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GENESE


(Gen., VI, 4), attestent également une humanité plus vigoureuse qu’aujourd’hui.

On veut, il est vrai, que cette mention des géants, ainsi que la longévité des patriaiches, soit un emprunt fait aux légendes concernant les origines qui circulent chez tous les peuples, et par suite sans valeur historique. Xous avons déjà répondu en observant que la ressemblance matérielle des récits bibliques avec les « traditions » plus ou moins légendaires qu’on rencontre ailleurs, ne prouve rien contre les premiers, si elle ne les conlirme pas plutôt.

Unions des « fils de Dieu ». — L’épisode des unions des « lils de Dieu » avec les « lilles des hommes » (Geii., vi, i-4) ne serait pas defendable, s’il fallait y voir de vrais mariages (les expressions du texte demandent bien qu’on entende des mariages, non des unions transitoires) entre des anges et des femmes de la terre. Mais, quoique, dans cette interprétation étrange, les rationalistes aient eu pour prédécesseurs des rabbins et un certain nouibre d’auteurs ecclésiastiques, elle n’est nuUenu’nt exigée par le texte biblique. Il l’exclut même assez clairement, lorsqu’il nous montre Dieu se plaignant des hommes seuls, leur réservant le terrible châtiment de sa justice, sans que les séducteurs étrangers à l’humanité (s’il y en a eu) reçoivent ni reproche ni châtiment, contrairement à ce qui s’est passé après le picmicr péché. Puis, le nom de « lils de Dieu » n’appartient pas en propre aux anges, dans l’usage biblique : il est donné aussi, non seulement au.x justes, mais à tout Israël et aux Israélites en général (Ps.lxxx, 16 ; Ose., XI, I ; £’j., IV, 22 ; /s « ., I, 2 ; XXX, i, y). L’Iiistorien de la Genèse a donc pu très bien designer par ce nom les hommes qui, sans être nécessairement tous desyHs(es, se distinguaient parleur attacliement au culte divin. Il donne sulBsamment à entendre (spécialement par les notes dont il accompagne les noms d’£rios et Ilenocli, Gen., iv, 26 ; v, 24), que les adorateurs du vrai Dieu se trouvaient surtout dans la ligne de Seth. Dignes d’être appelés « lils de Dieu » pour leur fidélité au culte du Seigneur, beaucoup l’étaient également parce qu’ils se tenaient encore loin de la corruption, où s’enfonçait de plus en plus le reste des hommes, surtout la fraction issue de Caïn (iv, --j--ilt). Mais, quand ces « lils de Dieu » se laissèrent captiver par les cliarmes sensuels des femmes qui n’étaient que « lilles d’iiommes », eux-mêmes ou leurs enfants entrèrent dans la voie que Buivaientles pères et les frères de celles-ci. Ainsi la méchanceté devint générale, et les « violences » où se plaisaient les Xephilim, ces scélérats puissants d’alors, se multiplièrent et prirent des proportions telles qu’un déluge universel parut à Dieu même le seul moyen de purilieret renouveler la terre (vi, 5--).

Déluge. — Il a déjà été répondu aux objections élevées contre le déluge biblique au nom des sciences (voir Déi.uc.k). La plupart de ceux mêmes qui dénient toute autorité historique au reste des onze premiers cliapilres de la Genèse, font plus ou moins exception pour le récit du déluge, du moins quant au fait d’une grande inondation. On en a attaqué quelques détails ; notaunnent on a prétendu y relever des contradictions. Celles-ci, cquitublement examinées, se réduisent à ce ipie l’auteur, en un endroit, déveh)ppe ou précise mieux ce qu’il n’a fait qu’indiquer, ailleurs, d’une manière générale.

Ainsi en est-il, par exemple, des prescriptions diverses relatives au sauvetage des animaux. Quand Dieu donne à Noé ses premières instructions pour la construction de l’arche, il ne parle que de lui envoyer uncoui-le de chaque espèce (vi, 19-20) ; plus tard, il

spécilie que ?ioé doit prendre avec lui sept couples des animaux purs (vu, 2, cf. 8). Il n’y a pas plus d’opposition entre les passages où la submersion est dite à produire ou produite par la pluie (vu, 4) et ceux où elle est attribuée à l’irruption des « eaux du grand abîme » ou de la mer, en même temps qu’aux pluies (vii, 11-12 ; viii, 2).

On peut admettre que ces passages proviennent de documents différents, quoique les divergences dont il s’agit n’en soient pas une preuve décisive. Le fait que Moïse les employé simultanément dans sa rédaction, prouve assez qu’il n’y a vu aucune incompatibilité. Et réellement, ici comme dans les autres cas, moins importants encore, que nous négligeons, des contradictions ne se montrent qu’à ceux qui cherchent mal à propos dans l’histoire de la Genèse une régularité classique de composition.

Table ethnographique- — Sur le point de clore son histoire de l’humanilé primitive, pour se renfermer dorénavant dans l’histoire de la race d’Abraham, l’auteur de la Genèse tient à présenter un tableau des peuples issus de Noé par ses trois lils. Son but est de marquer l’unité du genre humain d’avant et d’après le déluge, l’égalité naturelle de toutes les races, et d’inscrire en quelque sorte d’avance leur droit commun aux « bénédictions » que la n postérité d’Abraham » apportera à « toutes les nations de la terre ».

On a dil avec raison de ce tableau que « c’est le document le plus ancien, le plus précieux et le plus complet sur la distribution des peuples dans le monde de la plus haute antiquité » (F. Le.nor.mant, Histoire ancienne de l’Orient, t. I). Il n’en existe pas d’autre conq>arable dans la tradition profane. Cependant on peut admettre que Moïse en a emprunté les éléments, pour une bonne partie, aux Egyptiens et aux Babyloniens. La plupart des noms qu’il renferme ont été, en effet, retrouvés sur les monuments les plus anciens de l’Egypte et de la Babylonie. La division de tous ces peuples en trois grandes familles naturelles, Sémites, Chamiles, Japhétites, appartient à l’auteur de la Genèse ; la science ethnographique n’a pas d’objection sérieuse à y opposer. Seulement, il ne faut pas, avec Gi : nkel (Die Genesis) voir dans cette table l’idée < enfantine », que les peuples se forment par le seul développement d’autant de familles procédant chacune d’un ancêtre unique. Rien n’indique une pareille idée chez le rédac-Icur de la table. Il n’était pas assez peu observateur pour croire qu’aucun peuple ait gardé son sang absolument pur de mélange. Il ne ralliriiÈe pas même pour le « peuple de Dieu », où il admettra les enfants d’Egyptiens après trois générations (Dent., xxiii. S).

Dans la table ethnographique, comme dans les généalogies patriarcales, le terme « il engendra » importe vraie hliation entre les lils ou petit-UIs de Noé et les peuples dits issus d’eux. Mais, pour être vraie, cette liliation, médiate naturellement, implique seulement que l’influence du sang de l’ancêtre nommé est restée dominante, et non qu’aucun sang étranger ne s’est infiltré dans la descendance.

Ensuite, la classification mosaïque n’est pas inexacte, parce qu’elle ne coïncide pas avec des divisions qui seraient fondées sur la langue, la religion, etc. Il est constant, en effet, que ces caractères peuvent dilféreret dilTèrent chez des peuples de même origine, et inversement ; bien plus, ils peuvent changer et changent avec le temps, chez le même peuple. .ussi rien ne prouve que la Genèse ait tort de ranger, par exemple, parmi les enfants de Cham les Chananéens, qui parlaient une langue n sémitique » ; parmi les enfants de Sem, les Elaniites, où c’est le contraire, etc.