Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/186

Cette page n’a pas encore été corrigée
359
3
GRECQUE (ÉGLISE)

j0

vant, Pierre d’Antioche prend en pitié les barbares d’Occident, et demande à Michel Cérulaire de ne pas leur tenir rigueur de leur ignorance théologique :

« Il est déjà bien beau, ajoute-t-il, qu’ils acceptent,

avec nous le dogme de la Trinité et de l’Incarnation. » Cependant, il y a quelque chose qui lui paraît dépasser toule mesure, qui est le plus funeste de tous les maux : c’est l’addition au symbole : Will, Acla et Scripta quæ de coilroi’ersiis ecclesiæ ^ruec. et lat. sæc. A’/ fom/)Osifa ers^ «  « (, Leipzig, 1861, pp. 196, 198. On comprendra combien fut grande l’influence exercée par les écrits de Photius, si l’on se rappelle que des esprits éminents, comme Jean Veccos et Bessa-HION, dont la bonne foi est à l’abri de tout soupçon, eurent beaucoup de peine à rompre les mailles de la sophistique photienne et à retrouver la véritable conception des Pères grecs.

LA TACTIOIE DE MICHEL CÉBL’LAIRE

La controverse sur la procession du Saint-Esprit était trop transcendante jiour faire impression sur l’ensemble des esprits et déteriuiner immédiatement une rupture délînilive. Aussi voyons-nous les deux Eglises se réconcilier après la mort de Photius et, jusqu’en 1054, vivre dans cette union, bien lâche il est vrai, à laquelle, de part et d’autre, on s’était habitué depuis des siècles. Malgré l’acuité du conflit entre Rome et Constantinople ausujet de la juridiction sur la Bulgarie et l’Italie méridionale, malgré l’antipathie croissante des races, malgré la rancune toujours persistante des empereurs byzantins contre leurs rivaux d’Occident, les rapports des Orientaux avec le Saint-Siège ne furent, durant cette période, pas plus rares qu’autrefois. L’enqiereur Léon VI et le patriarche Nicolas le Mystique, en désaccord sur la (luestion des quatrièmes noces, demandent à Rome une solution. Le basileus se mêle même de l’élection des papes. TLimiscès soutient, contre Benoît VI et Benoît VII, l’antipape FRANCoN, et dépose le patriarche Basile 1°, dévoué au pape légitime. Nous savons par le téuioignage de Pierre d’Antioche qu’en 1009, le nom du pape était inscrit sur les diptyques de Sainte-Sophie, WiLL, op. cit., p. 192. Quelques années plus tard, le patriarche EusT.iTiiios (10 19-1025) essayait d’obtenir du pape Jean XIX une sorte de charted’autocéphalie pour l’Eglise orientale et la reconnaissance du titre de patriarche œcuménique. Quant aux relations des simples fldèles entre eux, elles étaient empreintes de la plus grande cordialité. Les pèlerins occidentaux qui se rendaient en Terre sainte passaient ordinairement par Constantinople et y étaient bien accueillis. Les moines des deux rites n’avaient aucune répugnance à fraterniser ensemble. Les monastères grecs n’étaient pas rares en Italie, et les Latins ne craignaient pas d’y entrer pour faire l’apprentissage de la vie religieuse.

L’invasion de l’Italie méridionale par les Xormands, au début du xi° siècle, détermina entre les papeset les empereurs byzantins un rapprochement qui, pour être politique, n’en devait pas moins contribuer à affermir l’uniim religieuse. Par les soins du Lombard Argyuos, une alliance entre le pape Léon IX et Cons-TANTi. N MoNo.M.VQi’B était à la veille de se conclure, lorsque le patriarche de Constantinople, Micuicl CÉaiiLAiHE, homme d’une ambition insatiableetd’une volonté de fer, rés ! >lut de rendre l’Eglise orientale complètement indépendante du pape, pour la mieux soumcltreà sa propre autorité. La riiptureæcRome n’était du reste, comme l’a démontré M. lîitÉuiEH dans son excellent ouvrage : le schismcorientiil du XI’aîècle, Paris. iSgg, qu’une étape dans la réalisation de son rêve de domination, car il n’aspirait à rien moins’qu’à concentrer dans ses mains le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel et à réduire le basileus au rôle de simplecoadjuteur du patriarche. S’il échoua misérablement dans sa lutte contre le pouvoir impérial, si, comme Photius, il tomba victime du cèsaiopapisme, son entreprise contre la papauté lut couronnée d’un plein succès, et c’est bien luiqui porte devant l’histoire la responsabilité du schisme définitif.

Dès son avènement au trône patriarcal, en 1043, il commença, nous dit l’historien Cédrenos, par rayer le nom du pape des diptyques sacrés, ce qui ne l’empêcha pas, quelques années plus tard, d’écrire à Pierre d’Antioche que le nom du pape n’était plus inscrit à Sainte-Sophie depuis le concile in Trullo, Will. op. cit., pp. i^S-i’jg Il médita ensuite un plan de campagne pour amener une rupture ouverte, et découvrit que le meilleur moyen de rendre le schisme durable était de lui donner une base dans l’esprit populaire. Reléguant à l’arrière-plan la question du Filioqiie et alTectant d’ignorer la primauté romaine, il porta la lutte sur le terrain des divergences liturgiques et disciplinaires, les plus capables d’impressionner la foule et de lui inspirer de l’aversion pour les Latins. Par son ordre, Léon d’Ocurida. ancien clerc de la Grande Eglise, ouvrit les hostilités en 1053, dansune lettre adresséeà Jean, évêque deTrani, o à tous les évêques des Francs et au très honorable pape lui-même’). Les Latins sont accusés de judaïser, parce « pi’ils emploient du pain azyme comme matière de l’Eucharistie et qu’ils jeiinent le jour du sabbat. On leur reproclie également de manger des viandes étoulïécs, et de ne pas chanter l’AUeluia pendant le carême.

Au même moment, à Constantinoiile, un moine de Stude, NicÉT.iis Stétatiios, instrument docile du patriarche, lance dans le public un tract dans lequel les très safies et très nobles Romains sont invités à ne plus vivre « sous l’ombre de la Loi, à ne plus participera la table des Hébreux’, en mangeant l’azyme, et à ne plus violer les canons des Apôtres et ceux du concile Quinisexte.en jeùnanlle samedi et en prohibant le mariage des clercs. Joignant les actes aux paroles, Michel Cérulaire ht fermer les églises latines de Constantinople, somma les clercs et les moines latins de suivre les coutumes grecques, et sur leur refus, les analhématisa, en les traitant d’azymites. Il y eut des scènes de violence, et l’on vit le chancelier du patriarche, Nicépliore, fouler aux pieds des hosties consacrées, sous prétexte que leur matière n’était pas du pain fermenté.

Par cette agression brutale, Cérulaire manifestait bien nettement son désir de séparation, et frappait en même temps ivement l’imagination d’un peuple formalisteà l’excès en lui montrant toute l’horreur qu’il fallait ressentir pour les abominables pratiquesjudaïques des Occidentaux. L’attitude du pape Léon IX fut des plus énergiques. Sans s’arrêter à discuter les mesquines accusations des Grecs, il porta immédiatement la question sur la primauté de l’Eglise romaine et mit Cérulaire en demeure de la reconnaître. L’ambitieux patriarche lit d’abord niinede céder et, reprenant le projet de son prédécesseur Eustathios, il liroposa au pape une sorte d’accord sur les bases de l’égalité : « Tu nous écris, lui répond Léon IX. ipie si nous faisons vénérer ton nom dans une seule église romaine, tu t’engages à faire respecter le nôtre dans tout l’univers. Quelle est cette pensée monstrueuse ? L’Eglise romaine, tête et mère des Eglises, connaitellcautrc chosequedesmembreset des lîlles ? » WiLL, op. cit., p. 91.

La lettre de Cérulaire convainquit le pape que tout accommodement pacilique était impossible, et il envoya à Constantinople trois légats, le cardinal Humbert,