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GALLICANISME

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on se pressa tant d’exécuter la sentence analogue rendue contre le livre de Suarbz, Defensio fidei, etc., que l’ouvrage du jésuite put être Ijrùlé avant toute intervention du nonce. Les Jésuites durent publi([ueuient renoncer à la doctrine de Suarez, et solliciter de leur général un nouveau décret contre l’enseignement du tyrannicide.

La théorie gallicane s’était du reste précisée. Jacques Lesciiassikr, en 1606, avait établi que nos libertés consistaient dans l’observation des anciens canons et indiqué les collections qui les contiennent : l’imprécision des anciennes formules laissait un vaste champ à l’arbitraire des magistrats. Edmond RicHBn, dans son titt"// » s, ajoutait au gallicanisme ecclésiastique traditionnel de l’Ecole de Paris, une théorie politique qui n’était point encore admise parmi les théologiens, il dépassait singulièrement la doctrine d’Almain. II professait un système parfaitement lié de quatre propositions : droit divin des rois, absolue indépendance du temporel, autorité purement spirituelle de l’Eglise (la conduite des choses tenq><)relles a totalement abruti l’Eglise, reddidit Ecclesicun tolam briitaleni), puissance du prince sur l’Eglise : conmie prince temporel, protecteur et vengeur des canons, il a la suprême administration de l’appel comme d’abvis. Eu 1617, Richer ne signait pas la censure par laquelle ses collègues déclai-aient hérétique la proposition de Marc Antoine de Domi-Nis, déniant à l’Eglise toute puissance coactive, et Servin au Parlement faisait bruyamment écho à la protestation silencieuse de l’ancien syn<lic.

8) Le Clergé de cette époque n’était pas disposé à se laisser imposer une doctrine ruineuse de toute son immunité et de toute sa juridiction : les évêques d’alors n’hésitaient pas à excommunier des magistrats comme il arriva à Aix, ou des gouverneurs, comme il arriva à Bordeaux. En 1612, au concile de Sens, présidé par le Cardinal du Perron, leLibelttis de Richer fut condamné, sous réserve pourtant des droits de la couronne et de nos libertés. Aux Etats généraux de 1614. lorsque le Tiers, pi’esque uniquement composé de magistrats, proposa d’établir

« comme loi fondamentale », « conforme à la

parole de Dieu » que le roi étant reconnu souverain, ne tenant sa couronne que de Dieu seul, il n’y a puissance en terre, quelle qu’elle soit, spirituelle ou temporelle, qui ait aucun droit sur son royaume, etc., le même du Perron, dans une célèbre harangue de trois heures, essaya de lui démontrer que jusqu’à Calvin toutes les écoles de théologie avaient jugé fausse cette doctrine ; qu’une assemblée politique n’avait aucun droit à parler de sa conformité avec l’Ecriture ; que condamner l’opinion contraire était faire schisme avec toute la chrétienté, etc. Mikon répliqua que le Tiers demandait une loi de police : Servin obtint du Parlement des arrêts en ce sens ; le conseil de régence intervint, et. pour faire cesser la querelle, ferma la salle des Etats : « L’an 16 15, raconte malicieusement Bassompierre, commença par la contestation de l’article du Tiers, qui fit un peu de rumeur dans les Etats, enfin on le plâtra. Le Carnaval suivit, auquel Monsieur le prince lit un beau ballet, et le lendemain fut la cimolusion des Etats… 1. En 1682, Gilbert de Choisbcl réclama que dans les Mémoires du Clergé, on mit une note à la harangue dedu Perron pour dire que le Cardinal y défendait une vue personnelle. La note n’eût pas été tout à fait exacte ; on ne peut nier cependant que, même à cette date, les docteurs du reste ultramontains et opposés à Richer, comme Dlval, admettaient, avec des atténuations, l’indépendance du roi de France au temporel. En 1626, ce fut un adversaire

Tome II.

de Richer, le D Filesac, qui déchaîna contre le livre de Santarelli, où étaient soutenues des propositions contraires à nos maximes, la tempête qui occasionna la mort de Servin : le magistrat gallican fut frappé d’apoplexie en prononçant devant le roi un virulent réquisitoire. La Sorbonne censura l’ouvrage « lu jésuite italien et ses confrères désavouèrent sans peine sa doctrine.

Clergé et m.igistrats communiaient donc dans le culte toujours plus enthousiaste de notre monarchie nationale. La lutte entre eux pour la juridiction n’en devenait pas moins âpre : toutes les assemblées du Clergé portent au roi leurs griefs contre le Parlement.

En 1 638 parurent, sans nom d’auteur ni de libraire et sans privilège, deux volumes intitulés : Des droits et libertés de l’Eglise gallicane, arec leurs preuves. C’était une compilation des deux frères Pierre et Jacques Di’puy, gardes de la bibliothèque du roi : le nonce Bolognetti la trouva si dangereuse et en lit des plaintes si vives à Richelieu, qu’un arrêt du Conseil supprima l’ouvrage (20 décembre 1638). Le g février, 22 cardinaux, archevêques et évêques réunis à Paris la condamnèrent aussi : « C’était, disait M. de Montchal, archevêque de Toulouse et ra])porteur, un recueil de toutes les entreprises que la puissance séculière a jamais faites contre l’Eglise. » En elTet, en plus des traités d’anciens jurisconsultes qu’il iiubliait, Pierre Dupuv avait appuyé chacun (les articles de Pierre Pitliou sur des actes puisés dans les collections de nos conciles et de nos historiens, dans les ordonnances royales et les arrêts des Parlements. Jamais pareil arsenal de précédents n’avait été ouvert à nos magistrats. Richelieu n’était pas étranger, dit-on, à cette publication. Cependant il était homme d’Eglise et trop bon théologien pour faire sienne toute la doctrine de Dupuy ; c’est ailleurs qu’il faut chercher l’expression exacte de la pensée du grand ministre.

9) Comme, en 163g, la cour de France était brouillée avec la cour de Rome, le bruit se répandit qu’avec le concours d’un érudit, le cardinal préparait à son profit l’établissement d’un patriarcat national. Le P. d’Avrigny estime que la rumeur était fondée. Un docteur de Sorbonne, Claude Hersent, prit la chose au sérieux et, poussé peut-être par le nonce, en fit sous le pseudonyme d’OPTATus Gallus, une satire très aigre (mars 16^0). Richelieu chargea de la réfuter le savant même visé par ces bruits : Pierre de Marca, devenu depuis un an (grâce peut-être à Pierre Dupuy) membre du Conseil privé. La réplique de Marca déborde de beaucoup le pamphlet d’Hersent. Marca ne mentionne qu’incideninicnt l’alTaire du patriarcat gallican, prouve en passant que le pajjc est seul patriarche d’Occident, et s’étend sur les principes qui assurent à la fois la concorde des deux pouvoirs et nos libertés traditionnelles. Les deux mots Concordia Sacerdotii et Imperii et l.ibertates Gallicanæ sont dans le titre de son ouvrage. Les quatre premiers livres parurent en 16/|i, les quatre derniers furent publiés postliumes par Baluze (i 663). Marca, on l’a vu, admet presque toute la théorie romaine sur la constitution de l’Eglise, y compris la supériorité du pape sur les conciles. Mais pour lui, l’autorité pontificale, comme toute autre autorité, ne peut imposer l’observation de lois que le peuple n’accepte pas. L’acceptation est le troisième élément essentiel de la loi (volonté du législateur, promulgation, acceptation ) : cette vieille théorie, empruntée au droit romain, défendue par un grand nombre de théologiens et de canonistes fran( ; ais et espagnols (Gerson, Xavarro, CovARRUVivs, etc.) n’est pas nécessairement liée, à une conception démocratique de la société ; Marca