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GNOSE

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De la seele de Simon, les anciens auteurs rapproclienl celle d’un autre samaritain, Mknandre de Capparétée ; il est aussiqnestion d’un Dositiike, peut-être antérieur à Simon lui-même et au christianisme, et d’un CLKOBirs(HiiGKsii’PF., dans Eusèbe, //. E., IV, 22 ; IniiNKE, /. f. ; PsKinoTKKT., de l’ræscr., 46)- Ménandre enseignait à Antioclie. Tous eeschefs de secte paraissent avoir fait comme SiUKin et s’être attriliué une origine divine. Leurs successeurs furent plus modestes.

Un des premiers qui nous soient signales est Sa-TiBNiL d’Antioclie, qui lit parler de lui vers le temps de Trajan (nomme par Justin, Dial.ib, et HÉGiisirpR, /. c. Ce qu’on en sait est représenté par Ihénkr, I, a^, que copient les autres liérésiologues. Dans tous ees textes il figure entre le groupe de Simon et les grands gnostiques du temps d’Hadrien). Il enseignait un Dicu-Pére, que nul ne peut nommer ni connaître, créateur des anges, archanges, puissances, etc. Le monde sensible est l’œuvre de sept anges. Ils créèrent l’homme d’après une image brillante venue du Dieu suprême, qui leur apparut en un moment fugitif ; mais leur œuvre fut d’abord imparfaite. L’homme primitif rampait à terre sans pouvoir se lever. Dieu en eut pitié, parcequ’il y reconnaissait quelque image de lui-même : il lui envoj-a une étincelle de vie qui acheva de le constituer. A la mort, cette étincelle se dégage et va rejoindre son principe divin.

Le dieu des Juifs est un des anges créateurs. C’est d’après ceux-ci que les prophètes ont i>arlé, quelques-uns même d’après Satan, leur ennemi. Ces anges créateurs sont en révolte contre Dieu ; c’est pour le A aincre, pour vaincre surtout le dieu des Juifs, que le Sauveur est venu. Le Sauveur émane du Dieu suprême ; il est sans naissance, incorporel. Outre la victoire sur le dieu des Juifs et ses collègues, il a eu en vue le salut des hommes, ou plutôt de ceux qui. dans leur étincelle de vie, ont un élément divin et sont susceptibles d’être sauvés.

Le mariage et la procréation des enfants étaient considérés dans la secte comme des œuvres de Satan. La plupart des Saturniliens s’abstenaient de manger des choses ayant eu vie, et cette abstinence leur valait, parait-il, un grand succès.

Li encore, en dépit de l’hostilité contre le judaisme, nous avons la donnée biblique des anges. Mais il n’y a point de syzygies célestes ; le fondateur de la secte ne prétend pas à la divinité ; enfin la morale eslascétique. .utant de traits qui distinguent la gnose de Saturnil de celle de Simon. Son docétisme très marqué, son Sauveur qui n’a de l’humanité qu’une pure apparence, correspond bien aux préoccupations que nous avons signalées chez saint Ignace, d’AntiocUe lui aussi, et, comme Saturnil, contemporain de Trajan.

Ces hérésies primitives ne paraissent pas avoir eu beaucoup de succès en dehors de leur cercle originaire. Saint Justin, par qui nous savons que les Samaritains du temps d’.-Vntonin le Pieux étaient presque tous disciples deSimon, ditque cette secte n’avait ailleurs que très peu d’adhérents. Sur la foi d’une inscription mal comprise (confusion célèbre du vieux dieu sabin Semo Sanctis. iJeiis Fidius, avec Simo sanctus Detis). il se Cgiu-ait que Simon avait été, à Rome, honoré d’une statue par les autorités de l’Etat. Mais il est peu probable que le Magicien ait instrumenté si loin de son pays. Tout ce qu’on raconte de son séjour à Rome et du conflit qu’il y aurait eu avec saint Pierre, est désormais classé dans le domaine de la légende. Ménandre avait promis à ses disciples qu’ils ne mourraient point. Il y en avait encore quelques-uns au temps de saint Justin.

En Syrie, le succès spécial de Simon est loin de

représenter toute la fortune de la gnose. C’est en ce pays que se produisit, soit par développement, soit par imitation, cette extraordinaire pullulation de sectes que saint Irkxék rattache étroitement au simonisiue et qu’il compare à des champignons. Il les appelle d’un nom commun, celui de Gnostiques, et en décrit quelques variétés (ffær., I, 29 31). C’est à cette catégorie de sectes ipic l’on donne assez souvent la dénomination de sectes opiiitiques (if^i, serpent), qui ne semble convenir qu’à certaines il’entre elles, où le serpent biblique avait un rôle spécial. Les noms des éons célestes, les combinaisons établies entre les fantaisies métaphysiques et l’histoire biblique varient plus ou moins d’un système à l’autre. Mais il y a toujours au sommet des choses un être inelïable et une pensée suprême (Ennoia, Barbelo, etc.) d’où procèdent les ogdoades et les liebdomades ; toujours aussi un éon (Prounicos, Sopliia, etc.) ii qui il arrive une infortune, à la suite de laquelle certaines étincelles divines tombent dans les régions inférieures. A cette catastrophe divine se rattache la production du Démiurge, appelé sou ventlaldabaot h. Le Démiurge ignore absolument le monde divin supérieur à lui ; il se croit le seul et véritable Dieu, et l’atlirme volontiers dans la Bible, inspirée par lui. Mais les étincelles divines doivent êtredégagées du monde inférieur, A cet effet, l’éon Christ, l’un des premiers du plérôme, vient s’unir momentanément à l’homme Jésus et inaugurer en lui l’œuvre du salut.

IL’Valentin, Basilide, Carpocrate. — Après sa première ell’ervescence en paj’S syrien, la gnose de Samariene tarda pas à trouver le chemin de l’Egypte. De ses diverses sectes, quelques-unes prirent racine en ce pays et s’y" conservèrent au moins jusqu’au quatrième siècle. Celse connaissait cette variété de

« gnostiques i) ; il avait même lu levirs ouvrages (Oni-GÈNB, 

Contra Te/sHni, V, 61, 62 ; VI, 2^-28). Dans son enfance, Origène passa quelque temps chez un docteur d’Antioclie, appelé Paul, très en vue parmi les hérétiques d’.lexandrie (Ers., ff. E., VI, 2). C’est dans les manuscrits et les papj’rus coptes que nous commençons à retrouver des fragments de leur littérature. Mais leur plus graiule fortune fut acquise indirectement par les gnoses lieaucoup plus oélèbres auxquelles sont attachés les noms des.lexandrins Basilide, Valentin et Carpocrate.

C’est au temps de l’empereur Hadrien (i 17-138) que les anciens auteurs rapportent l’apparition de ces hérésies. Le système de Valentix, décrit en détail et réfuté par saint Irénée, est le mieux connu des trois, et c’est lui sans doute qui se répandit le plus. Je vais en indiquer les lignes principales.

Au sommet des choses invisibles et ineffables se trouve l’être premier, le Père, l’Abîme inengendré, avec sa compagne Sigé (Silence). Le moment venu où il lui plaît de produire, il féconde Sigé, qui lui donne un être semblable à lui, l’Intellect (NiJ ?)’. et en même temps un terme femelle qui est à l’Intellect ce que Sigé est à l’Abîme. Cette compagne de l’Intellect est la Vérité. L’Abime et Sigé, l’Intellect et la Vérité, forment les quatre premiers éons, la première Tétrade. De l’Intellect et de la Vérité naissent le Verbe et la Vie, de ceux-ci l’Homme et l’Eglise. Ainsi se complète l’Ogdoade, réunion des huit éons supérieurs.

Mais la génération des éons ne s’arrête pas là. Les deux derniers couples donnent naissance l’un à cinq, l’autre à six autres paires, ce qvii fait en tout trente

1. Dans cette affaire, où le sexe des abstroclions est de si grande importance, la traduction offre des diiEcultés spéciales, car il arrive souvent que les termes changent de genre en passant d’une langue A l’autre.