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éons, quinze mâles et quinze femelles, répartis en trois groujies, l’Ogcloade, la Décade et la Dodécatle. Ces trois groupes constituent le Plérôme, la sociOté parfaite des êtres ineffables.

Jusqu’ici nous sommes encore dans les abstractions ; pour passer de là au monde sensible, il va falloir une transition, et cette transition est un dérangement de l’harmonie des éons, un désordre, une sorte dépêché originel.

Au dernier rang de la Dodccade et du Plérôme tout entier se trouve le couple formé par le Volontaire et la Sagesse (0£// ; ri : /m lijîia). La Sagesse est prise tout à coup du désir de connaître le Père mystérieux, l’Abîme. Mais ce principe de toutes choses n’est intelligible que pour son Fils premier-né, l’Intellect. Le désir de la Sagesse est donc un désir déréglé, une passion. Cette passion inassouvie est la perte de l’être qui l’a conçue. La Sagesse se dissout et va se dissiper dans l’intini, lorsqu’elle rencontre le Terme de toutes choses, 1 î, = « , sorte de limite disposée par le Père autour du Plérôme. Arrêtée par lui, elle revient à elle-même et reprend son existence première. Mais sous l’empire de cette passion, elle a conçu ; et comme l’éon mâle son compagnon n’est pour rien dans sa conception, celle-ci est irrégulière : le fruit qui en résulte est un être imparfait par essence. Cet être, appelé dans la langue valentinienne Hachamoth.ou Concupiscence de la Sagesse, est rejeté hors du Plérôme.

Pour que dans celui-ci on ne voie plus reparaître le désordre que la Sagesse un moment déréglée y a introduit, la seconde paire d’éons, Intellect et Vérité, produit une seizième paire, le Christ et le Saint-Esprit, ce dernier jouant, dans la syzygie, le rôle d’être femelle (ici. comme dans lenora Hachamoth, nous rencontrons l’orientalisme. Esprit, dans les langues sémitiques, est un mot féminin). Ces deux nouveaux éons enseignent aux autres à respecterles limites de leur nature et à ne pas chercher à comprendre l’incompréhensible. Les éons se pénètrent de cette instruction, et ainsi l’unité du Plérôme se trouve raffermie et son harmonie perfectionnée. C’est alors que, dans un élan de reconnaissance pourle Père suprême, tous ensemble, unissant leurs puissances et leurs perfections, ils produisent le trente-troisième éon, Jésus. le Sauveur.

Cependant Hachamoth, la Concupiscence de la Sagesse, restait en dehors du divin Plérôme. Celui-ci lui envoie successivement deux visiteurs. L’un, le Christ, donne à cette espèce de matière aristotélicienne une sorte déforme substantielle, avec un embryon deconscience. Elle prend le sentiment de son infériorité et subit une série de passions, la tristesse, la crainte, le désespoir, l’ignorance. Le second visiteur, l’éon Jésus, sépare d’elles ces passions. De cette seconde opération naissent la substance inanimée (i/ix^o) et la substance animée (i-^ym, )^ formées la première des passions d’Hachamolh, la seconde de son retour à un état plus parfait, après l’élimination des passions. Dans cet état amélioré, elle est susceptible de concevoir. La seule vue des anges qui escortent le Sauveiir suffit à la rendre féconde : elle enfante ainsi la troisième substance, qui est la substance spirituelle (TT.’ËKju.art^o ;).

Jusqu’ici, nous ne sommes encore que dans les préliminaires du monde inférieur, du Kénôme, qui s’oppose au Plérôme. Lemonde concret estencoreà faire ; seulement les trois substances, matérielle, psychique, pneumatique, dont il vase composer, sont déjà arrivées à l’être. Le Créateur va enfin paraître. Il ne sera pas créateur au sens propre du mot, puisque les éléments dç son œuvre existent avant lui. Lui-même, Hachamoth ne peut le tirer de la substance spirituelle

(pneumatique) sur laquelle elle n’exerce aucun empire ; elle le tire de la substance animée (psychique). Ainsi produit, le Créateur ou Déiuiiu’ge donne à son tour la forme à tout ce qu’il y a d’êtres animés (psychiques) ou matériels (hyliques). Il est le père des premiers, le créateur des autres, le roi des deux catégories. Entre les êtres ainsi produits il faut distinguer les septcieux, qui sont aussi septanges, mais non sept esprits purs (zvîJuy-y). Le Démiurge opère à l’aveugle ; sans le savoir il s’emploie à reproduire le Plérôme dans la sphère inférieure où il se meut. Hachamoth. dans le Kénôme, correspond à l’Abîme, le Démiurgeè l’Intellect premier-né, les anges ou cieux aux autres éons. Ignorant tout ce qui est au-dessus de lui, le Démiurge se croit seul auteur et seul ni.nitre de l’univers. C’est lui qui a dit dans les Prophètes :

« Je suis Dieu, il n’y en a pas d’autre quemoi. » 

C’est lui qui a fait l’homme, mais seulement l’homme matériel et l’homme animal (psychique). Un certain nombre d’hommes sont supérieurs aux autres : ceuxlà sont les pneumatiques ou spirituels. Ils ne dérivent pas entièrement du Démiurge : la substance spirituelle enfantée par Hachamoth s’est intiltrée en eux ; par cet élément supérieur ils constituent l’élite du genre humain.

Voici maintenant l’économie du salut. Des trois catégories d’hommes, les uns, les matériels, sont incapables de salut. Ils périront nécessairement avec la matière dont ils sont formés. Les spirituels (pneumatiques ) n’ont aucun besoin qu’on les sauve ; ils sont élus par nature. Entre les deux, les psychiques sont susceptibles de salut, mais incapables d’y parvenir sans secours d’en haut. C’est pour eux que se fait la Rédemption. Le Rédempteur est formé de quatre éléments. Le premier, sans être matériel, a lapparence delamatière ; cette apparence suffit, la matière n’étant pas à sauver. Le second est psychique, le troisième pneumatique, le quatrième divin : c’est Jésus, le dernier éon. Ainsi ces trois derniers éléments procèdent du Démiurge, d’Hachamoth et du Plérôme. Cependant l’éon Jésus n’est descendu dans le Rédempteur que lors de son baptême ; au moment de sa comparution devant Pilate, il est remonté au Plérôme, emmenant avec lui l’élément pneumatique et laissant souffrir l’élément psychique, revêtu de sonapparence matérielle.

Quand la puissance créatrice du Démiurge sera épuisée, l’humanité prendra (in. Hachamoth, enfin transformée en un éon céleste, obtiendra une place dans le Plérôme et deviendra l’épouse de Jésus-Sauveur. Avec elle entreront les hommes spirituels (pneumatiques ) ; ils épouseront les anges q)ii forment le cortège du Sauveur. Le Démiurge prendra la place d’Hachamoth et montera ainsi d’un degré dans l’échelle des êtres. Il sera suivi par ceux des hommes psychiques qui auront atteint leur fin ; les autres, en même temps que les matériels, périront dans un embrasement général, qui détruira toute la matière.

En langage vulgaire, ces trois catégories d’hommes correspondent aux Valentiniens, aux chrétiens ordinaires et aux non-chrétiens. Les premiers et les derniers sont prédestinés irrévocablement, les uns à la vie éternelle, les autres à l’anéantissement. L’n Valentinien n’a qu’à se laisser vivre ; ses actes, quels, qu’ils soient, n’atteignent pas la nature spirituellede son être : l’esprit est indépendant de lachair et n’est point responsable d’elle. On voit d’ici les conséquences morales.

Valentin est un hérétique assez conciliant. Il accorde sans doute à ses adeptes beaucoup de facilités en ce monde et il leur réserve, dans l’autre, les avantages de l’apothéose. Maisil admet que Icsgensde In grande Eglise, les chrétiens du commun puissent atteindre.