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HOMME

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2. — Le cleuxiime récit enlre dans le détail de l’opération divine :

Gen., Il, 7 : « lahvé forma l’homme de la poussière K du sol, et il souffla dans ses narines un souffle de

« vie, et l’homme devint être animé..>

Celte opération comporte deux phases, distinctes sinon temporellement, du moins idéalement. Au cours de la première, le corps de l’homme est formé de matière terrestre ; dans la seconde, l’àme est produite par le souffle de Dieu. L’une et l’autre phase est directement ordortnée à la production de l’homme ; pas un mot du texte sacré ne sugjfcre l’idée d’un stade intermédiaire où le corps humain aurait été constitué dans un degré de vie inférieure. La tradition des Pères est muette là-dessus. De nos jours seulement on a envisagé l’hypothèse d’une élaboration progressive de la matière humaine par le ministère de principes vitaux inférieurs, jusqu’au degré de perfection où l’organisme comporta et plus ou moins postula l’infusion d’une âme raisonnable. Cette hypothèse ne trouve aucun appui dans le texte de la Genèse : ce qu’on y lit au contraire, selon le sens le plus naturel, c’est, en dehors de la constitution des divers êtres vivants selon leurs espèces incommunicables, l’opération par laquelle Dieu mit la main à la production de l’homme. D’autre part, l’homme ne commence d’exister comme tel qu’à l’apparition de l’àme. Et il n’est pas douteux que dans l’àme surtout, dansl’àme spiriluelleet raisonnable, réside cette ressemblance divine que Dieu voulut imprimer à son œuvre.

3. — Le corps du premier homme devait être réellement le principe de toute l’espèce. Le premier récit mentionne simplement la distinction des sexes tomme résultant de l’opération divine, mais le second marque expressément que le corps du premier homme fournit la matière du corps de la première femme :

Gen., II, 18 : Il lahvé Dieu dit : Il n’est pas bon que

« l’homme soit seul ; je lui ferai une aide semblable à
« lui. » 

[Et après qu’Adam a nommé les divers animaux : ]

21-24 " Alors lahvé Dieu fit tomber un profond

« sommeil sur Adam, qui s’endormit, et il prit une de
« ses côtes et reforma la chair à sa place. De la côte
« qu’il avait prise à l’homme, lahvé Dieu forma une

i( femme et il l’amena à Adam. Et Adam dit : Celle-ci i< cette fois est os de mes os et chair de ma chair !

« Celle-ci sera appelée femme parce qu’elle a été

Il prise de l’homme. C’est pourquoi l’homme quittera

« son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et
« ils deviendront une seule chair. » 

Donc dés cette première institution du genre humain, l’homme et la femme apparaissent comme deux êtres complémentaires, intégrant, selon le plan divin, le principe nécessaire à la propagation de l’espèce. L’insistance du texte sacré sur le lien qui rattache la première femme au premier homme, l’e.xelamalion par laquelle Adam la salue comme un autre lui-même, le jeu de mots étymologique destiné à ra|)peler sa provenance (ischa femme, tirée de isch, homme), enfin la parole prophétique mise dans la bouche d’.dam, soulignent cette dépendance originelle.

4. — De ce couple primitif procède toute notre race. L’épouse qu’Adam nomma Èe, « parce que mère de tous les vivants » (Ge/i., ui, 20), devait poser l’occasion de sa chute, et le péché d’Adam fut le péché de la race (Geii., ii ; v. 1, 2 ; cf. Sap.. x, i ;.V/., xix, 4 ; .^et., XVII, 9, 4-26 ; /^o/H., v, 12). L’unité de descendance, ilairement alhrmée dans la Genèse, est d’ailleurs imidiquée soit dans le dogme catholique du péché orijinel, soit dans le dogme de la restauration en

Jésus-Christ, nouvel Adam. Double solidarité de race, fondamentale de tout christianisme. Elle ne laisse pas de place à l’hypothèse (émise par Isaac de La Pevrèrk, en i(155) d’une humanité préadamite ayant coexisté avec la postérité d’Adam. Moins évidemment contraire au dogme serait l’hypothèse (émise notamment par Fabrb d’E.nvieu, Les origines de la terreet de l’Iiomme, d’après la Bible et d’aprèsla science, Paris, 18^3) d’après laquelle Dieu aurait préludé à la création de notre race par la création d’autres races plus ou moins semblables, mais n’ayant avec celle-ci aucune connexion, non plus que si elles avaient existé sur une autre planète, et d’ailleurs éteintes avant l’apparition d’Adam. Mais la Genèse ne nous met nullement sur la voie de cette idée.

5. — La Genèse paraît exclure positivement la rêverie origéniste de la préexistence des âmes. Car elle nous montre Dieu communiquant à Adam le souffle de vie qui le fait homme ; elle ne donne pas lieu de supposer que ce souffle de vie ait pu jouir quelque part antérieurement d’une existence indépendante. Cette conception d’un réservoir des âmes, d’où celles-ci seraient tirées au fur et à mesure de la production des corps, a encouru les anatlièmes de l’Eglise [concile local de Constantinople, 553, can. i, sqq., Dknzinger, 203 ; concile de Braga, 561, can. 6, ibid., 230 ; IV’concile de Latran, I215, cap. 1 de fide catliolica, ibid., 428 (355) ; V concile de Latran, 1513, sess. VIII, ibid, 788 (621)]. L’âme commence d’exister avec l’individu humain.

6. — A la lumière des enseignements de saint Paul (ltom., v, il), 15 ; 1 Cor., xv, 22 ; Eph.. iv, 28-24 : Col., iii, ij, 10), on découvre, dans ce clief-d œuvre divin que fut le premier homme, une double création, de nature et de grâce. L’innocence d’Adam avait été consacrée par des donséminentset gratuits, découlant de l’adoption divine, notamment par l’exemption de la concupiscence, de la douleur et de la mort. L’adoption divine, ruinée par le péché, a été restaurée en Jésus-Christ, mais sans le glorieux cortège des dons départis à nos premiers parents. Des Pères ont interrogé sul)tilement les expressions de Moïse, et dans le redoublement verbal qui marque la prédilection de Dieu créant l’homme « à son image el ressenddance >', ils ont parfois cru apercevoir la trace de cette double création : image se rapporterait aux dons de la nature, ressemblance à ceux de la grâce. Sans faire nôtre une exégèse probablement trop ingénieuse, nous devons souligner la solennité de la formule, qui montre dans l’homme une créature à part de toutes les autres. L’Eglise a pleinement reconnu le fait de cette prédilection divine et authentiqué jyar ses décisions la noblesse primitive de notre race. Dès l’an 416un concile de Milève approuvé par Innocent I, et en 418un concile de Carthage approuvé par Zosime, afiirmaient contre les Pélagiens le caractère essentiellement pénal de la sentence de mort portée contre Adam ; canon i, DENziNGEn, ioi(65). Le second concile d’Orange (529), confirmé par Boniface II, revendiquait contre les Semipélagiens l’intégrité primitive de notre nature ; canon 19, Denzi.vger, igo (160). Le concile de Trente renouvelait implicitement cette assertion en maintenant l’universalité de la déchéance originelle, scss. VI, cap. I, Den/.in’geh, 798 (675). Une des erreurs de Baïus consistait à nier la gratuité des privilèges du premier homme ; voir sespropositions condamnées 1, 6, 7, 28, 26, Denzixger, looi (881). looCi, 1007, 1028, 1026. Les scolastiquesont discuté si Adam reçut ces privilèges des l’instant de sa création ou seulement [dus tard (voir du Plessis d’Argbntki, Dispulatio de gralia an^olis el Adamo concessa). Saint Tiio.M-vs signale la controverse, I" p., q.g5, art. i, el se prononce pour la sanctification initiale. Cette opinion