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GOUVERNEMENT ECCLÉSIASTIQUE

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subordonnés contre les excès du pouvoir. A ce point de vue, ceux qui obéissent à l’Eglise sont dans une situation exceptionnellement privilégiée. >'on seulement le pouvoir dont ils relèvent reconnaît la religion et toutes les lois qui en dérivent, le souverain domaine de Dieu et les comptes terribles que toutes les autorités d’ici-bas auront à lui rendre, mais tout son but, toute sa raison d'être est de rappeler ces vérités aux hommes. Il est donc, quelles que soient les défaillances de la nature humaine, aussi peu que possible exposé à les oublier lui-même. Tout l’enseignement traditionnel de l’Eglise, depuis la Bible et l’Evangilejusqu'à la /^e^ « /(i /(flsfo/o/is de S. Grégoire le Grand et au De consideratione de S. Bernard, vient encore fortitier ces convictions, réprimer tout ce qu’il y a de trop humain, tout ee qu’il peut y avoir parfois de féroce dans l'àpre jouissance de commander. U est impossible qu’après cela tout l’ensemble du gouvernement ne s’en trouve tempéré et adouci d’une manière plus qu’humaine.

?= garantie : le mode de sélection des chefs. — Ajoutons à cela le choix des chefs. L’Eglise étant une société spirituelle, l’hérédité n’y a pas de place. Mais tout n’y est pas pour cela livré à l'élection, dont le règne, en favorisant les ambitions et les intrigues, assure souvent si peu la nomination des plus dignes. Ce qui domine dans l’Eglise, c’est la désignation par en haut, le choix fait par les anciens, par les chefs ; mais tout d’abord le choix fait par Dieu lui-même, car pour entrer dans la carrière ecclésiastique, il faut un appel d’en haut. Et, pour reconnaître cet appel, les supérieurs ne considèrent pas surtout l’aptitude à manier les hommes, comme on le ferait dans une administration humaine, mais la piété et la pratique des vertus évangéliques. Les sujets ainsi choisis seron-t soumis à des obligations très austères, suffisantes par elles-mêmes pour écarter tout ce qui ne serait que médiocre, et, avant d'être admis à titre définitif, ils devront passer par l'épreuve de préparalions prolongées. Dans tout cela encore que de garanties pour les subordonnés I Et vraiment quiconque examine de bonne foi l’ensemble du clergé catholique nereconnaitra-t-il pas que jamais snr terre on n’a vu sélection aussi heureuse, réalisation aussi parfaite du gouvernement des meilleurs ?

Au sommet le Pape, élu, mais par un corps d'élite, peu nombreux, séparé du monde pendant la duréede l'élection, ce qui supprime la plupart des abus du régime électif, et encore élu aux deux tiers des voix, pour que son choix n’ait pas même l’apparence d’un triomphe de parti, qu’il soit vraiment l’homme de tous. Mode d'élection où.. Comte a signalé non sans raison un k ensemble de précautions successives vraiment admirable », « un véritable chef-d'œuvre de sagesse politique u (Cours de Philosophie positit-e, t. V, p. a45, édit. Littré).

î= garantie : la plénitude même d’autorité et de responsabilité du chef suprême. — Ici nous rencontrons la grande erreur du libéralisme politique, qui cherche toujours à alfaiblir l’autorité pour rempêclier de devenir oppressive. Bossuet a répondu depuis longtemps : n Ce que vous voulez faire faible à vous faire du mal…, le devientautant à proportion à vous faire du bien, u ( ('>= a^-ertissemeiit aux Protestants, § 56.) Ce souverain qvie vous rendez impuissant à vous opprimer devient impuissant à vous protéger. Comme cela est vrai à la lettre, de toutes les Eglises qui ont voulu se garder contre les empiétements de Rome ! Les vraies garanties contre les abus du commandement doivent être cherchées dans vine autre ligne que dans ces limitations et ces divisions du pouvoir, qui aboutissent ou bien à ruiner l’autorité,

ou à la déplacer, en la faisant passer d’un chef conscient et responsable à une assemblée où la responsabilité dispersée n’existe plus. Bossuet nous le dira encore : « Sans borner la puissance par la force que vous vous pouviez réserver contre elle, le moyen le plus naturel pour l’empêcher de vousopprimer, c’est de l’intéresser à votre salut. » (Ibid.) Et encore :

« Lui mettre (au souverain) l’Etat entre les mains, 

alin qu’il le conserve comme son bien propre, c’est un moyen très pressant de l’intéresser, o (Ibid.) Le fait même que le Souverain Pontife a d’une manière entière et stable le pouvoir sur toute l’Eglise, donne une solide garantie qu’il n’usera pas d’une pareille force à son détriment. Placé au centre de l’Eglise, maintenu en communication continuelle avec toutes ses parties, il est le premier à en ressentir tous les maux, le premier intéressé à y porter remède. Celte union, cette identité entrel’intérêtduchef et celui des membres, siimportantedanstoute société, n’est nulle part plus fortement et plus solennellement affirmée que dans l’Eglise catholique, aussi bien pour chaque Eglise particulière que pour tout l’ensemble. L'évêque, au jour de sa consécration, contracte un véritable mariage spirituel avec son Eglise ; elle devient son épouse, il n’a désormais plus de vie que pour elle. Là apparaît une des raisons profondes du célibat ecclésiastique : cet homme, qui va devenir le père des fidèles, a renoncé au préalable à toute autre paternité, son cœur ne sera pas partagé, il aimera son Eglise comme son propre héritage, comme un père aime ses enfants. Encore une fois, intéresser si étroitement le chef au bien de ses inférieurs, n’est-ce pas une combinaison plus heureuse et plus efficace que de limiter son pouvoir par des textes juridiques ?

i' garantie : l’esprit de tradition et de stabilité qui domine tout ce gouvernement. — D’ailleurs dans cette monarchie, la mieux ordonnée qui fut jamais, se trouvent aussi des lois fondamentales contre lesquelles rien ne saurait prévaloir. Ceux qui ont la direction de l’Eglise n’ont pas pour charge de la conduire à leur gré, mais bien de maintenir la constitution que Xotre-Seigneur Jésus-Christ lui a donnée. Constitution très souple assurément, fixée seulementdans ses très grandes lignes, et pouvant s’adapter en conséquence aux conditions les plus diverses, mais imposant néanmoins une limite au pouvoir. Et puis, même en dehors de ces quelques points strictement immuables, le gouvernement ecclésiastique s’inspire encore constamment de la tradition. Et quand une nouveauté disciplinaire s’impose, quel souci de la rattacher encore de quelque manière au passé ! D’ailleurs ces autorités gardiennes de la tradition sont elles-mêmes stables et, comme telles, indépendantes vis-à-vis de l’opinion. Combien un tel régime ofïre-t-il plus de garanties à ses sujets que nos démocraties modernes, capricieuses et changeantes, où une possession séculaire peut être à chaque instant mise en question par la tyrannie d’une majorité, ou même d’une minorité violente !

5* garantie : Les prescriptions canoniques concernant les droits des inférieurs. — L’Eglise ne veut nulle part l’arbitraire. Le gouvernement ecclésiastique doit être réglé par les saints canons. Le SaintSiège seul a le droit de s’en affranchir et d’en dispenser quand les circonstances le demandent ; et c’est ce qui permet de les appliquer avec prudence et vigueur. Or, parmi ces prescriptions canoniques, un grand nombre ont pour but de garantir les droits des inférieurs. Nomination des curés au concours, inamovibilité, établissement d’une officialilé dans chaque diocèse, autant d’institutions que le droit canon en principe impose partout, et qui offrent au