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GOUVERNEMENT ECCLÉSIASTIQUE

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serait l’explosion ; elle emporterait tout, Eglise et religion, u

Et plus loin, dans l'énuinéralion des réformes réclaaiées par les modernistes :

« (Jue le (Touvernenient ecclésiastique soit réformé

dans toutes ses brandies… Que son esprit, que ses procédés extérieurs soient mis en harmonie avec la oonsciencc qui tourne à la démocratie ; qu’une part soit donc faite dans le gouvernement au clergé inférieur et même aux laïques ; que l’autorité soit décentralisée, n

Sur le développement de ces mêmes idées aux époques précédentes, on peut voir en particulier la bulle Auctorem fidei, condamnant les erreurs du synode dePistoie, Denzixgkr-Ban.nwaht, 1509(13 ; 2), 1510, lôii ; Granderath, Histoire du concile du Vatican, t. I, p. 187 ; G. Goyau, L’Allemagne religieuse, le Catholicisme, t. II, cli. iv, g 4 ; t. IV, ch. vii, §3.

Contre ces prétentions des modernistes ou autres, l’argument essentiel, c’est l’argument d’autorité : établir quelle constitution JésusCUrist a donnée à son Eglise, d’où suivra nécessairement la condamnation de ces prétentions qui y sont directement opposées (cf. les articles Eglise, EviiQUEs, Papauté).

Mais on peut aussi, en face des considérants d’ordre humain que nous avons rapportés, établir l’excellence du gouvernement de l’Eglise considéré en lui-même, indépendamment de son origine divine. Les grands docteurs n’ont jamais négligé cet argument de raison ou de convenance ; c’est celui que nous allons développer ici.

II. Caractère autoritaire du gouvernement ecclésiastique, af armé plus fortementque jamais au xix* siècle ; raison providentielle de ce fait. — Lorsqu’on étudie l’histoire politique du xix" siècle, dans les difl'érents Etats, on est frappé de ce fait universel : partout le principe d’autorité perd peu à peu du terrain. Au début du siècle, un peu partout, le pouvoir politique s’exerçait sans discussion et sans contrôle. Peu à peu il a vu ses droits diminuer, et là où il n’a pas été renversé par les révolutions, il a du moins été contraint de laisser discuter ses actes. De là peut-être quelques avantages dans certaines situations données, et par exemple pour réagir contre la décadence des monarcliies absolues ; nousn’avons pas ici à l’examiner. Mais incontestablement, au milieu de tous ces changements politiques, le principe même d’autorité a été gravement atteint. Là même où il se défend encore, il n’a plus la même vigueur qu’avilrefois. En général, le monde moderne a trop pris 1 habitude de discuter son obéissance. Cette belle vertu, si importante dans la vie chrétienne, semble de nos jours de moins en moins comprise.

.u moment du concile du Vatican, on a pu se demander si cette idée de diminuer les droits de l’autorité, de lui disputer le terrain, n’allait pas faire irruption jusque dans l’Eglise. Dceluxger réclamait déjà le droit des laïques ; il désirait en somme que les autorités ecclésiastiques relevassent de l’opinion comme les chefs d’Etat modernes. Mgr Maret, dans son ouvrage Le Concile et lo Paix religieuse, sans aller aussi loin, se bornait, en proclamant la supériorité des conciles sur les Papes, à en demander la périodicité ; le chef de l’Eglise eut été, pour ainsi dire, soumis au contrôle d’un parlement. Mais depuis longtemps déjà une tendance tout opposée s'était dessinée dans les milieux catholiques. Pour les esprits vraiment perspicaces, ildevenait évident qu’il ne fallait rien concéder, sous quelque forme que ce fût, à l’esprit d’insubordination et de désordre, si l’on voulait garder encore quelque chose debout au

milieu des ruines amoncelées ; que, bien loin de llatler, comme le demandaient quelques-uns, les tendances du siècle à discuter l’autorité, il fallait au contraire la fortilier, en raison même des attaques dont elle était l’objet. Ainsi l’on sentait le besoin de rejeter certaines opinions moins sûres, qui avaient pu être tolérées dans une société ordonnée, mais qui devenaient un danger mortel au milieu de la dissolution contemporaine. Les doctrines gallicanes se trouvaient dès lors vouées à disparaître. Joseph DE Maistre surtout insista avec force sur cette idée ; après lui, le mouvement se continua ; il devait triompher au concile du Vatican. Ainsi, en face de ce déluge d’innovations plus ou moins libérales ou anarchiquesqui emportait tous les peuples modernes, la vieille constitution monarchique de l’Eglise fut allirraée avec plus de force et de clarté que jamais. Et il s’est trouvé qu’en accomplissant cet acte qui effraj’ait les esprits politiques et conciliants, qui devait à jamais rejeter le siècle loin de l’Eglise en blessant ses plus chères aspirations, on lui présentait au contraire le remède dont il commencerait bientôt à sentir le besoin. Les témoignages sont innombrables aujourd’hui d’hommes politiques ou autres.gèmissant sur le lléchissenientde l’autorité, sur le relâchement de tous les liens sociaux. Dans l’Eglise, spectacle tout opposé : plus que jamais depuis le concile, le loyalisme envers Rome, le dévoùment au Pape, l’esprit d’obéissance résultant d’une sorte d’amour filial pour l’autorité, la foi en une autorité suprême et le respect pour elle, c’est-à-dire tout ce qui fait les sociétés fortes et prospères, s’est afBrmé comme l’un des traits dominants de l’Eglise catholique. Le moment est donc bien mal venu pour les modernistes de conseillera cette Eglisede se modeler sur les sociétés modernes, qui auraient au contraire à recevoir d’elle tant de leçons.

Xe voyons pas d’ailleurs dans ce fait le simple effet d’un heureux hasard, mais bien plutôt une disposition de la Providence. C’est la leçon q>ie nous donne Léon XIU dans sa lettre au cardinal Gibbons sur l’Américanisme : « La Providence divine, écrit-il, a voulu que l’autorité du Siège Apostolique et son magistère fussent allirmés par une définition très solennelle, et elle l’a voulu précisément afin de prémunir les intelligences chrétiennes contre les périls du temps présent. La licence confondue un peu partout avec la liberté, la manie de tout dire et de tout contredire, enfin la faculté de tout apprécier et de propager par la presse toutes les opinions, ont plongé les espritsdans des ténèbres si profondes que l’avantage et l’utilité de ce magistère sont plus grands aujourd’hui qu’autrefois pour prémunir les fidèles contre les défaillances de la conscience et l’oubli du devoir. i>

lll. Ce n’est pas cependant un gouvernement sans garanties. — Il ne faut donc pas attendre de l’Eglise qu’elle accorde à ses enfants ces garanties constitutionnelles dont les modernes font tant d'état. Mais croire qu’il ne peut y en avoir d’autres, comme font d’ordinaire les publicistes libéraux, c’est faire preuve d’une singulière étroitesse d’esprit. De ce que l’Eglise a un gouvernement très dilTérent de nos régimes modernes, il ne s’ensuit pas du tout que les inférieurs y soient livrés à l’arbitraire, qu’il ne s’y trouve pas de garantie contre l’oppression. Je ne sais au contraire si aucune constitution en offre de pareilles.

1" garantie : le caractère religieux et surnaturel de ce gouvernement. — Bien mieux que les mécanismes extérieurs les plus ingénieux, les forces qui agissent sur la conscience des chefs i>rolègent les