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GRACE

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éviter pour ne pas briser l’union avec le Christ et être exclu du royaume.

La m’cessité de ce secours divin, de cette coopération de l’Esprit se prouve assez par le tableau que saint l’aiil nous trace de la dégradation morale des païens, de l’impuissance des Juifs à observer la Loi, de lu lutte douloureuse qu’il constate chez tous les hommes entre la conscience qui voit le bien et la volonté qui défaille à l’accomplir (ICor., vi, ij-i i ; Iiom., iMii ; vii-viii ; Gal., v, 19-28 ; Tit., iii, 3 ss.). La chair est ojiposée à Dieu, elle ne peut se soumettre à sa loi : ceux qui vivent selon la chair ne peuvent plaire à Dieu. Mais par contre, ceux qui coopèrent à l’action de l’Esprif-Saint en eux, posent des actes méritoires de la vie éternelle : (I Si vous mortifiez par l’Esprit les tendances de la chair, vous vivrez >> (Rom., viii, 13). L’Esprit n’est-il pas d’ailleurs un Esprit de vie ? ne n( lis constilue-t-il pas fils de Dieu et cohéritiers du (Christ ?

La nécessité de la grâce actuelle pour l’accomplissement des œuvres salutaires se prouve tout aussi bien, selon nous, et en tout cas d’une façon plus directe, plus générale, ]dus en harmonie avec la nature de la grâce actuelle, qui dans le cours ordinaire des choses n’est que l’aituation de la grâce sanctiliante, par les textes que nous venons de citer que par ceux qu’on allègue d’ordinaire à l’appui de cette thèse. En elfct, les assertions de 1 Cvr., iv, 7 ; XV, y-io ; II ("or., iii, 6 (et aussi Vofl/i., xv, 4) ne visent directement que les Apùlres ou les ouvriers évangéliques, et l’on n’en déduit la nécessité de la grâce (pie moyennant un argument a pari ou a fortiori d’ailleurs légitime et fondé sur le sens littéral. Quant à Pliili p., II, 13 : « C’est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire en vue de satisfaire son inclination », le sens en demeure obscur. Les Philippiens doivent-ils accomplir leur salut avec crainte et tremblement (11, la) parce que Dieu le veut, agit en eux à cette (in et que s’ilsne correspondentpas à l’action et au désir de Dieu, ils encourront sa colère ? Nous n’aurions dans ce cas que l’allirmation de l’action divine. Ou bien doivent-ils craindre et trembler parce que, dans raccom[dissemenl de leur salut, ils dépendent de l’action <le Dieu ? Nous aurions alors l’allirmation de la nécessité de cette action divine.

L’Esprit est une force tendant naturellement à développer son action en ceux en qui il réside. En ce sens, on pourrait dire, sans doute, que la grâce actuelle est due à l’iiomme justifié, comme le concours divin est réclame j)ar la nature. Mais le don de l’Esprit lui-même est entièrement gratuit, comme est gratuite notre vocation à la foi et toute l’œuvre du salut. C’est un anneau dans cette chaîne admirable des actes salviCques divins, si bien décrite par saint Paul : « Ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, alin qu’il soit le premier-né entre plusieurs frères. Mais ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés, et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi gloriliés » (Hom., VIII, 2g-30). Tout l’Evangile de Paul ne vat-il pas à prouver contre les judaisants la gratuité absolue de la justilication et du salut ? Nonobstant cette liberté entière de la prédestination, dont personne n’a à demander cimipte à Dieu (Hom., ix), le salut est ofTert à tous les hommes (I Tim., it, 4), comme aussi les moyens de l’obtenir. Paul prêche l’Evangileaux sages et aux ignorants, aux Juifs cl aux Grecs : « L’Evangile est une force de Dieu en vue du salut, pour tout croyant, pour le Juif d’abord et pour le Grec » (Hom., i, 16). Il y a dans la doctrine de Paul des antinomies apparentes qu’il ne s’est pas préoccupé de résoudre et que le développement de la

théologie surtout a mises en relief. Au nombre de ces antinomies on pourrait sans doute compter la conception de la prédestination et de l’universalité du salut, comme aussi celle de la souveraine ellicacité de la grâce et de la libre coopération de l’homme, mais on en rencontrerait bien d’autres en poursuivant l’exposé de la sotériologie paulinienne.

Terminons cette esquisse par une double remarque d’une portée plus générale. Nous avons déjà suflisamment laissé entendre combien la notion d’esprit dans saint Paul est riche et complexe. Laissant de côté l’acception anthropologique du mot, nous constatons que l’Apôtre appelle esprit, non seulement la troisième personne de la sainte Trinité, mais encore l’ensemble des dons, des propriétés et des grâces que la présence de l’Esprit-Saint produit en nous. Il réunit sous la notion d’esprit ce que la théologie postérieure a distingué en inhabitation de lEsprit-Saint, grâce sanctiliante et grâce actuelle. Cette dernière aussi est ])resque toujours rattachée à la source d’où elle découle, l’Esprit de sainteté. L’al)sence de précision entre des notions connexes, mais distinctes, tient peut-être à ce que saint Paul nous présente avant tout l’Esprit, principe et agent de vie nouvelle, comme l’antidote de la chair, facteur de péché et de mort.

Il est hors de doute aussique cette vie nouvelledont parle si souvent Paul est à ses yeux bien plus qu’une orientation nouvelle de notre vie morale. La vie morale n’est qu’une conséquence, une suite, une obligation résultant de la présence en nous de cette réalité mystérieuse qu’est l’Esprit de vie. Le concept de ^wi dont nous entretiendra surtout S. Jean, est un concepl i-eligieiir, bien plus qu’un concept moral : il désigne le i)lus haut bien que nous possédions dans l’union avec le Christ vivant. Cette union est bien plus qu’une union de l’intelligence et de la volonté, qu’une conformité de vie, de tendance et de direction : c’est une union réelle et mystique. Et l’Esprit par le moyen duquel l’union s’opère, n’est i)as seulement une mentalité nouvelle créée par la foi, c’est un principe transcendant et divin, qui n’est pas le terme d’un progrès psychologique, mais le fruit de la grâce divine, produit en nous exapere operatu par le baptême. C’est ce qui résulte à toute évidence de la manière dont Paul décrit les efTets du baiitcme et les actions de l’Esprit ; c’est ce qu’admettent aussi bon nombre de critiques libéraux, allégés du souci de devoir confirmer par S. Paul leur foi protestante. La dilTlculté qu’il peut y avoir pour l’iiomme moderne à s’intellectualiser une semblable conception n’est pas une raison sullisante pour ne pas la reconnaître dans l’Ecriture.

A la doctrine de Paul, nous pouvons rattacher celle de la lettre aux Hébreux et des épltres catholi([ues (excepté les lettres johannines) qui ne contiennent d’ailleurs guère d’éléments nouveaux pour la solution du problème qui nous occupe.

La personne et le sacrifice de Jésus forment le centre de l’éijUre aux Hébreux. Toutefois, le développement de cette christologie oblige l’auteur à parler de la Loi ancienne dans ses rapports avec la nouvelle, et du salut chrétien. Le salut est rattaché à Jésus-Christ, pontife saint et parfait (vu, 26-28), qui s’est oITert une fois pour toutes sur la croix (ix, 11-12 ; X, Ii-13) et offre maintenant son sacrifice dans le ciel (vni, 1-5 ; IX, x) où il prie pour nous et nous appli((ue les mérites du sacrifice accompli sur la terre (vu, 20 ; IX, 24)- Ce sacrifice nous a rachetés (ix, 12, 15), a remis nos péchés (ix, 26-28), nous sanctifie el nous rend parfaits (x, 10, 14, 29). A tous ceux qui lui obéissent, Jésus procure pour l’éternité le salut