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HERESIE

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De plus, el ceci constitue une forte prësomplion en faveur de l’opinion qui dénie ce pouvoir à l’Eglise, c’est un fait que l’Eg^lise n’a pas la peine de mort dans son code, qu’elle ne s’est jamais servie de ce pouvoir, et qu’elle n’a jamais déclaré que ce i)ouvoir lui appartenait, ou que le droit de glaive lui était nécessaire pour atteindre sa fin.

Prévenons de suite une objection.

Mais, dira-t-on, on ne peut guère contester, refuser de reconnaître le droit de glaive à l’Eglise, puisque ce pouvoir lui a été attribué par LKONX, qui a expressément condamné la proposition suivante de Luther (Denzingeh, n. 773 (657) ; Bullarium…, Cocquelines, t. III, part. III, p. 489) :

Ilæreticos comburi est contra s’oliintatem Spiritus.

Léon X en ellVt, dans sa fameuse l)ulle E.rsiirge du 16 juin 1620, a condamné cette proposition de Luther ; c’est la 33= ; et on ne peut le nier, c’est bien de la peine de mort qu’il s’agit ; bien plus, la condamnation est, dans l’espèce, une sentence ex catliedra : la bulle Exsurj^e constitue une définition dogmatique, infaillible. Soit. Mais, quel est le sens de la proposition condamnée ? « Brûler les hérétiques est contre la volonté du Saint-Esprit » ; cela revient à dire qu’il est illicite, aljsolument défendu d’appliquer la peine du feu aux hérétiques. Donc, on doit au moins admettre la proposition contradictoire : « Brûleries hérétiques n’est pas toujoursetnécessairement contre la volonté du Saint-Esprit, il peut être licite, il est quelquefois permis, il n’est pas absolument défendu d’appliquer la peine du feu aux hérétiques, u Mais, dans cette proposition, il n’est pas question du sujet de ce pouvoir, il n’est pas dit par qui la peine peut ou doit être ai)pli(iuéc. C’est pourquoi, conformément à la définition pontificale, il faut et il sufiit de réprouver la proposition condamnée dans le sens absolu qu’elle a, selon sa teneur, et d’afiirmer la proposition contradictoire, à savoir : il est licite dans certains cas, il est quelffuefois permis défaire subir la peine en question, et l’Etat a ce droit. Il n’est nullement requis d’ajouter : l’Eglise a ce môme pouvoir. De cela, il n’en est pas question dans la définition dogmatique. Les circonstances historiques dans lesquelles a été portée cette condamnation, suggèrent ou jdutôt imposent cette interprétation. On le sait par l’Iiistoire, et tous les documents pontificaux, toutes les constitutions impériales en font foi, c’est l’Etat qui, en ces tempslà, appliquait la peine de mort aux hérétiques. Luther réprouvait cet usage. Le Pape condamne l’assertion du moine apostat. Par conséquent, dans cette condamnation jiontilicale, ni directement, ni indirectement, ni explicitement, ni implicitement, il n’est question de l’Eglise, comme sujet du droit de glaive. Il s’ensuit seulement que le Pape ne veut pas qu’on condamne absolument la manière de faire des Etats catholiques, qui appliquaient dans certains cas la peine de mort aux hérétiques.

Mais ne serait-on pas atteint par la condamnation du concile si, comme certains historiens catholiques, on déniait absolument, nonseulement à l’Eglise, mais encore à l’Etat, tout droit d’appliquer la peine de mort aux hérétiques ? — Par contre, nous serons pleinement d’accord avec la définition du Pape, nous satisferons à toutes les exigences de la doctrine catholique, si, sansattribuerledroit de glaiveà l’Eglise, nous le revendiquons pour l’Etat, au moins dans certaines circonstances.

C’est précisément ce que soutient la troisième opinion.

3’opinion. — On le sait, la religion est le fondement delà moralité etla moralitéest le fondcmenlde la société ; en consc(iuence, le prince peut protéger la

religion, nonpas seulement en tant que telle, mais en tant qu’elle est le fondement de la société. Si donc, dans un Etat, la religion catlioliqueestreconnue socialement comme la véritable religion, le prince pourra réprimer les perturbateurs de la religion parce qu’en attaquant la religion, ils troublent en même temps l’Etat ; et par conséqvient, un crime religieux est aussi un crime civil. Mais, de la part de l’Etat, la punition du crime peut être plus sévère que celle qu’infligerait l’Eglise. L’Eglise est une mère, et dans son gouvernement elle a un caractère de mansuétude, de bonté, de douceur, qui ne convient pas à l’Etat, du moins au même degré. — Saint LiioN lg Grand, dans sa lettre à Turribius, insinue cette dilTércnce entre l’Eglise et l’Etat : « Ouæ (Ecclcsia) etsi sacerdotali contenta judiiio, crueiilas refugitultioncs, sevcris tamen cliristianorum principumconstitutionibus adjuvatur, dum ad spiritalcnonnumquam rccurrunt remedium, qui tiinent corporale supplicium. » (P. /.., LIV, 680.) "Toutefois l’Etat ne peut réprimer le crime religieux au point de nuire à la religion ; et il appartient au juge ecclésiastique de voir s’il n’y a pas excès sous ce rapport. C’est pourquoile jugement ecclésiastique sur le délit religieux doit précéder ; par exemple, sur le crime d’hérésie, c’est à lui à décider cette question : en l’espèce, y a-t-il hérésie proprement dite ? Ce jugement prononcé, le coupable est livré au bras séculier, qui, supposé le crime religieux, le juge à son tour et lui applique la peine prévue par la loi.

Mais ici une chose est à noter : dans ce cas, le juge laïc ne punit pas le délit religieux, simplement parce qu’il fait tort à la société religieuse, mais aussi parce qu’il va contre la société civile, et ainsi la peine est infligée, nonpasaunom de l’Eglise, mais au nom de l’Etat. Et, comme nous l’avons remarqué, la sanction de l’Etat peut être plus sévère que celle de l’Eglise ; elle peut aller jusqu’à la peine capitale. Donc, si l’Etat appli<iue la peine de mort, il agit en son nom propre et nullement au nom de l’Eglise ; il punit un délit social, qui est parfaitement de son ressort, de sa compétence.

Par ailleurs, le prince a non seulement le droit, mais encore, dans l’étal normal, le devoir de protéger la religion pourmainlenir la tranquillité sociale, l’ordre public. Or, l’Eglise est, de droit divin, juge des obligations à accomplir par les fidèles. Elle peut donc rappeler, inculquer au prince le devoir qui lui incombe d’user de la force non seulement pour appliquer les peines tcmi>orelles inlligées i)ar elle, mais encore pour punir par des châtiments plus sévères les graves délits religieux, qui sont en même temps des crimes sociaux, devoir que l’Etat doit rempliren son nom propre et non point au nom ou par l’autorité de l’Eglise. Et comme l’Eglise ne juge pas seulement des devoirs en général, mais des cas particuliers, elle peut fort bien, dans certainescirconstances déterminées, déclarer au prince, avec sanction à l’appui (interdit, excommunication, etc.), qu’il est obligé on conscience de sévir, d’user ilii glaive (en son nom à lui, et nonpas à celui de l’Eglise) contre les ennemis de la religion, comme contre les autres p<’rlurbateurs de la paix publicpie, de l’ordre social, par exemple, les incendiaires ; vin jirince gravement négligent sous ce rap|)ort, comme dans toutes les choses qui regardent l’ordre moral, est soumis à la juridiction de l’Eglise.

Il ne fautpas perdre de vue ces explications quand il s’agit de rendre compte de certains faits de l’histoire ecclésiastique. Bien plus, et c’est tine remarque importante à faire, parmi les liéréliques, plusieurs n’attaquaient pas seulement l’Eglise en propageant l’erreur avec des armes s])irituelles, mais usaient du glaivematériel, meltaicnl à morlles.prclres, rcnvcr-