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GENESE

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, d"hui) la mer Salée. » On serait parfaitement libre de considérer ces derniers mots comme une glose, ajoutée par quelque éditeur au texte primitif et dénuée d’autorité canonique. Mais, admettons qu’ils soient de l’auteur inspiré : on en peut conclure tout au plus qu’à son sentiment la mer Morte recouvrait ce qui avait été autrefois la vallée de Siddim. Encore n’atlîrnie-t-ilpas, peut-être, que toute la vallée fut engloutie ; mais, peu importe : on ne sait pas la position exacte ni les limites de ce qui était appelé

« vallée de Siddim », et le texte biblique ne dit

nullement que la « mer Salée » s’était formée aux dépens de cette vallée seule et n’existait pas auparavant. Que la mer Morte se soit accrue par la destruction de Sodome et de Gomorrhe, c’est possible assurément, et les géologues ne s’y opjiosent point : bien plus, eux-mêmes constatent que cette mer, dans sa partie méridionale, est peu profonde ; et que si l’emplacement des villes maudites était là, comme on l’a conjecturé, il a sulli qu’il s’affaissât de quelques mètres pour être envahi par les eaux (Loh-TET, cité par M. Vigouroux, Les lii’res saiiils et lu critique, III ; Blanckenhorn, cité par Guthe, Realeiicylliipadie fiir protestantische Théologie und Kirclie, XIV. s. V. Paleistina). Qu’un affaissement du sol ait accompagné l’épouvantable ouragan de feu où Sodome et Gomorrhe ont péri, rien ne défend de l’admettre ; elil pourraitméme s’expliquernaturellement, par exemple, par l’incendie des n puits de bitume nombreux dans la vallée » (xiv, lo).

Il n’y a pas lieu, à notre sentiment, de suspecter l’historicité de Gen., xix, 26, où l’on voit la femme de Lotli, changée, pour peine de sa désobéissance, non en statue, mais en pilier ou bloc de sel. La réalité du fait est confirmée par Sagesse, x, 7, et Luc, xvii, 82 ; et il n’implique rien ni d’impossible pour la puissance de Dieu, ni de peu décent pour sa sagesse ou sa bonté.

II. — Conception dh l divinité dans la Genèse

Parmi les objections principales delà critique rationaliste contre l’autorité historique des récils de la Genèse, figure aussi la manière dont leur auteur fait parler et agir la Divinité. Mais elle exploite ce sujet surtout en vue d’une théorie sur l’évolution des idées religieuses en Israël. Cette critique est encore à tâtonner en ce qui concerne les origines premières de la religion du peuple élu. Elle est ferme, pourtant, à n’en pas croire la Geni’se, dont les rédacteurs, à son sens, n’ont fait que projeter en arrière dans le passé ce qui se pratiquait de leur temps. Puis, a priori^ elle déclare que la religion n’a pu se développer que par voie na/Hre//e, donc par une évolution graduelle, dont le progrès intellectuel d’Israël est la mesure et la cause, sans aucune intervention spéciale de Dieu. La critique s’est efforcée de trouver dans la Bible même la preuve de cette évolution ; à cette fin, elle oppose les uns aux autres les enseignements que les livres d’âge différent donnent sur Dieu et le culte qui lui est dû. A l’entendre, les prophètes ont appris les premiers au peuple élu à connaître et honorer le Dieu universel, le Dieu saint d’une sainteté morale, qui réclame la pratique de la justice et des œuvres de miséricorde, avant les cérémonies cultuelles. Les exégètes rationalistes ne nient pointque cette haute conception de la divinité ne se rencontre dans quelques parties de la Genèse ; mais c’est dans les parties, qui, suivant eux, n’ont pas été rédigées avant l’époque des grands prophètes : tel notamment le i" chapitre ou le tableau de la création. Ailleurs, et spécialement dans les récits proprement dits, qui constituent le fond du livre, en tant qu’il est ou ^ eut être

une histoire, les idées seraient bien loin de cette hauteur, et souvent même grossières.

Avant d’examiner les textes qu’on allègue, deux observations sont à faire.

Le progrès des idées religieuses, et spécialement de la conception de la divinité, parmi l’ancien peuple d’Israël et même chez les écrivains inspirés, doit être admis, — il a toujours été admis dans l’enseignement catholique, — mais avec cette réserve, indûment laissée de côté par le rationalisme, que le progrès ne s’est point fait, au moins dans les saints Livres, de l’erreur à la vérité, mais de la vérité partielle, indistincte, voilée, à la vérité totale, claire et distincte. Il faut ajouter que la cause principale de ce progrès a été la lumière de plus en plus vive des révélations successives, faites spécialement aux patriarches et aux prophètes.

Ensuite, nous ne contestons pas toutes les différences entre les passages de la Genèse où il est parlé de Dieu. La diversité des documents utilisés par Moïse, et qu’il a pu vouloir reproduire dans leur texte propre, explique ces différences. Nous soutenons seulement que celles-ci ne vont pas jusqu’à la contradiction ou à l’erreur des doctrines

1" Objection ra<ionah’s<e.- la multiplicité des interventions divines. — Le rationalisme est choqué de la fréquence des interventions et des apparitions divines, de la familiarité avec laquelle Dieu traite les patriarches, leur parlant presque journellement, vivant en quelque sorte avec eux. Ils voient là quelque chose comme de la mylholugie, et la preuve d’une conception indigne de Dieu chez l’auteur des récits de la Genèse (Reiss, L’histoire saiiileet la Loi ; Gu.N-KEL, nie Genesis).

Il n’y a nul rapportentre les théophanies ou apparitions divines de la Genèse et les fables mythologiques. La différence est du tout au tout. D’abord, dans les apparitions bibliques on n’a jamais signalé l’ombre des indécences, des immoralités même, que les dieux des mythologies se permettent parmi les hommes. Ensuite, et surtout, le but des manifestations sensibles de la Divinité, dans l’histoire des patriarches, est non seulement toujours saint et élevé, — ce qu’on ne saurait dire des mythes, — mais d’une portée générale pour le bien des hommes. Elles tendent toutes à préparer, promouvoir la restauration de l’humanité déchue, sa réconciliation avec le Seigneur outragé par ses premiers représentants. C’est là, en effet, le terme final que visent les promesses de bénédictions qui remplissent la plupart des entretiens de Dieu avec les i)atriarches. Aussi les Pères de l’Eglise étaient-ils persuadés que, dans les théophanies de la Genèse, c’était le Verbe divin, la seconde personne de la sainte Trinité, qui apparaissait, préludant en quelque sorte à son incarnation rédemptrice. Quand on croit que le Fils de Dieu s’est fait homme par amour pour l’humanité, on ne trouve plus à s’étonner dans les communications divines dont les patriarches ont été favorisés.

:  Objection rationaliste. les anthropomorphismes.

— La manière dont il est parlé de Dieu, dans bien des textes de la Genèse, serait assurément peu digne de la majesté du Créateur, s’il fallait, avec les critiques rationalistes, leur donner une interprétation étroite, grossièrement littérale. Mais ce serait méconnaître les règles d’une exégèse loyale et raisonnable.

Quand nous lisons que Dieu modela de ses mains… le corps d’Adam et insujila dans ses narines un souille de vie (11, 1), qu’il construisit le corps d’Eve (il, 21-22) ; …qu’il planta le jardin d’Eden (11, S), et