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HERESIE

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salent, délruisaienl les églises, etc. ; il est par trop évident que de tels crimes étaient à la fois religieux et civils. Aussi l’Eglise a-t-elle réclamé très justement le châtiment de pareils coupables. D’autre part, dans certaines provinces ou villes indépendantes, l’organisation civile ou manquait, ou n’était pas assez forte pour réprimer ces désordres. Le pouvoir civil faisant défaut, l’autorité appartenait par droit dévolutif à l’Eglise, qui prenait la place du prince et exerçait son pouvoir.

Dans ces cas, l’Eglise ne procédait pas seulement en tant qu’Eglise, mais aussi en tant que société du peuple chrétien, usant du pouvoir civil ; c’est-à-dire, le légat, pour un certain temps, se substituait au gouverneur civil, et agissait en vertu du pouvoir civil qu’il détenait provisoirement. (Cf. Cavagnis, Inst. jiir. pubL, t. I, n. 313-314, p. 204-206… et Droit public, naturel et ecclésiastique, ch. iv, § 11, n. 381. Droits dévolutifs de l’Eglise dans les choses temporelles, p. 2y8 : « Quand la société civile ne peut procurer l’ordre temporel, l’Eglise, à cause de son propre intérêt, ne lui fait pas injure en s’en chai-geant provisoirement. »)

Sans doute, on cite quelques cas particuliers d’inquisiteurs conduisant au bûcher un hérétique. N’oublions pas, remarque Mgr Douais, i. qu’il vint un moment, sous Philippe le Bel, et même avant, où le [louvoir séculier donna pour sa part à l’inquisiteur la qualité de juge. Dans ces cas particuliers, l’inqui siteur agissait comme juge séculier. Ce n’était pas l’inquisition romaine ; ce n’était pas l’inquisition du toul. r>{l{evue pral. d’apol.. iSjanv. igog, p. 603.)

En résumé : i° L’Eglise peut évidemment déclarer que tel délit ou crime est digne de la peine capitale, en d’autres termes, reconnaître qu’en tel cas il est licite de prononcer la peine de mort.

2" Dans une société catholique, comme les délits contre la religion peuvent aussi constituer des délits contre la société, le prince, sous ce rapport, et supposé le jugement de l’Eglise relativement au crime religieux, peut et doit les punir en son nom propre,

3’Dans une société catholique, l’Eglise pourra également déclarer que le prince peut et doit infliger en son nom propre la peine de mort pour tel crime spécial contre la religion, qui est en mèuje temps un crime contre la société civile. (Cf. Dlballet, Des principes de droit canon, t. I, n. 411.5°, 6°, 7°, p. 351 ; Borix, De judiciis, t. IL p. Sgâ, 2*. 3°.)

Ces propositions disent exactement ce qui s’est passé, ce que l’Eglise a fait. L’histoire impartiale l’aflirme et le prouve.

I* La peine de mort a été introduite et appliquée dans certains cas aux hérétiques par lepouvoir civil, en son nom et par son autorité, et cela, parce que les hérétiques étaient regardés comme coupables d’un crime qui atteignait à la fois l’Eglise et l’Etat.

2* L’Eglise n’a jamais appliqué la peine de mort ; cette peine n’est pas dans le code ecclésiastique.

3" Par sa conduite, l’Eglise, dans la personne de [lUisieurs papes, notamment de Grégoire IX et d’Innocent IV, a approuvé les lois civiles qui statuaient la peine de mort contre les hérétiques ; elle en a pressé l’application pendant un certain temps, et même les a fait adopter par quelques citésou provinces libres.

Voilà ce qu’a fait l’Eglise au sujet de la peine de mort. L’on peut ainsi déterminer d’une manière précise quelle est sa responsabilité dans cette grave affaire.

II. Détermination des responsabilités de l’Eglise. — Ces faits, ces aveux ne donnent-ils pas raison aux historiens, qui prétendent que <r c’était, du moins indirectement et médiatement, au nom de

l’Eglise que le bras séculier exécutait la sentence qui atteignait les coupables » ?

Assurément non. Même après l’intervention des papes, il reste vrai que le pouvoir séculier jugeait, condamnait et exécutait la sentence en son nom et par son autorité propre, et nullement au nom de l’Eglise, ni directement, ni indirectement. Ce point a été démontré et est acquis.

Ajoutons un exemple pour le mettre en relief. Supposons un juge prévaricateur, infidèle à sa mission. Grâce à ses faiblesses, les voleurs, les assassins multiplient leurs crimes dans le pays au point de compromettre gravement la sécurité publique. Le ministre prévenu avertit le magistrat, avec sanction à l’appui, de faire son devoir et d’appliquer les lois en toute justice et équité. Le juge, ne voulant pas s’exposer à subir des peines, remplit désormais son devoir avec courage, et rend des arrêts parfaitement justes et équitables. Nonobstant les avertissements, les ordres, les menaces de ses supérieurs hiérarchiques, le juge, quand il rend ses sentences, ses arrêts, n’en est-il pas, n’en reste-t-il |>as juridiquement resj ensable ? Seri supérieurs lui ont toul simplement inculqué la nécessité de faire son devoir. Il a compris cet avis, et le met en pratique ; mais il agit toujours sous sa propre responsabilité, en vertu de ses pouvoirs ordinaires.

Ainsi en est-il de l’Église par rapport au pouvoir civil dans l’affaire de la peine de mort. Les papes ont plusieurs fois rappelé aux princes chrétiens leurs devoirs, avec sanctions à l’appui. Mais, ceux-ci, en appliquant les lois civiles, ont agi en leur nom et sous leur propre responsabilité. (Cf. Vermeebsch, Etudes, ao février 191 1 ; I.a Tolérance, p. 198 sqq.) Pour disculper l’Eglise, il n’y a donc plus qu’à résoudre la question suivante : « Les lois civiles, qui décrétaient la peine de mort contre les hérétiques, dans le temps et dans les circonslances où elles ont été portées, étaient-elles justes ou injustes ? » Cette question n’est autre qu’un cas de conscience. Pour le résoudre, il faut tenir compte de toutes les circonstances historiques. Mais, dans la société chrétienne, le Souverain Pontife a pleine autorité pour résoudre les cas de conscience. Or, les pajjcs ont déclaré authenliquement, quoique d’une manière implicite, qu’à raison des temps et des circonstances, ces lois étaient justes, opportunes, nécessaires, puisqu’ils les ont approuvées, en ont pressé l’application, les ont adoptées eux-mêmes pour leurs Etats, et les ont fait adopter par quelques villes indépendantes. Donc, pour un catholique, il n’y a pas à hésiter. Il s’en tient au jugement authentique de l’Eglise.

Et même au seul point de vue historique, il n’est pas bien difficile d’expliquer et de justifier la conduite de l’Etat et de l’Eglise, et de montrer que ces lois civiles, si rigoureuses fussent-elles, étaient parfaitement justes.

! Le principe de la loi est en dehors de toute discussion ; 

il n’est autre que la thèse que l’on établit en parlant des rapports de l’Eglise et de l’Etat. En principe, un Etat catholique a indubitablement le devoir et le droit de protéger la religion catholiqjie, qui est la seule véritable religion, et partant d’exclure l’exercice extérieur des cultes faux. (Voir les propositions 55, 77-80 du Syltabus : cf. Valeur des décisions du Saint-Siège, p. 306 sqq., et p. 358 sqq.) Donc l’Etat catholique a certainement le droit, et, selon les circonstances, le devoir de faire des lois pour conserver l’unité religieuse, et par conséquent d’édicter des peines contre les perturbateurs de l’ordre religieux, de l’unité religieuse, qui deviennent, par le fait même, des perturbateurs de l’ordre public.