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GRECS (RELIGION DES)

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Sisyphe (Oclvs., xi, SgS), tous trois cliàlics vraiscmMablenicnt pour des iiltentats conlre les dieux. De, séjour liienlieureux, il n’est fait inenlion qu’une l’ois (Ods.. IV, 6(Ji-5(18). Protee annonce à Ménélas ((u’il lie mourra pas, mais sera transporté, corps et àine, par les dieux, à la plaine él, scenue, aux contins de la terre, où déjà réside le blond Uliadamanthe. « La vie y est très douce aux hommes : point de neige, d’hiver on de pluie, mais toujours l’Océan exhale la douce haleine du zéphyre qui les rafraîchit. » La raison de ce traitement privilégié n’est point la vertu héroï(pie de Ménélas, mais s.i parenté avec Zens :

« Tu as épousé Hélène ettu es gendre de Zeus » (Oïlys., 

iv.SGg). Les autres mortels, qui ne peuvent se prévaloir d’alliances aussi illustres, sont destinés, péleluêle, à l’existence lamentablement terne et monotone

« le l’Erèbe.

m. Hésiode. — Nous entendons sous ce nom les poèmes dits hésiodiques, i)rincipalement la Théogonie. Christ en place la composition vers l’an-oo. Croiset dit [)lutôl 800.

Après Homère, les poètes épiques s'étaient appliqués à fixer et à ordonner les légendes héroïques, diffuses dans le monde grec, de façon à jirésenleraux Hellènes le cycle complet de ces merveilleuses histoires. La Thétgonie répond aux mêmes velléités scientifiques, aux mêmes désirs d’ordre et d’arrangement : c’est un essai de synthèse des légendes divines. Dans une icnvre didactique, raide d’allures, l’auteur classe les généalogies des dieux, depuis le eomnieni’ement des choses, jusqu’iiu régne actuel de Zeus.

A l’origine, quatre êtres : le Chaos, ])robablenienf l’espace vide, Gaia ou la Terre, le Tartare dans les profondeurs de la terre, enfin Eros (l’amour). Du Chaos sortent Ercbos (les ténèbres) et Nyx (la nuit), de Nyx et d’Erebos, Héméra (le jour) et Ether (l’air lumineux). Gaia enfante Ouranos (le ciel), les montagnes et Pontos (la mer). De son union avec Ouranos, naît une multitude de dieux, les Titans, les Cyclopes, les Géants aux cent bras. Survient une première révolution : Ouranos, se montrant cruel envers ses enfants qu’il ensevelissait dans les profondeurs de la terre, est délrt>né par Ki-onos..près cet épisode, le poète dévide à nouveau le cycle des générations divines. L’on voit apparaître les Parques, la Mort, le Sommeil, les Songes, la Vieillesse et mille autres abstractions, dont le nombre pouvait accroître indéfiniment la mythologie grecque..-Vux Nymphes gracieuses succèdent les Monstres, Harpies, Chimères, Gorgones, Spliinx. Dans cette foule bigarrée, deux familles se détachent plus nettement : les Titans et les Kronides, nés de Rhéa et de Kronos. Elles se disputent un instant la royauté de l’Olympe. Zeus, qui a renversé son père Kronos, voit son empire menacé par les Titans..Vidé par les Géants aux cent bras, il précipite ses ennemis dans le Tartare. Une dernière victoire sur le monstre Typhée assure son triomphe, et le poète n’a plus qu'à nous dire la naissance des derniers Olympiens.

t^ette Théogonie, d’une rigidité un peu fruste, a son importance dans l’histoire delà religion grecque. Elle nous apparaît comme le i)remier essai de cosmogonie, essai d ailleurs très rudimentaire, où l’imagination lient plus de place que la raison ])hilosophique. Pourtant, derrière le déroulement des généalogies, il semble qu’on entrevoie l’idée d’un progrès vers l’harmonie et la lumière. Par cet essai, le poète frayait la voie à ces^îî/c’yci, qui, au vu' et au vi" siècle, spéculeront sur la nature des dieux et l’origine des choses et identifieront les principes et éléments de l’univers (i/.ç/'Ai) avec des divinités déterminées. I.a Théogonie avait encore le mérite de ramifier.

aux yeux des Grecs, l’arbre généalogique de leurs multiples divinités, et elle resta pour eux un répertoire souvent consulté.

IV. Du 'Vir â la fla du 'V siècle avant J.-C. — .Vvec Homère, ranthropomor[ihisnie s'était nettement allirmé, et les dieux Olympiens avaient prévalu sur les dieux Chthoniens. Ces deux caractères se maintiendront dans la littérature classique et dans l’art. De cette inilucnce artistique, il résultera une mythologie commune, ollicielle, comprise de tous les Grecs dans ses grandes lignes. Ce panthéon panhellénique ne se constitua pas sans compromis entre les dieux Olympiens et les divinités locales et elithonieunes. Souvent, les Olympiens ont emprunté aux dieux détrônés des éléments qui leur étaient primitivement étrangers : ainsi Héra, divinité céleste dans Homère, était adorée à Olympiecomme divinité clitlionienne. Ailleurs les dieux vainqueurs dans cette lutte pour la vie gardent comme surnom ou È7ri>// ; Ti ; le nom du dieu qu’ils absorbent. Le culte d’Artémis en oll’re de nombreux exemples : dans les dénominations d’Artémis Britomartis, Artémis Eileithyia, Artémis Hécate, Artémis l[)higencia, les éjiithètes, ajoutées à Artémis, nous rappellent les noms d’anciennes divinités, qui se sont fondues avec elle.

Les Grecs ne se sont point préoccupés, dans ce mélange d'éléments divers, d'éliminer toute contradiction, d’harmoniser les légendes disparates. Il n’y avait point chez eux d’autorité imposant une profession de foi uniforme, de clergé enseignant une théologie précise. De là, beaucoup de flottement dans leurs conceptions, et une grande lil)erté, laissée à la fantaisie individuelle ou nationale. Sur le lieu de naissance de Zeus, que de divergences ! Les uns lui assignaient le mont Dicté, d’autres le mont Ida en Crète, d’autres le mont Ida en Troade, Naxos, le Tmolos, le Sipylos. Les épithètes, attribuées à une même divinité, variaient tellement que les Grecs eux-mêmes ne se reconnaissaient pas dans cette multiplicité : « N’y a-t-il ipi’une seule Aphrodite ou en exisle-t-il deux, l’Aphrodite vulgaire et l’Aphrodite céleste, je l’ignore », disait Socrate. (XÉxoPHOX, Banquet, viii, 9.) Au sein du même peuple, les individus ne se croient jioint liés à une interprétation uniforme de la mythologie. Les légendes sont altérées pour satisfaire l’orgueil aristocratique, la fantaisie des artistes, les conceptions des philosophes. Des conservateurs de vieille roche, comme Eschyle et Pindare, ne se font point scrupule de ces changements. H est un point, cependant, sur lequel les Grecs se montraient intransigeants : l’observation des rites traditionnels. " La doctrine était peu de chose ; c'étaient les pratiques qui étaient l’important ; c'étaient elles qui étaient obligatoires et impérieuses. » (FusTELUE CoULANGES, Cité antique, p. igS.) Qui pratiquait ces rites sviivant les usages des ancêtres, était religieux ; qui voulait les modifier ou les détruire, était accusé d’impiété, et exposé à la sévérité des lois.

En songeant à cette liberté d’interprétation, à cette création infatigable île mythes, on comprend combien il est dillicile de faire la synthèse des attributs d’une divinité, surtout de les rattacher à une idée unique, germe de toutes les légendes postérieures. Des mythologues naturalistes, comme Dechahmb, l’ont tenté : c'était se condamner à des prodiges d’ingéniosité. « L’extension de la sphère d’action d’un dieu, a dit Henri Weil, tient souvent à des causes accidentelles. Une tribu, une cité qui s’est habituée à regarder un dieu comme son patron spécial, l’invoquera en toute circonstance, lui demandera de protéger les moissons, les troupeaux, de veiller à la