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GRECS (RELIGION DES)

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.-aient leurs racines dans le passé. Il faut reconnaître pourtant que « dans la détermination des éléments primitifs de la religion ^ecque, nous en sommes encore aux premiers essais i>.(CnAXTEPiE oe i.v Sacssaye, Manuel d’Histoire des Religions^, trad. franc, Paris, 1904, p. 492.)

Les positions de la critique se sont sensiblement raodilîces depuis vinf^t-oinq ans. Pour s’en convaincre, il sulUt de lire, dans l’A>terliimsi : sscii.’<chalt de KnoLL (Leipzig, iyo5), l’article de Bloch résumant révolution de la sciencede 18y5 à 1900, — ou lelivre <le Gni’PPE. Vie myihologische Literatur ans den Jahren IS98-1005 (Leipzig, 1908). — De nos jours, les philologues ont, pour la plupart, renoncé aux tentatives de Max Miiller de reconstituer, d’après la grammaire comparée, une religion indo-européenne, a Si l’on met à part, dit M. Meillet, les astres, comme le soleil, la lune, ou les phénomènes naturels, comme l’aurore, le tonnerre, le feu, etc., qti, sous leur nom ordinaire, sont tenus pour divins dans l’Inde et la Grèce antique, pas un nom de dieu n’est indo-europ ? en commun… Tout ce que la linguistique enseigne sur la religion indo-européenne, c’est l’existence d’une certaine conception de la divinité. » Le nom indo-européen « dieu » ou « divin r, qui se retrouve en sanscrit, lithuanien, vieux prussien,-v ieil islandais, gaulois, vieil irlandais, latin et grec, signifie u brillant », et ne saurait être séparé du « jour i^, du

« ciel lumineux » souvent divinisé (grec ZrJ- : , latin

(lies). Par opposition aux hommes, qui sont appelés les a mortels a ou les « terrestres », les dieux apparaissentcomrae les êtres célestes et immortels. Quant aux rapprochements plus précis, tentés entre les ilieux grecs et les dieux des Vedas. Hermès et Sarameias, Erinys et Saranyu, les Centaures et les Gandharvas, et même Ouranos et Varuna, ils sont généralement abandonnés, la linguistique indoouropéenne ne pouvant apporter à la mythologie comparée « aucun témoignage solide ». (Maillet, Introduction à l’étude comparat’ive des langues indoeurop-’cnnes, Piir’is. 1908, p. 363-365.)

Ceci soit dit, à s’en tenir strictement aux seules données de la philologie, et encore peut-on trouver que, par réaction contre Max Miiller, beaucoup minimisent à l’excès l’apport de la linguistique. Bien que plusieurs le contestent, l’équivalence du sanscrit /hâus pitur, grec Zt., i-y-cp, latin fuppiter, germain ; /f(H, rend extrêmement vraisemblable chez les Indo-Européens la conception d’un dieu de la lumière et du ciel, régent suprême du monde et des autres divinités. De plus, si l’on compare non plus seulement les noms divins, mais les mythes, les idées religieuses elles-mêmes et les attributs de la divinité, on ne peut nier l’origine comnmne d’un grand nombre de ces conceptions, remontant à une période ancienne de la race indo-européenne : culte j des morts et croyance à la survie, sacriûce, hommages aux dieux, idée du Destin, sans que ces conceptions plus élevées excluent nécessairement des éléments inférieurs de superstition animiste ou de ma--ic. (Sur ces questions, voir ScnRADER. Arran Heli

: in dans Hastixgs, Encyclopædia of Heli^ion and

vV//ji’cs, vol. II, p. II sqq., 1909 ; Hirt, Die Indogermannn, 1907 ; Ed. Meyer, Geschiclite der Altertums, 2’édit.. 1907 ; L. DE LA V.4LLÉE PofssiN, Zc Védisme, 1908 (Bloud) ; A. Carxov, La Religion des Indo-Européens, dans Christus, Manuel d’Histoire des Religions (J.}liB). Paris, 1912.)

En descendant en Grèce par le nord, les Hellènes trouvèrent le paj’s déjà occupé, et ils subirent l’influence des peuples qu’ils soumettaient ou poussaient devant eux. Ces questions d’influences sont loin d’être tranchées : la facilité qu’avaient les Grecs,

comme les Celtes, de s’assimiler leurs emprunts, en rend le discernement dillicile. Pourtant, on peut attendre des découvertes Cretoises quelque lumière sur ces problèmes complexes. Déjà, un certain nombre derapprocliements ont été signalés avec l’Egypte et les civilisations orientales : présence, parmi les motifs de décoration, de la double hache, de la croix gammée ou svastika, autels avec cornes de consécration, rôle proéminent du taureau dans les sacrifices, etc. — Reste à déterminer la limite, souvent incertaine, de ce qui peut être analogie ou emprunt direct.

Si délicate que soit la tâche, essayons pourtant de dessiner les grandes lignes de la religion grecque primitive, autant que l’histoire ou la « protohistoire » peut les atteindre.

Dans cet exposé, nous utiliserons les résultats des fouilles faites en Crète et dans les iles de la mer Egée, bien que cette civilisation Cretoise semble antérieure à l’invasion des Hellènes proprement dits. Mais, suivant la remarque du R. P. Lagr.vnge, « si l’archéologie reconnaît, entre les temps minoens et les temps helléniques, vme transformation qui accuse la présence d’un peuple nouveau, elle proclame plus encore les affinités internes des deux civilisations ». (f.a Crète ancienne, p. 135.)

Pour commencer par les formes religieuses les moins relevées, nous pouvons noter comme très ancien le culte des pierres. En Crète, on a signalé des piliers sacrés, mais il n’est pas certain que ces piliers fussent honorés pour eux-mêmes, comme les bétyles asiaticjues, indépendamment de l’insertion ou de la suspension d’un emblème religieux, tel que la double hache. (Voir R. Dissaid, Les civilisations préhelléniques, p. 2 1 2 sqq.) Dans la Grèce historique, on retrouve de nombreux vestiges du culte des pierres (cf. DE WissER, De Græcorum diis non referentihus speciem humanam, Leyde, 1900 ; — Ch. Michel, Les survivances du fétichisme dans les cultes populaires de la Grèce ancienne, dans la Revue de l’Histoire des Religions, septembre 1909). En 405 avant J.-C, une pierre qu’on croyait tombée du ciel devenait aussitôt un objet de vénération pour les habitants de Clicrsonèse. Théophraste (Caractères, xvi) nous dépeint le superstitieux s’agenouillant devant ces pierres que la dévotion du peuple a consacrées aux carrefours, et versant sur elles toute l’huile de sa fiole. Au Ile siècle après J.-C, Pausaxias signalait encore, dans les temples grecs, de ces pierres sacrées, les unes brutes, les autres taillées en forme de cippe et de pyramide, ou surmontées de têtes de dieux. Ainsi à Thespies on vénérait une pierre, emblème dii, culte d’Eros, une autre dans le temple d’Héraklès à Hj-etle en Béotie, trois dans le temple des Charités à Orchomène, trente à Pliaræ en Acha’ie. Patisanias et ses contemporains regardaient la plupart de ces pierres comme des symboles ou des statues, à peine ébauchées, de divinités : dans la pierre d’Hyelle, c’est Héraklès qu’on adorait. Parfois ces rites étaient expliqués par quelque légende ou mythe. La pierre de Delphes, que chaque jour on arrosait d’huile et qu’en des occasions plus solennelles on entourait de bandelettes de laine (Pausan., X, xxiv, 6). passait pour être la pierre même que Kronos avait dévorée au lieu de son fils Zeus. La conception primordiale semble avoir été, — au moins en certains cas,

— celle d’un culte fétichiste : l’aérolithe était regardé comme animé de « pielque esprit surnaturel ; qui le possédait, se trouvait nanti d’un talisman contre la pluie, les orages ou les maladies.

A ce culte des pierres, les anciens Grecs ont-ils joint celui des arbres ? Si nous consultons les usages des époques qui suivirent, nous constatons que beau-