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GRACE

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haut que la Loi, jusqu’à la Promesse faite par Dieu à Abraham. La Promesse est un testament gracieux, une espèce de contrat unilatéral par lequel Dieu s’oblige lui-même sous serment, sans subordonner son obligation à aucune circonstance extérieure. La Loi donnée au Sinaï est une alliance stricte, un contrat bilatéral, constituant une étape intermédiaire dont le rùle est de préparer l’accomplissement de la Promesse. L’alliance n’est pas identique au Testament, son objet est autre et son sujet aussi. L’alliance ne s’étend qu’aux Juifs, le Testament vise toute la postérité spirituelle d’Abraham ; l’infidélité à l’alliance n’implique pas le rejet de la Promesse, elle ne fait en quelque sorte qu’en hâter l’accomplissement, en nécessitant une alliance nouvelle, celle que Jérémie avait prédite et dont le Christ devait être le luédiateur. La justice est une grâce, elle repose sur la promesse divine et exige comme condition subjective la foi. De même que dans l’ancienne alliance, on était justilié en participantà lafoi d’Abraham aux promesses divines, ainsi on ne sera sauvé sous la nouvelle alliance que par l’union au Christ, le Messie attendu, l’objet de la Promesse. Le Nouveau Testament, loin de détruire l’Ancien, est préliguré par lui : la Promesse trouve son accomplissement dans le Christ ; la foi d’Abraham est le modèle de celle des chrétiens ; la terre de Chanaan est le type du royaume messianique ; la Loi elleuiéme préfigure les obligations nouvelles du croyant. Mais tandis ipie l’accoraplissenienl parfait de celle-là était impossible au Juif, le chrétien s’acquittera

« aisément de celles-ci, grâce au principe intérieur de

force puisé dans l’union avec le Christ (Gal., m ; Rom., iv).

L’auteur de l’épître aux Hébreux aussi greffe la nouvelle alliance sur l’ancienne. Comme Paul, il dépeint admirablement l’harmonie des deux Testaments, tout en faisant ressortir le caractère imparfait et transitoire delà Loi mosaïque. Comme Paul encore, il distingue dans l’Ancien Testament la Promesse purement gratuite faite à Abraham et à sa ])Ostérité spirituelle, qui tient de la nature du Testament, de la Loi, véritable alliance. Lanouvelleéconomierepose à la fois sur un Testament et sur une Alliance ; elle est supérieure à l’ancienne parce qu’elle a Jésus-Christ pour médiateur et pour garant, qu’elle est destinée à durer toujours et à consommer la perfection des saints (vu, 11-22 ; viii, 6-ia ; ix, 15-3y). Les saints de l’ancienne alliance ont entrevu le terme, sans l’atteindre, car il ne convenait pas qu’ils fussent consommés avant le Christ (xi, 40). Celte nouvelle alliance est moins la rupture que la perfection de l’ancienne : celle-ci était l’ombre, la figure, l’aiititype, la similitude de la nouvelle (x, 1). S. Paul considère la terre de Chanaan, objet des promesses faites à Abraham, comme le type du royaume messianique (ftom., IV, 13) ; l’épître au Hébreux oit dans le repos de la Terre promise, auquel aspiraient les Hébreux, la ligure du repos en Dieu, terme dernier des désirs de l’homme. L’écrivain sacré va même plus loin, il reconnaît une véritable évolution de l’espérance messianique dans l’Ancien Testament. Quand les Israélites entrèrent dans la Terre promise, ils constatèrent qu’ils n’avaient reçu qu’un acompte des promesses divines ; les perspectives se reculèrent et ils entrevirent un autre repos de Dieu (iv, 9-11). Ici, comme chez S. Paul, c’est la foi « pii donne accès au repos de Dieu et c’est l’infidélité ou la désobéissance qui en exclut. Ce repos, c’est Jésus, antitype de Josué, qui nous le promet et nous l’assure.

H. Evangiles synoptiques. — Le rapide exposé que nous venons de faire de l’économie du salut sous

l’Ancien Testament, nous trace le plan d’une étude de la grâce sous le Nouveau Testament. Ce sont de part et d’autre les mêmes éléments, mais transposés et spiritualisés. Le royaume messianique et le salut chrétien ; la Promesse et le Christ ; la confiance en la Promesse et la foi au Christ ; la Loi elles obligations morales du chrétien ; la circoncision et le baptême, le peuple élu et l’Eglise ; les prophètes et les ministres de l’Evangile : le parallélisme est parfait, mais il n’épuise pas toute la réalité nouvelle ; dans le Christ nous goûtons déjà les prémices du bonheur futur, le salut lui-même existe, mais à l’état caché et imparfait, attendant pour se manifester complètement, la pleine révélation <lu Fils de Dieu.

Un premier progrès fut réalisé par l’Evangile, en accentuant davantage l’idée de la paternité dit’ine, en lui donnant une signllication plus intime et plus douce, presque inconnue à l’Ancien Testament. Celui-ci sait, il est vrai, que Dieu est le père de tous les hommes et spécialement des justes (.Sap., 11, 1618), mais cette paternité est cependant avant tout juridique et nationale, et sert princifialement à Israël à revendiquer ses droits de fils aîné. Dans les Evangiles, Dieu est un père qui vient au secours de l’humanité, dont la bonté s’étend à tous les hommes, aux disciples d’abord (j)/<., vi, 1, 4, 6-18 ; v, 16, /lô), mais aussi aux ingrats et aux méchants (Mt., v, ! ^b). Cette attitude paternelle de Dieu envers l’humanité se manifeste surtout dans la grande grâce qu’il lui fait en lui donnant le royaume. Le roj aume, c’est la grande libéralité de Dieu à l’homme, c’est le contenu de l’Evangile, le but de la mission de Jésus.Leroraume de Dieu, dans l’Evangile, n’a rien d’un royaume politicpieet terrestre, tel que les Juifs contemporains l’attendaient, c’est un royaume d’ordre spirituel (.4//., xxii, 15-22 ;.l/f., XII, 13-iy : l.c, xx, 2 1-26), c’est l’opposé du royaume deSatan (Vf., xii, 28 ; /-c, xi, 20). El plus clairement que les prophètes, l’Evangile dislingue une double phase dans ce royaume : la phase délinitive et complète qui s’ouvrira par le jugement de Dieu et le retour du Christ et consacrera le règne parfait de la justice et de la vérité, le ciel, en un mot (.)/(., v, 8-12 ; xiii, 43 ; xxv, 34) ; et la phase préparatoire actuelle où la royauté de Dieu s’exerce déjà sur tous ceux qui accomplissent sa volonté (.l/c, xii, 34 ; I.I., XVI, lO ; XVII, 20-21). Dansée dernier sens, le royaume apparaît comme un but à atteindre par une démarche morale, comme un état d’âme, une vie nouvelle. Dans les deux sens, le royaume de Dieu est une f>rdce : en tant que royaume transcendant, il n’est donné qu’à ceux que Dieu a prédestinés (, ¥ ;., xxv, 34), c’est une libéralité gratuite de Dieu (Ml., xx, i-iG). Et cependant, il reste une réc()mi)ense proportionnée aux o’uvres d’un chacun (.1/ ;., XVI. 27 ; xxv, 14-30 ; Mc, viii, 38 ; Le., ix, 26 ; xix, 12-27).’^" tant f|ue réalité déjà présente, en tant qu’état de sainteté et de vie nouvelle donnant droit à l’héritage futur, le royaume de Dieu est aussi une grâce. Le temps de la grâce s’ouvre avec Jésus (A-c, IV, 18-21). Le royaume de Dieu est une vocation, on doit recevoir la parole du royaume(.l//.. xiii, Il ss.). Cette parole est comme une semence ipii s’épanouit spontanément en ceux en qui elle a été déposée, qui finalement arrive à maturité et porte ses fruits (Me, IV, 26-29). " royaume de Dieu est un don inappréciable, iineperle précieuse qu’il ne faut pas jeter aux chiens, qui vaut tout ce qu’on pourrait posséder d’ailleurs (.1//., VII, 6 ; XIII. 44-4*>)- Le royaume est prêché à tous, mais l’homme reste libre : il peut à son gré étouffer la semence ou contribuer à sa germination (.l/c, IV, 1-9 ;.1//, , xiii, 1-9 ; /.(., VIII, 4-8). L’Evangile du royaume im])lique déjà la doctrine de la prédestination et l’antinomie delà grâce divine et de la