale : elle ne peut être que créée immédiatement.

3) Mais parce qu’en nous l’àme se trouve jointe à la matière, il advient que de plein droit, et non par suite de quelque tare, notre humanité est en butte à la mort, aux souffrances et aux entraînements de la vie animale. [Voir Pécué origi.nel.]

Ajoutons enûn, pour clore la démonstration des vérités qu’impose le dogme, — et malgré que l’opposition entre esprit et matière ne soit plus directement ici en cause :

4) Parce qu’il est apte à connaître l’universel, donc à comparer entre eux plusieurs biens désirables, l’homme est capable de liberté. Cette liberté, du reste, lui est livrée comme un fait : pour s’en convaincre, il n’a qu’à regarder sa volonté choisir. On peut bien, systématiquement, discuter la manière dont nous arrivons à saisir du libre dans notre action ; l’existence même de cette appréhension est hors de doute et ne saurait être sainement mise en question. [Voir Liberté, Déterminisme.]

B et C. — L’Homme et les hommes. — L’Homme bt l’Univers. — Dans leur ensemble, les problêmes ici soulevés échappent en grande partie au témoignage de notre conscience. Sauf, nous venons de le voir, l’impossibilité, pour l’àme, d’une origine matérielle ;

— sauf encore, l’appétit invincible que nous nous sentons pour un bonlieur qui nous soit personnel, et non pas seulement réservé aux membres d’une lointaine Humanité, — aucun indice intérieur ne peut nous faire sûrement juger de la place que nous tenons parmi les choses. De même, si j’arrive aisément à saisir en moi l’identité permanente de ma nature, je me trouve embarrassé pour répondre, au nom de ma seule expérience intime, à ceux qui prétendent

que, sinon les individus, au moins les races, sont en voie continuelle detransfonnation.Puis-je bien apercevoir, dans ma vie si courte, les traces d’une dérive qui, au cours des siècles, entraînerait et lentement changerait l’iiumanilé ? Ce sont là, avant tout, des questions de faits et d’apparences externes. Or nous avons réserve ces dernières pour l’étude des objections : exposer et réfuter brièvement les principales difliciUtés qu’on nous oppose sera la meilleure façon de revendiquer, dans ces questions, le bon droit des idées catholiques.

3. PRINCIPALES OBJECTIONS FAITES

A LA CONCEPTION CATHOLIQUE DE l’UOMME

A. — Contre la nature de l’homme telle que nous l’avons établie philosophiquement :

a) On invoque d’abord l’apparente aptitude de notre être à se résoudre, non seulement en constituants chimiques, ce qui serait une objection enfantine, mais en mécanismes. La biologie en effet tend à prouver que toutacte vital se trouve pris dans une chaîne d’antécédents si bien liés qu’on peut en faire le tour complet, — la vie étant en plein fonctionnement — sans rencontrer aucune trace d’énergie supérieure à la physieo-chimie. Le vivant semble ainsi en prolongement avec le déterminisme cosmique.

6) Cette vue est confirmée par l’apparente immersion de l’àme dans la matière. Par sa fonction même proclamée uniquement spirituelle, la pensée, elle apparaît en dépendance complète des centres nerveux, qu’elle suit rigoureusement dans les péripéties de leur développement.

c) Cette subordination, à son tour, est en plein accord avec l’apparente émersion qui a fait surgir la vie du fond de la matière. L’histoire scientifique de l’univers est celle d’une concentration progressive, commencée sur une activité éparpillée et diffuse, poursuivie dans l’édification d’organismes autonomes, continuée et couronnée par les illuminations d’une conscience toujours plus épurée et agrandie.

B. — On oppose ensuite, à la conception individualistique de l’homme, l’apparente sujétion des unités à l’espèce — Finalement, observe-t-on, de tous les efforts réalisés par l’individu pour acquérir et se perfectionner, il ne reste que la part dont s’est enricliie la collectivité ou qui a fait progresser la race : ce qui est demeuré gain particulier, la mort l’emporte. Et il y a plus : non seulement dans les résultats de son action, mais dans la constitution même de son être, l’individu apparaît marqué pour le service de l’espèce : plan de l’organisme, développement et distribution des instincts, phases de la croissance, tout en lui est manifestement ordonné en vue de la vie à conserver et à transmettre. Qu’on regarde des êtres inférieurs, les plantes par exemple, et on sera frappé de la convergence de toutes leurs énergies vers la reproduction. Chez les animaux supérieurs, il est vrai, dont la perfection a multiplié les besoins, des fonctions accessoires se sont développées, qui peuvent, surtout au service d’une activité libre, se cultiver pour elles-mêmes, et égoistement.Mais ni cette complication, ni cette perversion ne doivent nous donner le change sur la vanité de nos rêves d’une destinée qui serait particulière à chaque individu.

C. — Enfin, pour écarter toute idée de prépondérance essentielle qui élèverait le genre humain au-dessus des autres vivants, on insiste sur l’apparente infiinité, et aussi sur l’apparente « excentricité » de l’Homme dans l’Univers. Sans prendre garde que dans un paysage tout point peut également prétendre à être centre de perspective, nous nous imaginons que