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spire ne laisse pas que d’attribuer quelque autorité à ifs généalogies ; sans quoi, il ne les aurait pas insérées dans son œuvre. Et plusieurs des difficultés qu’elles soulèvent peuvent être formées aussi à propos d’autres textes.

Ce qu’on a le plus discuté dans les listes généalogiques de la Genèse, c’est laclironologie qu’elles semblent contenir. Rappelons d’abord que ces listes sont de deux sortes : les unes appartiennent à la tige principale (au point de vue de l’historien sacré), qui va d’Adam à Abraham ; les autres sont pour les liranches secondaires. Celles-ci, par un procédé ^’rlimination, comme on a ingénieusement dit, sont décrites sommairement avant la tige principale, et après il n’en est plus question, généralement. C’est ainsi que nous voyons énumérés d’abord les descendants d’Adam par Gain (iv, 17 sq.). Au chapitre vi viennent les patriarches issus d’Adam par Seth jusqu’à Noé ; ils sont dix, Adam compté. Au chapitre xi (10), cette généalogie est continuée de Noé par Sem jusqu’à Abraham, et il y a encore dix noms en comptant depuis Sem et omettant le « second » Cainan, introduit par les Septante.

Nous ne nous attarderons pas aux dillicultés qu’on a faites sur la similitude des noms entre les généalogies caïnite et séthite, d’où l’on a conclu que c’était une même généalogie, artiliciellement divisée en deux. Cette similitude, qui d’ailleurs n’est pas complète, peut venir de ce que les noms des enfants, dans les premiers temps, représentaient un petit nombre d’idées communes, telles que « fils » (c’est le sens qu’on reconnaît à Abel, Ctiui), « homme » etc. Et l’on observera que le phénomène objecté ji’esl pas sans analogies dans tous les temps.

Pour en venir à la chronologie, les deux listes de la lige principale offrent cette particularité, qui ne se trouve pas dans les listes secortdaires, qu’elles marquent pour chaque patriarche l’âge auquel il a « engendré )> le suivant et l’âge total atteint par lui. Il semblerait donc qu’en additionnant les chilfres des âges auxquels les patriarches ont engendré, on obtiendra le temps qui s’est écoulé d’Adam à Noé et par suite au déluge, et de Noé à Abraham. C’est en ellet sur ce calcul ques’appuyent les essais de cliroitûhii (ie ()(fc//<7 » e. Cependant ces essais ne s’accordent point, parce que les textes autorisés qui nous ont transmis ces généalogies, n’ont pas les mêmes chiffres. Notre’V^ulgate latine suit le texte hébreu des Masorètes ; mais partout où ce texte, pour l’âge auquel un patriarche a engendré le suivant, ne porte pas un chilfre pluii fort que 100, la version greei|ue dite des Septante ajoute 100 : de cette sorte, pour l’intervalle d’Adam au déluge, l’addition qui donne 1656 années, dans le texte hébi-eu, atteint jus- | qu’à 2256 chez les Septante. Le texte hébreu, tel que I l’ont conservé les Samaritains, a encore d’autres ehilTres, en général inférieurs décent ans à ceux du texte masorétique ; l’addition, faite comme ci-dessus, ne donne, chez les Samaritains, que 1807 ans. d’Adam au déluge. Dans la liste du chapitre xi, nous retrouvons à peu près la même différence entre le texte hébreu et celui des Septante : de sorte que, dans ce dernier, l’addition donne 12/17 ^"^’du déluge à Abraham, et seulement 867 ans, dans l’hébreu. Le texte des Samaritains se rapproche ici des Septante et donne 1017 ans. On a supçonné, non sans raison, le traducteur grec d’avoir moditic les chiffres du lexte original, alin de rendre plus facile la conciliation de la chronologie biblique avec les longues chronologies des autres peu|)les, surtout avec la chronologie égyptienne. Aujourd’hui, non seulement les découvertes dites préhistoriques, dont la chronologie est très mal assurée, mais encore les monu Tome II.

nienls d’Egypte et de Babylonie, dont une grande partie peut être approximativement datée, font considérer comme beaucoup trop faibles même les chiffres des Septante. Cette question de la ( chronologie biblique » pour les âges primitifs, sur laquelle on a tant écrit et discuté, se résout pourtant d’une manière assez simple, au point de vue apologétique. On peut affirmer qu’il n’y a pas de chronologie biblique pour les temps antérieurs à Abraham. Supposé, en effet, que les chiffres d’un des trois textes généalogiques soient prouvés authentiques, non altérés — ce qui n’est pas le cas, — il resterait à établir que les généalogies sont continues. La rigueur avec laquelle les anneaux de la chaîne généalogique paraissent reliés entre eux, chaque i)atriarche étant dit « engendré » par le précédent, n’exclut pas l’hypothèse que la filiation soit seulement médiate, entre les patriarches consécutifs. En d’autres termes, quand nous lisons, par exemple : « Enos, à 90 ans (à 190, d’après les Septante) engendra Cainan », cela peut signifier que Enos, à l’âge indiqué, engendra un fils, non nommé, de qui est descendu plus tard Cainan. Les cas semblables, où il faut certainement expliquer de cette manière la formule « N. engendra N’», ne manquent pas dans la Bible. Il suffira de rappeler lagénéalogie du Christ, dans S. Mathieu (1, 9. n), où on lit que « Joram engendra Ozias » et ( Josias engendra Jechonias et ses frères ». Or, il y a eu quatre générations de Joram à Ozias et Jechonias était le petit-fils de Josias : l’évangéliste a donc omis cinq générations ; sans doute, comme il l’insinue (v. 17), pour pouvoir réduire à trois séries de i ! les générations d’Abraham jusqu’à Joseph. Le rédacteur des chapitres v et xi de la Genèse a pu, de même, omettre des générations, pour réduire ses généalogies à deux séries de 10 noms et les rendre ainsi plus faciles à retenir, ou pour d’autres raisons. Les indications sur l’âge auquel chaque patriarche a « engendré » le suivant, gardent d’ailleurs leur vérité, que la génération ait été immédiate ou seulement médiate, ^irtuelle.

Un moment que les généalogies de la Genèse peuvent avoir des lacunes, elles ne sauraient servir à fixer la chronologie. En conséquence, la Bible laisse toute liberté aux savants pour déterminer l’antiquité de l’homme d’après les documents profanes dont ils disposent, ou qu’ils pourront encore découvrir.

Longévité des patriarc’nes. — Une autre difficulté contre les généalogies patriarcales, se tire du grand âge attribué à ces représentants de l’humanité primitive. Plusieurs apologistesont essayé d’y répondre par des hypothèses tendant à diminuer les chiffres d’années assignés. Les divergences des textes au sujet de ces chiffres, les altérations que plusieurs ont probablement subies dans toutes les sources, ne permettent pas, en effet, de les considérer tels quels comme entièrement sûrs. Toutefois il ne paraît guère contestable que l’écrivain sacré affirme bien pour les patriarches, surtout avant le déluge, une durée de vie de beaucoup supérieure à celle qu’on a pu constater dans l’hunumité plus récente. La physiologie n’y fait pas d’objection absolue : il suffit d’admettre, ce qui est très vraisemblable, que la nature humaine n’a point perdu immédiatement, par le péché de nos premiers parents, les énergies précieuses dont Dieu l’avait dotée dans sa création. Sa vigueur physique n’a dû diminuer que peu à peu, par les abus mêmes qu’en ont fait les descendants d’Adam, en suivant de plus en plus « une voie de corruption ». Les « géants » qui étaient sur la terre, non pas seulement à la suite des unions d’-i enfants de Dieu » avec les « filles des hommes « mais déjà auparavant, la Bible le dit

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