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GENESE

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C’est bien ce que nous constatons. Son récit est visiblement construit d’après un cadre qu’il a choisi lui-même, mais qu’il a choisi sans l’ombre d’un artilice savant, en s’acconimodanl franchement aux conceptions de l’époque où il écrivait. Le monde et tout ce qu’il contient est l’œuvre de Dieu, voilà le fait à exposer : pour cela, l’écrivain de la Genèse adopte la division populaire du monde en trois parties ou régions, le ciel, les eaux et la terre. Il montre dans chacune l’opération du Créateur procédant, pour ainsi dire, par étapes. Il y a trois étapes principales, comprenant chacune trois étapes secondaires ou trois échelons. La première étape est la création des trois régions à l’état informe, mêlées et confondues. La seconde est Vopiis distinctionts, comme s’exprime S. Thomas d’Aquin ; elle met la distinction, l’ordre, successivement dans chaque région : dans le ciel, par la production de la lumière, que Dieu sépare d’avec les ténèbres » ; dans les eaux, par la séparation

« des eaux d’au-dessus du tirmament d’avec celles

d’au-dessous » ; sur la terre, par la séparation des mers et des continents. A la troisième étape, l’action de Dieu reprend dans chaque région, toujours suivant l’ordre ciel, eaux, terre, pour les orner(opus vnatus ) et leur donner des habitants. Aux six échelons composant la deuxième et la troisième étapes principales, est attribué le nom de jours.

Maintenant, que toute la création se soit accomplie suivant l’ordre symétrique de ce tableau, cela n’est pas impossible, sans doute ; néanmoins, le soupçon vient bien naturellement que cette symétrie est due au rédacteur, et que celui-ci n’a songé qu’à présenter les créations divines dans un ensemble impressionnant, sans s’astreindre à reproduire leur succession réelle, indifférente pour l’enseignement à mettre en relief.

Plusieurs Pères grecs et, parmi les latins, surtout S. Augustin, ont même cru voir dans la Bible que toutes choses avaient été créées simultanément. Ce sentiment, dans sa forme absolue, ne paraît guère pouvoir se justifier par une interprétation naturelle du texte sacré ; mais il sulVit qu’il existe, avec les autorités qui l’appuyent, pour qu’il ne soit pas interdit aux exégètes catholiques : cela résulte du principe rappelé dans la 4’réponse de la Commission biblique. A plus forte raison, est-on libre de soutenir que Moïse, dans son histoire de la création, a négligé la chronologie et ne prétend pas retracer la succession réelle des créalions divines.

Dans cette interprétation, à laquelle les adhérents sont de nos jours venus de plus en plus nombreux, que signitient les li six jours » ? D’après quelques-uns, ils auraient rapport, non à des moments de l’action créatrice, mais aux visions dans lesquelles le Créateur a daigné représenter son œuvre à la pensée ou même aux yeux du premier homme. Suivant une explication plus naturelle, c’est que les six « jours «  appartiennent au cadre librement construit par le rédacteur de la Genèse, et sont destinés à montrer dans la création le type de la semaine ouvrière, suivie du repos sabbatique. L’écrivain sacré, nous l’avons dit, indique lui-même clairement cette signilication des six (ou plutôt sept) a jours », dans la conclusion de son tableau (ii, 2-3). En conséquence, ces jours » doivent représenter si.r moments caractéristiques d’activité créatrice. A ces moments correspondraient les six grandes créations particulières que marque le tableau. Ces créations ont-elles été séparées par un temps ? C’est plus vraisemblal)le.

« [uoique cela ne soit pas absolument nécessaire pour

la vérité du type. Celui-ci exclut peut-être l’hypothèse de la création simultanée, mais, en tout cas. n’implique jioint des jours de vingt-quatre heures.

D’ailleurs, non seulementle texte sacré ne nous impose pas l’assimilation de la semiUne divine et de la semaine humaine au point de vue de la durée ; il récarte plutôt, équivalemment. S. Augustin le i-emarquait déjà, quand nous lisons (Gen., i, ii-12)que, sur l’ordre de Dieu, la terre poussa du gazon, des herbes à semence, des arbres portant fruit, et tout cela le troisième jour, il ne peut être question dun

« jour ordinaire tel que ceux que nous connaissons ».

Car ce n’est pas un de ces jours, mais plusieurs, qu’il fallait pour que les plantes qui, après avoir pris racine dans la terre, en sortent pour la vêtir, germassent d’abord en dessous, puis vinssent à la lumière dans le nombre de jours iixé pour chaque espèce (De Genesi ad lit., l.IV, xxxiii, 62).

Si l’interprétation « idéaliste », plus exactement métaphorique on symbolique, qui vient d’être esquissée, est admise, — et elle est certainement admissible, — les ditlicultésénoncéesplushaut tombent d’elles-mêmes. Il n’y a pas de contradiction entre la Bible et la science, ni sur l’ordre d’apparition des êtres dans le monde, ni sur le temps qu il a fallu pour la formation du globe et le complet épanouissement de la vie terrestre, puisque, sur tous ces points.l’historien inspiré s’est abstenu de rien allirmer positivement.

Il n’est pas nécessaire de s’arrêter aux objections concernant certains détails du récit biblique : par exemple, la création du « firmament ». qui paraît représenté comme une voûte solide, au-dessus de laquelle il y a comme des réservoirs pour les eaux destinées à fournir les pluies. Si l’auteur sacré semble partager cette conception populaire des anciens, il n’allirme rien, néanmoins, sur sa vérité ; il j’conforme seulement son expression, pour se faire comprendre de ses contemporains : de même que les savants d’aujourd’hui parlent encore, dans la vie ordinaire, à peu près comme le peuple, de la voûte apparente que nous voyons au-dessus de nos têtes.

Pour les rapports de l’histoire biblique de la création avec l’anthropologie, la biologie etc., voir les art. Homme, Transformisme.

Second récit de la création improprement dit.

— Paradis terrestre. — Tentation et chute d’Adam et d’Eve (Cen.. 11. 5-iii, ai). — Les critiques rationalistes voient dans le second chapitre de la Genèse un nouveau récit de la création, qui contredirait celui du premier chapitre sur presque tous les points. Les contradictions leur semblent si flagrantes qu’ils s’appuj-ent principalement là-dessus, pour soutenir que les deux récits ne peuvent pas être du même auteur.

Mais, d’abord, si les contradictions étaient réelles et si claires que le prétendent ces critiques d’aujourd’hui, le rédacteur de la Genèse les aurait lui aussi remarquées, et alors il n’aurait pas adopté à la fois les deux documents ou il les aurait modiUés de manière à les harmoniser. De fait, les deux chapitres diffèrent assez par le style et le vocabulaire même, pour qu’on puisse y reconnaître deux sources successivement exploitées par l’auteur de la Genèse ; mais ce ne sont pas deux versions inconciliables des mêmes événements. Voici quelles seraient les principales de ces contradictions prétendues.

D’après le premier récit, l’homme est créé le dernier de tous les êtres, et les deux sexes sont créés en même temps : d’après le second, l’homme est formé d’abord, avant les plantes et les animaux, et la femme est formée après l’homme. D’après l’un, toute la terre, à l’origine, était plongée dans l’eau, mais, dès qu’une partie en est asséchée, les plantes y poussent ; d’après l’autre, au commencement il n’y a nulle