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GALLICANISME

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capétienne de toute subordination tliéorique à l’égard de l’autorité romaine (A. Baudhillart, /tes idées qu’on se faisait, au X/f siècle, de Viiitcrventioii du pu lie eu matière politii/ue, dans Bet’. d’histoire et de iitl. rel., 181j8 ; — R. Sunoi.z, Jlie Publizistih zur Zeit Philipps des Scluinen, Stuttgart, 1903).

Le conilit du roi et du pape a été raconté plus haut (article Bonh-ack VlU). Le roi y afliruia solennellement son indépendanie à réj ; ard de la papauté. En 12<j7, lorsque Boniface tenta de réconcilier les rois de France et d’Angleterre, Philii)pe lit répomlre à ses mandataires : « que le gouvernement temporel de son royaume appartenait à lui seul, qu’il ne reconnaissait en cette matière aucun supérieur… » L’année suivante, il accepta, cependant, la médiation non pas du pontife, mais de Benoît GAÏiTAM.

Ce n’est pas seulement à rencontre du pape que la doctrine gallicane s’allirine : les pani[)lilets, nés à l’occasion de la querelle, s’en prennent à toute immunité, à toute juridiction teuq)orelle ecclésiastique. Le plus célèbre commence par ces mots : Antequam clerici essent, Jtejc Franciæ luihebat custodiani regni su : et poterat statuta fucere. Le Dialogue entre un clerc et un c/ieiu/ier, auquel le Songe du Vergier empruntera beaucoup, bat en brèche rimmunité liscale des ecelésiasti<[ues, au nom des droits régaliens. Iniluence du droit romain exaltant la prérogative souveraine, rivalités de prétoire entre olliciers des juridictions rivales, développement de théories multitudinistes, tout contribue à faire mûrir les conce [)tions gallicanes des âges précédents. Les conciles légifèrent en vain : ils obligent les confesseurs à interroger leurs pénitents sur les atteintes portées à la juiidiction ecclésiastique et à les renvoyer, en cas de culpabilité, devant les évêques, ou même devant le pape : rien n’y fait. Quand le roi veut obtenir un décime, il donne une conlirmation ilhisoire des droits de l’Eglise ; mais c’est lui maintenant, et non plus seulement les seigneurs, qui conduit la guerre contre les justices ecclésiastiques. Auprès de cliaque ollicialité, il a son avocat, prêt à intervenir pour faire prévaloir le principe dont les conséquences indélinies amèneront l’anéantissementdes cours spirituelles, savoir : l’exclusive compétence du roi en matière temporelle et dans toutes les causes réelles de ses sujets : /(em certuni est.notoriuni et ind ubilatuin, d’iænl NoOARET et DU Plaisiaxs à Clément V, quod de hèreditatibus et juribus et rébus inimobilibus ad jus temporale spectantibus qui si^’e petiturio agatur, sive possessorio. sive pertineant ad licclesias et ecclesiasticas pcrsonas, sue ad dominos temporales, agendo et defendendo, cognitio pertinet ad curiam temporalem : specialiter autem domini régis ipsius. Le prince ne laisse à l’Eglise que la connaissance des causes personnelles et criminelles de ses clercs, sauf à employer la saisie du temporel pour obtenir, même en ces matières, l’exécution de ses volontés. La théorie du cas privilégié s’ébauche. Infraction de sauvegarde, bri d’asseurement, port d’armes, fabrication <Je fausses monnaies, de faux sceaux, de fausses lettres royales, crime de lèse-majesté, attentat, abus de justice, excommunication des olliciers royaux, rescousse, haro normand, amèneront les clercs devant le Parlement (R. Gi ; ni ! stal, Le cas prit’ilégié, cours professé à l’Ec. des H" » Etud., sect. des se. relig. 1909-1910, igio-1911). On en trouve déjà quel<[ues exemples dans les Olim et dans les registres inédits du Parlement au temps de Philippe le Bel. Les développements ultérieurs de cette procédure auront pour la justice ecclésiastique les mêmes conséquences désastreuses <(ue ceux des cas roi aux pour les justices seigneuriales (Ernest Peuhot, ies cas roraujc, Paris, 1910).

Quant au domaine de l’Eglise, des légistes hardis comme Piehue Dlbois en proposent l’aliénation. Le roi réclame la garde royale unit’erselle, qui figure en bonne place dans le scriptum contre Boniface VIII, et lui assure la tutelle et l’exploitation de tous les biens d’Eglise. [H-X. A.]

6) Les Valois liérilèrent des conceptions capétiennes. Tout au début du règne de Philii’pe VI, se tint à Vincennesune conférence i)lus notable parle retentissementdes théoriesdéveloppées que par ses résultats immédiats : Pierre ue Cugnières, représentant du roi, y dénonça l’extension exagérée de la compétence des ollicialités ; il ne proposa du reste aucun remède, et n’est pas, i|uoi qu’on ait dit, l’inventeur de l’appel comme d’abus. L’évêque d’Autun. au nom du clergé, revendiqua tout ce que la coutume avait attribué aux cours d’Eglise, et le mémoire remis au roi par ses confrères comprenait une longue liste de causes réelles, personnelles et mixtes. Aux prélats, Philippe donna de bonnes paroles, et laissa ses légistes continuer la lutte (Olivier Martin, L’assemblée de Vincenues, Paris, 1909).

Dans l’entourage royal, le principe de l’absolue indépendance temporelle de la couronne est un dogme qui doit mèmeréformcr l’histoire : les lirandes chroniquesde Saint-Denis, racontant lechangementdedynastie de 762, disaient après les continuateurs de Frédégaire : « Et lors feu esleu a roy de France, par l’autorité de V£glrse de Honte…, Pépin. » Sur son exemplaire, Charles V lit remplacer les mots sacrilèges par ceux-ci « par le conseil du pape de Rome ». Il fait écrire le, S’oH^’e rfii Fero-ier (iS^G-i 3^8), mosaïque reproduisant les morceaux anciens les plus hostiles à la juridiction ecclésiastique. Lorsqu’à l’assemblée de 1406, Guillaume Fillastre rapi)ela que Zacharie avait déposé Childéric, les princes qui gouvernaient pour Charles VI le contraignirent à déclarer qu’à la différence des empereurs et d’autres princes, le roi de France ne tenait pas sa couronne du pape.

Cependant en pratique le roi de France ne l’ait pas aux ingérences de la papauté dans notre Eglise nationale une opposition systématique. Cette papauté était du reste celle d’Avignon, qui mettait souvent au service de la politique française son iniluence européenne. Nos princes prenaient une bonne part des décimes levés par les papes sur notre clergé et conféraient un grand nombre des bénélices que les pontifes se réservaient : il y a là certainement une des causes du progrès de la tutelle royale sur l’Eglise gallicane. L’esprit nationaliste du clergé offrait un appoint favorable. Dans toute rEuro[ie du reste, le sentiment national était déjà fort : à Constance on votera par nation, et on réclamera une équitable représentation des peuples différents dans leSacré Collège, que les papes d’Avignon avaient trop francisé. Au (lire des Italiens, le concile de Bàle aurait été une revanche de la défaite subie à Constance par le nationalisme français : l’obstiiialioii du cardinal Aleman et son schisme savoyard s’expliqueraient par son dépit contre l’u italianisation » croissante de la curie romaine. Cette explication Fim[)liste fait du moins ressortir les réels progrès de l’idée nationale.

7) Plus que le nationalisme, le recours de l’Eglise à la puissance séculière pour mettre /in à la crise du grand schisme a inllué sur le développement du gallicanisme politique. Les théories fort démocratiques des universitaires, aussi dangereuses pour l’autorité royale que pour le pouvoir spirituel, n’ont pas empêché leurs appels aux princes et aux magistrats de sortir leurs effets. Le Parlement de Paris fut invoqué par eux dans l’affaire i)ureiuent doctrinale de la