Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/26

Cette page n’a pas encore été corrigée

39

FOI, FIDEISME

40

Nous ne les toucherons qu’en passant. Sur toutes, quelques brèves indications sulliront ; ce qu’il faut pour orienter le lecteur.

1. La fui qui justifie, lu justification par la foi, la foi elles (ruvres. — Il y a ici trois questions connexes, qui seront traitées à l’article Protestantisme. Ici quelques remarques sulfiront. Le point de départ de Lutiiek. c’est que l’homme, dans l’état actuel, est foncièrement mauvais : lui demander d’être bon, c’est lui demander l’impossible. Foncièrement mauvais, il l’est irrémédiablement : les ténèbres ne peuvent être que ténèbres. Voir MôHLER, Srmliolique.% 6 et 8 ; cf. S 4, ’'^

12, I/J.

De là, ces assertions qui, séparées du système, sonnent si étrangement aux oreilles : Que toutes les œuvres faites, avant la justification sont des péchés, qu’elles méritent la haine de Dieu, que plus on fait effort pour se disposer à la grâce, plus on pèche ; que le libre arbitre a été perdu, éteint par le péché d’Adam, qu’il n’est plus qu’un mot, une étiquette sans objet, une idole (^ ; ?men( » "i) introduite par Satan dans l’Eglise ; que l’homme, sous la main de Dieu et sous l’influence de la grâce, ne fait rien, ne peut être que passif, qu’il n’est pas en son pouvoir de rendre bonnes ses voies mauvaises ; que Dieu seul fait tout, les œuvres mauvaises comme les bonnes, et cela non seulement parce qu’il les permet, mais proprement et directement, de sorte que la trahison de Judas n’est pas moins son œuvre que la vocation de Paul.

En conséquence, la justification ne saurait être une refonte, une transformation intérieure de notre nature. Elle ne peut être que l’illusion volontaire de Dieu, voulant bien prendre Jacob pour Esaii et le bénir, nous voir revêtus des mérites de Jésus, et. oubliant, pour ainsi dire, que, sous ce vêlement, il n’y a que du fumier, nous tenir pour jusles, nous justifier en nous déclarant justes, tout pécheurs que nous restons. Mais comment prenons-nous le manteau de Jésus pour en revêtir notre ignominie, comment nous approprions-nous ses mérites ? Par la foi. En quoi consiste cette foi et comment opère-t-elle ? Elle consiste à croire que Dieu, en son Christ, veut bien nous remettre nos péchés. Par cette croyance, elle s’approprie les mérites du Christ, elle nous caclie derrière Jésus. Elle ne nous transforme pas en lui, mais elle nous couvre de son manteau. Mais qu’estce, au juste, que cette foi à la rémission de nos péchés par Jésus et en Jésus ? Au premier abord, on pourrait la prendre pour une simple adhésion de l’esprit à une vérité révélée par Dieu. Bien des textes de Luther autorisent cette interprétation ; et c’est en parlant de là que le Concile de Trente et les théologiens calholiquesopposenlà l’idée luthérienne que, si Dieu nous a révélé en général qu’il n’y a plus de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, il ne nous a pas révélé spécialement que nous soyons dans le Christ Jésus. Aussi Luther substituait-il i>ratiquement à la révélation générale du pardon des péchés dans l’Ecriture une révélation spéciale dans l’àme, soit par une prise de possession personnelle de la iiromesse générale de l’Ecrilure, soit par une intuition du cœur que cette promesse était réalisée, soit par » ine confiance alisolue qu’on était Iiardonné pourvu qu’on se crût pardonné. Ainsi se glissait peu à l)eu à côté d’une foi qui serait l’adhésion de l’esprit à la vérité révélée, l’idée d’une foi inluilion du cœur, confiance au pardon divin, altitude filiale envers le Dieu bon cl paternel pour ses enfants. Pour en arriver là, il a fallu laisser tomber, dans l’œuvre de Luther, bien des pages sur la foi intellectuelle, la foi dogmatique, telle ipic nous l’entendons. Mais il faul, ce semble, acconler à

MM. Harnack, Sabatier et autres protestants libéraux, que c’est la foi confiance, la foi sentiment, la foi sans dogme enfin, qui est selon l’esprit de LuTHEU. La foi dogmatique n’estiiluschez lui qu’un reste du passé, d’où la vie s’est retirée.

On voit que, dans ce système, il n’y a pas de place pour les bonnes œuvres, ni pour la moralité. On les y a rattachées ensuite, et c’a été un des grands soucis de Cai.vix. Mais elles ne sont pas du dessin primitif, et elles ne cadrent pas avec rcnscml>le du sjstéme. Voir Mouler, | 16-20 ; § 22, 26, 26.

La doctrine catholique est connue. Pour nous, la justification est une transformation de l’àme par la grâce sanctifiante. Le pécheur peut s’y disposer, non pas sans la grâce, mais en coopérant librement à la grâce et s’y prêtant quand il y pourrait résister. Dans cette préparation, la foi a la grande part, comme nous mettant dans le monde surnaturel où l’àme se retournera vers Dieu, où naîtront chez elle les différents mouvements de contrition et d’amour dont l’ensenibleconslitue laconversion ducœur.Xous disons donc nous aussi que l’homme est justifié par la foi ; mais nous l’entendons en ce sens que la foi est le commencement du salut, le fondement et la racine de toute justification : sans elle il est impossible de plaire à Dieu et d’arriver à être de ses enfants. Elle ne justifie pas d’ailleurs par elle-même, mais comme disposilion à la grâce delà justification. Disposition nécessaire, mais non suffisante ; car elle n’est qu’une foi morte si elle ne s’accompagne de la conversion du cœur et du changement de vie ; elle ne vit que par la charité, qui la l’ait épanouir en bonnes œuvres.

Cette foi est avant tout inteUectuelle, ce qui ne veut pas dire qu’elle l’est principalement ; elle est à base de connaissance, elle consisteàtenir pour vraies les choses divinement révélées, à croire aux promesses divines ; et parmi ces vérités, parmi ces promesses, il y a en première ligne, que Dieu justifie l’impie par grâce, « par la rédemption qui est en Jésus ». Elle n’est jias d’ailleurs pure connaissance : elle implique, tant par sa nature que par son objet et par les relations qu’elle établit entre Dieu et nous, la confiance au Dieu bon et miséricordieux, une certaine orientation vers le monde surnalurel, que Dieu nous ouvre si gracieusement en nous révélant le mystère de sa vie divine et le secret des biens qu’il nous destine en nous appelant à partager avec lui cette vie divine qu’il veut nous conmiuniqucr comme un père à ses enfants ; un hommage de notre esprit à la vérité suprême, une réponse de notre cœur et de noire volonté à ses avances, une reconnaissance de ses droits souverains sur nous et de nos devoirs envers lui, tout un ensemble qui fait de l’acte de foi un acte religieux, l’acte d’une vertu théologale. Telle est, en substance, la doctrine exposée par le Concile de Trente dans la sixième session intitulée De la justification.

Je ne puis m’arrêter ici à iliscuter ces deux conceptions de la foi qui justifie et du rôle respectif de la foi et des bonnes œuvres dans le processus de la justification. Constatons seulement que, malgré certaines apparences, dues à une vue superficielle des textes, ni l’Ecriture ni la tradition chrétienne ne connaît une foi spéciale en la rémission personnelle <lc nos propres péchés ni une intuition ou foi personnelle en notre propre justification, dislincle de la foi ilogmalique aux mystères et à la prédication évangéliquc. C’est à celle-ci qu’est toujours rattachée la juslihcation. Constatons également que ni l’Ecriture ni la tradition ne connaît une foi qui justifie sans les œuvres de la foi. Qu’est-ce, en particulier que la i)rédicatiou de saint Jean-Baptiste,