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GRACE

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I

juslitication par la fi)i ne contredit pasla juslilication l>ar la Loi : la jnslire récompense des œuvres, n’exclut pas Injustice gratuite, car les œuvres sont le l’ruit de la foi, aux yeux de laquelle le fait d’élre Israiilite, d’avoir la Promesse et la Loi, tout constitue une (fràce. La Loi elle-mènie n’est-elle pas une grande f^ràce, le chemin qui mène à la vie ?

Le christianisme aurait pu se rallaclier directement aux prophéties et aux psaumes, si le judaïsme strictement lég-alisle n’était intervenu. Sans nier précisément l’iuiportancc de la foi, le Pharisaïsme en vint à considérer la Loi davantage en elle-même, comme un tout, une unité, la base d’une économie. La Loi prit le pas sur l’esprit intérieur de foi, la justice propre remplaça la justice gratuite et la religion sombra pour une grande part dans la casuistique. C’est contre ces déformations que S. Paul polémiquera, en remettant en pleine lumière le rôle de la grâce de Uieu, celui de la foi et de la Loi.

Pour observer la Loi malgré toutes les sollicitations contraires du monde et de la chair (faiblesse de l’homme, penchant au mal inhérent à tous les descendants d’Adam, Eccli., i !.v, 1 4-20 ; XXI, 1 1 ; xxv, 23-24 ; XXXVII, 3), le Juif pieux pourra compter sur le secours divin, secours externe, dans la prédication des envoyés de Dieu, secours interne, dans la force divine que donnent la prière et les oblations. Pour reconquérir la justice perdue, il avait la foi en la bonté de Dieu, qui lui ouvrait les voies du repentir et de l’expiation.

Toutefois, le ràleilel Esprit (/iV/n, inlervenanldans la vie religieuse comme principe de force surnaturelle et surtout comme agent oïdinaire de sanctification, apparaît à peine dans r.

cicn Testament : on

n’y relate guère que les manifestations extraordinaires et miraculeuses de l’Esprit (voir cependant Ps. L, 12-13 ; cxLii, lo). La diffusion abondante des dons spirituels est plutôt donnée comme une caractéristique des temps messianiques. Le Messie lui-même est décrit comme rempli des dons de l’Esprit-Saint (/s., xi, 1, 2 ; xlii, i ss. ; lxi, 1). L’époque de son avènement est prédite comme une ère de largesses divines (/s., XXXII, |5 ; xLiv, I ss ; Ezech., xi, 19 ; xxxvi, 26 ; XXX VII, 14 ; XXXIX, 29 ;./oi’l, II, 28-29 ; ^ocli., XII, 10). On comprend donc que S. Jean ait pu écrire : L’Esprit n’était pas encore, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié (./oan., vii, 89). En cet endroit, l’Evangélisteexpliqueuneparole du Seigneurse rapportant manifestement à l’action sanctifiante de l’Esprit : Qui ciedit iii nie, fluminn de centre ejiis fluenl aqiiae vivae. S. Paul aussi, en de nombreux textes, rattache la mission de l’Esprit au Christ exalté et identifie pour ainsidire l’action de l’Espritdans les fidélesavec colle duMessie glorieux. En argumentant de ces passages, quelques théologiens se sont demandé si l’Esprit-Saint habitait dans les justes de l’ancienne alliance autrement que par les énergies de la grâce, zar’èv5, 5V£corv, tandis qu’il habiterait substantiellement et personnellement, zerT’îJTiyv, dans les justes du Nouveau Testament (Ita Pet.vils, de Trinil., 1. Vlll.c. 7). Les justes de l’ancienne Loi n’auraient pas été vraiment les fils adoptifs de Uieu. On s’est même demandé s’ils possédaient, dès lors, la sanctification intérieure que donne la participation permanente de la vie divine et que le Nouveau Testament rattache toujours à l’Esprit inhabilant ou à l’union avec le Christ ressuscité. Leur justice devrait se concevoir de la façon suivante : par la foi et l’observation de la Loi, le Juif, déjà agrégé au peuple de la promesse par la circoncision, aurait été justifié, c’est-à-dire qu’il aurait mérité d’être inscrit au nombre des futurs participants du royaume messianique. Mais il n’aurait pu goûler les joies du royaume dès l’instant

de sa mort, ne possédant pas encore les prémices de l’Esprit, germe de la gloire ; il aurait dû attendre aux limbes la venue du Christ lui apportant le don de l’Esprit. C’est ainsi qu’il faudrait comprendre le texte obscur de Ilebr., xi, 40 : Et lii umnes testimonio /idei probati non acceperiint iepromissionem(17rv/-^tJiyv) Deo pro nohis meliiis aliijuid proiidente, ut non sine niihis consumniarentur ; et celui plus obscur encore de la I » Pétri : Mortuis evangelizaiuni est ut… yiyaiit secundum Deum inspiritu (iv, 6 ; iii, 19-20) On s’expliquerait de la sorte la portée réelle de la descente du Christ aux enfers : Il serait allé porter aux justes privés jusque là de la vision béatifique, le donuni ^pir tus qui donne accès au Ciel. Dans cette hypothèse, il ne faudrait plus distinguer en étudiant l’économie ancienne du salut, entre la situation du juste telle que nous pouvons la déterminer par les seuls textes (le l’Ancien Testament, et cette situation telle qu’elle était en réalité. Mais cette manière de concevoir la sanctification sous l’ancienne alliance a contre elle la doctrine courante des théologiens. Les textes qui l’étaient sont obscurs et le langage de S. Paul, rattachant la sanctification sous le Nouveau Testament à l’action de l’Esprit du Christ glorieux, peut parfaitement s’expliquer tout en admettant que la justification intérieure était accordée aux justes de l’Ancien Testament en prévision des mérites du Christ. On pourrait argumenter aussi contre cette conception du fait que les disciples du Christ, au commencement de son ministère publie, administraient déjà le baptême de lEsprit (Joan.. iii, 22 ; iv, 2). Leur baptême est appelé le baptême du Christ, caractérisé auparavant par le Précurseur comme un baptême dans l’Esprit (yon «., i, 33). Cependant. S. Jean Chrysostome (in Joan. hom. xxix, 1) nie le caractère sacramentel du baptême des disciples et précisément à cause de la parole de S. Jean, vii, 89 : Nondum erat Spiritus datas, quia Jésus nondum erat glorificatus. On fait remarquer aussi que S. Paul (Gal., iv, 1-7) compare les Juifs sous la Loi à des héritiers mineurs qui sont donc réellement fils, et jouissent de l’amour paternel, encore qu’ils soient traités en fait comme esclaves. Seulement, ce texte ne parle pas des justes, mais des hommes en général ; il ne s’applique pas exclusivement aux Juifs, mais vise le genre humain tout entier (iv, 8-11). Et en tant qu’il concerne les Juifs sous la Loi, il ne paraît leur attribuer qu’une filiation juridique, ne permettant pas l’usage des biens paternels, et soigneusement distincte de l’adoption filiale (yi’î^jTiy.) que seul peut conférer le Fils de Dieu (iv, 4-6). Ce texte serait donc plutôt l’avoralde à la sanctification juridique. L’on voit que si cette hypothèse ne s’impose pas, elle est cependant intéressante à plus d’un titre et mériterait d’être l’objet d’un examen approfondi.

On ne trouvera pas exagérée l’importance que nous avons donnée à la notion de grâce dans l’ancienne alliance, si l’on considère le soin qu’apportent S.Paul et l’auteur de l’épître aux Hébreux à faire ressortir comment l’économie de la grâce sous la nouvelle alliance, trouve dans l’ancienne son point d’appui et sa confirmation. Aussi, avant de passer au N. T., disons un mot de la manière dont ces deux écrivains ont compris et exposé la doctrine de l’A. T.

S. Paul nous apjirend que les pharisiens regardaient la justice comme jilacée dans la sphère de leur activité naturelle et se flattaientde l’obtenir ex o/iere operato, par l’observation matérielle de la Loi. Cette justification parla Loi est impossible, nous dit l’.Apôtre, car qui peut observer toute la Loi ? Pour trouver l’économie véritable du salut, il faut remonter plus