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GENESE

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gneinenl catholique, nous donne donc vérilablenieul

(de l’histoire ; mais pas, cependant, de l’histoire telle qu’on l’écrirait aujourd’hui, U y a niènie une réelle différence entre cette histoire primitive et celle qu’on trouve dans les autres livres de la 151l)le. Les particularités les plus caractéristiques de l’histoire de la Cicnèse sont, il’ahord, le choix des faits, qui est essentiellement fragmentaire et dominé par un but doctrinal ; puis, la façon de raconter et de décrire, iiui est populaire. L’historien de la Genèse n’est pas un [>riil’essiiiiinel, il n’écril pas l’histoirepour l’histoire, mais alin d’illustrer en quelque sorte par ses récits une iloctrinc religieuse. C’est pourquoi il ne faut pas lui demander une suite claire, ordonnée et complète d’événements ; dans la longue étendue des premiers âges, il ne nous présentera que (luclques grands faits, séparés par d’énormes lacunes. Quant à la forme populaire de la narration, elle aété déterminée par le but d’enseignement populaire qu’elle devait servir. On sait que le langage populaire, en tout temps et en tout pays, se caractérise par l’emploi des ligures. Aussi, la Commission biblique nous l’a dit, s’il y a, dans les premiers chapitres de la Genèse, des faits importants à prendre au sens propre strictement liistorique, il y a également des choses qu’on peut, qu’on doit même interpréter comme des fig.res ou des symboles. La tâche la plus délicate des exégètes et des apologistes, dans l’explication de ces récits primitifs, est d’y faire le juste partage du propre et du figure. C’est là pourtant qu’est la solution de la plupart des dillicultés formées contre l’autorité historique des premières pages de la Bible. La Commission biblique, en particulier dans les quatre dernières réponses, a donné les règles nécessaires pour nous diriger sûrement dans cette voie.

Objet du travail qui suit. — Comme nous l’avons indiqué, la preuve décisive de la pleine autorité de la Genèse comme histoire, résulte des preuves mêmes de son caractère Itisturique, pour quiconque accepte l’inspiration de la Bible. Contre les rationalistes, qui rejettent a priori cette inspiration, la preuve n’en vaut pas moins ; mais c’est par voie indirecte et en Aertu des arguments généraux d’apologétique, que nous n’avons pas à rappeler ici. La Genèse étant le document unique pour la période qu’embrassent ses onze premiers chapitres, son autorité pour cette période ne comporte pas d’autre démonstration. Notre travail se borne donc à la réfutation des objections ou à l’élucidation des didicultés, fornu’cs contre la vérité et la crédibilité de ses récits. De ces objections et de ces dillicultés, les unes regardent l’ensemble de la Genèse, les autres des parties ou des passages isolés. Nous les examinons successivement.

Objection générale. — Il est impossible, objectent d’abord les critiques rationalistes, d’expliquer comment une histoire lidéle des premiers âges du monde aurait pu parvenir à l’auteur de la Genèse. (i A la création, écrit M. Gu.nkel (/>/e Genesix), aucun homme n’était présent ; aucune tradition humaine ne remonte jusqu’à l’origine du genre humain, des peuples primitifs, des langues primitives… Et le peuple d’Israël est un des plus jeunes parmi ses voisins. D’ailleurs, la tradition populaire transforme tout ce qu’elle touche et elle ne saurait avoir conservé exactement, durant tant de siècles, les détails qu’on lit dans la Genèse.

Tous les saints Pères expliquent par l’inspiration divine la connaissance que montre Moïse des origines du monde et de l’humanité. L’Esprit-Saint a-t-il instruit l’historien sacré par une révélation directe ?

Il l’aurait fait — et la raison n’aurait pas à contredire, — si cela avait été nécessaire pour que la Genèse put être écrite telle que Dieu la voulait pour l’instruction des hommes. Mais le sentiment commun des exégètes catholiques, sentiment déjà professé plus ou moins explicitement bien avant l’époque moderne, c’est que l’auteur de la Genèse a utilisé d’anciennes traditions, peut-être déjà écrites en partie, et que l’inspiration l’a seulement guidé i>our qu’il n’empruntât rien à ces sources qui ne fût conforme à la vérité, soit historique, soit doctrinale.

U n’est pas impossible de montrer d’une manière vraisemblable comment une tradition exacte, sur les faits del’hisloireprimitive, apu seformer etparvenir jusqu’à Moïse. Le premier fond en aété consti tué par les communications de Dieu à nospreiuiers parents. Que ceux-ci aient vu le Créateur pour^ cjir non seulement à leurs premiers besoins [diysiques, mais encore à leur première instruction, la Bible l’adirme, et l’on n’en saurait doviter sans injure à la sagesse et à la bonté divines. Avant tout, ils ont dû être renseignés sur les origines du monde et leur propre origine. Ainsi seulement, ils étaient à même, dès les débuts de leur vie, de connaître leur Auteur, l’Auteur de toutes choses, et d’accomplir le plus grand de leurs devoirs, par le respect, le culte qu’ils lui rendraient. Cette première connaissance, fondement de la religion, ne leur a pas été enlevée par le péché, et ils n’ont pu manquer de la transmettre à leurs enfants : l’Ecriture insinue d’ailleurs qu’ils l’ont fait, en nous parlant des sacrifices olfcrts à Dieu par Abel etCaïn. Malgré la honte qui en résultait pour eux, Adam et Eve ont du faire connaître aussi à leur descendance l’état primitif heureux d’où ils étaient déchus, la manière dont ils l’avaient perdu et les promesses de rédemption par lesquelles Dieu avait tempéré le châtiment de leur péché.

Voilà, résumé en quelques lignes, tout ce que racontent les trois premiers chapitres de la Genèse. C’étaient là des faits de très grand intérêt et de souveraine importance pour l’humanité, par suite capables de laisser une empreinte profonde et ineffaçable dans la mémoire d’une longue suite de générations.

Au surplus, nous n’en sommes pas réduits à soutenir la possibilité, la vraisemblance d’une tradition primitive : nous en constatons l’existence. Des récits plus ou moins analogues à ceux de la Genèse, notamment pourcequi concernela formation de l’espèce humaine par une intervention spéciale de la divinité, le paradis terrestre ou la condition primitive heureuse de l’humanité, puis sa déchéance et l’espoir du relèvement, se retrouvent dans toutes les grandes races humaines. (H. Luekkn, Die Traditioiien des Menschengeschteclits, 2" éd., Miinster, 1869 ; ViGOUROux, La Bilile et les découvertes modernes, t. I : A. Jkremias, />(/.< Jlte Testament im l.ichte des alten Orients. 1906.) Ce phénomène ne s’explique sullisamment ni par les emprunts que se sont faits entre eux les divers groupes humains, ni par l’action indépendante des facultés communes à tous : il faut, ou du moins on peutavec toute raison lui donnerpour origine des souvenirs primitifs, transmis comme un héritage commun à toutes les branches de la famille humaine.

U est vrai que ces souvenirs, chez tous les peuples autres que les Hébreux, sont fortement mêlés d’éléments manifestement légendaires et mythiques, voire souvent contraires à la raison et même à la morale. Tel est le cas même chez les Assyro-Babyloniens, qui ont la tradition la plus voisine de celle de la Genèse (voir l’art. Babylonk et l.v BmLE). La critique rationaliste en conclut que ce que nous appe-