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HERESIE

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melle. L’hérésie m « (er(e//f est l’erreur de celui qui nie de bonne foi, et sans opiniâtreté, quelqu’un des articles de foi déUnis par l’Eglise. L’hérésie formelle consiste à niersciemment, volontairement, c’est-à-dire avec connaissance de cause et obstination, quelqu’une des vérités révélées, enseignées ou délinies comme telles par l’Eglise.

L’hérétique peut être interne ou externe. L’iiérétitique interne est celui qui cache son erreur dans le fond de son esprit, sans la manifester à l’extérieur. L’hérétique externe est celui qui la produit au dehors, d’une façon quelconque, soit par des signes, des écrits, des paroles ou des actions (cf. Franciscus Cardinal. Albitius, De Inconstantia in jure admittenda vel non. De Inconstantia in fide, chap. xiii sqq., Amstelodami, 1683 ; F. Jo. Antomus de Panormo, O. FF. Minorum Observ., Scrutiniiim doctrinarum, cap. ii, art. I sqq., Romæ 1709 ; Soarez, Z>e ^rfe, Disp. XIX, sect. i ; les canonistes, dans leurs commentaires sur : le litre VII, De Hærelicis, I. V, dans les Décrélales de Grégoire IX ; le titre II, de Hæreticis, 1. V, dans le Sexte ou les Décrétâtes de Bo.niface VIII ; le titre m, de Hæreticis, 1. V, dans les Clémentines ; les théologiens, dans leur traité De fide, ou dans le De locis theologicis ; les moralistes, dans la question concernant les péchés contre la foi ; R. P. Badet, Le péché d’incroyance, L}’on-Paris, 1899).

L’hérétique externe peut encore être public ou occulte. Il est public s’il manifeste son erreur devant un nombre suflisantde témoins. Il esl occulte, s’il ne la manifeste devant aucun témoin, ou s’il ne la déclare que devant un petit nombre de personnes discrètes.

Un clirétien qui renie safoi est un apostiit. Les apostats de la foi, malgré la malice particulière de leur crime, sont évidemment de vrais hérétiques, puisqu’ils ont renoncé complètement à la foi chrétienne. Aussi bien, les peines portées par les canons contre les apostats de la foi sont les mêmes que celles qui frappent les hérétiques.

Gomme on le voit, l’hérésie est la négation de la foi, de l’autorité de l’Eglise ; elle rompt l’unité, celle note essentielle de la véritable Eglise ; elle met le coupable hors de la société établie par Jésus-Christ i)our sauver les hommes, et conséquemment hors de la voie qui conduit au salut éternel.

La foi est le plus précieux de tous les biens, puisqu’elle est le fondement, la racine de toute justification ; sans elle, il est impossible de plaire à Dieu, de sauver son âme pour l’éternité. Aussi l’hérésie est-elle un crime abominable, et en un sens le plus grand de tous. Jésus-Christ, envoyant ses apùtres prêclier l’Evangile, imposait à leurs auditeurs l’obligation de croire, sons peine d’être condamnés : n Allez dans le monde entier, prêchez l’évangile à loule créature. Celui qui croira et qui aura été baptisé, sera sauvé ; mais celui qui ne croira pas sera condamné. nÇMarc, XVI, 15 sq.) Obligation facile à conq)rendre pour quiconque a une exacte notion de Dieu, de l’iionmie, de leurs mutuelles relations, et du prix de la vérité révélée. Les apôtres ont eu pour l’hérésie la même répulsion ([ue leur Maître. Saint Jean y voit l’œuvre de l’Antéchrist (1 Juan., iv, 3), et défend de recevoir ou même (le saluer les hérétiques (Il Joau., 10)..Saint Pierre et saint Jude en parlent avec une extrême énergie (Il /’e(r., II, 1-17 ; Jud., 4 sqq.). Saint Paul leur dit analhèuie (Galat., i, 9). entend les réprimer, les dompter par sa puissance spirituelle, « ayant en main le pouvoir de punir toute désobéissance » (II Cor., X, 4, 6). Le grand apôtre écrit encore à Timollice :

« Conservez la foi et la bonne conscience, abandonnées

par quelques-uns qui ont fait naufrage dans la foi. De ce nombre sont Hyménée et Alexandre, que

j’ai livrés à Satan, afin qu’ils apprennent à ne plus blaspliémer » (I Tim., i, 19 sq.). L’Eglise primitive n’a pas d’autres sentiments ; nous n’avons pas besoin d’en (aire la preuve, tant le fait est évident.

C(jiiformément à la mission qu’elle a reçue de son divin Fondateur, de tout temps, l’Eglise a fait tous SCS efforts, pris les mojens les plus eilicaces pour préserver, défendre la foi de ses enfants. C’était un devoir primordial et sacré. Elle a porté des peines sévères contre les hérétiques. Rcinarquons-le cependant, les peines ecclésiastiques frappent seulement l’hérétique /"orme/ et ejT^er/ie ; elles n’atteignent pas l’hérétique matériel. L’Eglise ne punit pas le chrétien qui erre de bonne foi et est disposé à se soumettre à l’autorité légitime et à recevoir la vérité, dès qu’il la connaîtra. Il en esl de même de l’hérétique interne. l’Eglise ne juge pas des choses internes (cf. c. Cogitationis 14, dist. i, de Pænitentia, C. xxxiii, q. m ; c. Mandata 46, X, de Simonia, 1. V, lit. 3).

Toutefois, les peines portées contre les hérétiques formels et externes atteignent aussi :

i" Ceux qui adhèrent à leur doctrine hérétique, eis credenles : ceux qui recèlent leur personne, pour la mettre à l’abri des poursuites, ou permettre aux coupables de continuer impunément leur œuvre néfaste de perversion, eorumque receptores : ceux qui les favorisent, eorum fautores : et généralement ceux qui les défendent, ac generaliter quoslibet eorum defensores (cf. Bulle Aposlolicæ Sedis, sect. I. Excomni. latæ sentent, speciali modo R. P. reservatae, i ; d’Annibalb, Consi. Ap. Sedis, p. 21 sqq., Reate, 1880 ; Tkpiiany, Exposition du droit canonique, t. 111, n. 685 sqq.).

Le droit canonique actuellementenvigueur oppose à l’hérésie des professions de foi, des visites épiscopales, des condamnations delivreset de |)ropositions, des lois défendant aux catholiques certaines communications avec les hérétiques, des inquisitions, des excommunications, des privations d’ollices ou de bénéfices ecclésiastiques et de sépulture religieuse, etc.

II. — Une objection préalable, qu’on pourrait appeler générale et de principe, atlaque cette législation ecclésiastique : i" comme contraire au droit naturel ; 2° comme opposée à l’esprit même du christianisme primitif. On objecte ensuite 3° que les professions de foi sont une provocation à l’hypocrisie ; 4° que les condamnations de livres et de propositions sont des vexations ennuyeuses, mais d’une ellicacité fort médiocre ; 5° que l’interdiction de 00mmuniciuer avec les héréti(iues, et surtout l’excommunication, sont contraires à toute charité, à toute sociabilité ; 6°que la privation de sépulture religieuse, d’ollices ou de bénéfices ecclésiastiques, est une grave injustice…

III. Réponses. — 1° H n’est pas contraire au droit naturel de discerner le vrai d’avec le faux ; de protéger l’un et de proscrire ou même de combattre l’autre, surtout quand ils ont des conséquences i)ratiques d’une haute gravité pour la vie individuelle et sociale ; de porter des lois restrictives et aflliclives proportionnées au danger et à lacriminalité des doctrines mauvaises. Le crime de la pensée, de la parole, de l’enseignement, n’est pas moins punissable que celui de l’action ; parfois il l’est davantage. Le faux docteur, qui attise les colères et provoque les violences d’une foule ignorante et aveugle, n’est pas irresponsable, devant la conscience, des malheurs causés par sa faute ; pourquoi le serait-il devant la loi, devant le juge ?

2° L’esprit du christianisme, non seulement primi*