Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/128

Cette page n’a pas encore été corrigée

243

GALLICANISME

244

Q L’époque des premiers Capétiens et des Valois jusqu’au Concordat de 1516

i) La maison capétienne Jevait restaurer en France la notion ella réalité du pouvoir souverain. En face de l’empire transféré en Germanie, les évêques ont fait, des ducs des Francs, nos rois nationaux. La volonté de soustraire la Couronne à la suzeraineté impériale les amènera à nier toute supériorité sur nos princes, de cette autre puissance mondiale qu’est la papauté. Dès 991, nous avons ^u nos évêques en conflit, à propos d’Arnoul de Keims, avec l’évèquc de Rome, protecteur de l’unité politique à laquelle la France voulait s’arraclier (voir plus haut dans Gallican is tue ecclésiastique).

La nouvelle monarcliie a un caractère aussi ecclésiastique querancienneroyauté carolingienne : « Nous savons, dira Louis VII, que, d’institution ecclésiastique, les rois et les prêtres sont seuls consacrés par l’onction des saintes huiles. » (Tardii-’, Mon. ///s/., n" ^65.) L’alliance du cleryé avec le roi devient plus intime ; les églises locales, pour échapper à la gène de la tutelle seigneuriale, se recommandent au souverain. L’action du roi se fait ainsi sentir jusqu’aux extrémités de la France : beaucoup d’évêques sont SCS hommes et reçoivent de lui, à cliarge de service, une ])uissance temporelle très étendue. Comme le chef de leur race, les successeurs de Hug’ues Capet montrent quelque indépendance à l’égard de Rome : affaire de passion, bien plus que de principe, mais qui ne fut pas sans conséquences. Rouert ferait volontiers des concessions au pape pour obtenir la reconnaissance de son union avec Berthe, mais il résiste au concile convoqué par le souverain pontife et où paraissent Othon III et Gerbeht. On l’excommunie, il reste trois ans sous l’anathème. Sylvestre II linit par le persuader (1001). Son fils Hexri I", en 10^9, craint que Léon IX, un lotharingien. ne euille l’assujettir à l’enqiire, et tente de dél’ondre aux é> êcjues français de paraître au concile réformateur de Reims. Ce concile frappa plus d’une de ses créatures. Philippe I", simoniaque et concubinaire, est menacé par le pape d’être privé de sa couronne : Grégoire VII rexcouimunie, Urbain II reste en eonilit avec lui pendant douze ans et s’entend dire que le peuple de France abandonnerait plutôt le pape que son roi (Yves i.e Chartres à Urbain H, 1’. /.., CLXII, 58). Cependant, ;  ! cette date, lapapauté dominait l’Europe : elle aail partout des domaines et des agents ; ses pontiA’s avaient montré tant de courage, de vertus et d’intelligence, que les princes français faisaient petite figure auprès d’eux. Toute la question des rapports entre l’Eglise et l’Etat se résumait alors dans la question des Investitures (voir ce mot) ; les pa|)es voulaient faire sortir les églises de la propriété privée : en France, ils y réussirent. Le concile où fut acclamée la première Croisade, défendit aux clercs de recevoir d’un laïc aucune charge ecclésiastique, aux laïcs de les conférer, aux évêques et aux prêtres de jurer à personne la fidélité-lige. « Le rôle des séculiers, dira bientôt Pascal II, est de protéger l’Eglise, non de la dominer. » C’est déjà toute la tliéorie du patronage substituée à la propriété, qui triomphera déllnitivement à la fin du xii’siècle avec .i.ExANi>RE III. En conséquence, par toute la France, les élections se rétablissent peu à peu : le roi garde seulement son droit d’autorisation préalable et de confirmation.

La poléinicpie littéraire sur les relations entre les deux pouvoirs, suscitéeen Italie et en.lleinagne par la querelle des Investitures, eut natiuelleiuenl un écho parmi les clercs français : les césaristes italiens ou lotliaringiensuep(uivaieiit guère faire de disciples

dans un pays attentif à se distinguer de l’Empire, tout au contraire la patrie des moines clunisiens devait faire accueil aux théories grégoriennes : IIildebert DU Mans, Geoffroy de Vendôme et surtout Honoré d’Aotun sont tout disposés à soumettre le pouvoir civil à l’autorité ecclésiastique, à faire nommer l’empereur par le pape, le roi par les évêques. Cependant ce n’est pas la doctrine dominante : chez nous, la théorie qui prévaut et va régler les rapports des deux pouvoirs jusqu’au temps de Philippe le Bel, est une théorie de juste milieu, celle d’Y^ es de Chartres et de Hugues de Fleury, prônant l’union de deux pouvoirs distincts se faisant des concessions réciproques. Hugues de Fleury a quelque complaisance pour le pouvoir séculier, il répète la comparaison carolingienne du roi, image de Dieu le Père, auquel l’évêque, vicaire de Dieu le Fils, doit être soviinis. En tout cas. si le roi ne donne plus l’évéché, l’évêque doit prendre de sa main les châteaux, villas, droits fiscaux, juridiction politique ou dignité civile, joints à l’évêché par la générosité royale.

[H.-X. A. et M.-D.]

2) Louis VI LE Gros. — Avec Louis le Gros, la monarchie acquiert une conscience plus nette de ses prérogatives. Ce monarque a passé la plus grande partie de son règne à les faire accepter par les souverains féodaux, encore détenteurs de la plupart des droits régaliens. De cette œuvre innnense, il n’a pu accomplir que la partie militaire : Louis était plus soldat que juriste ou théologien. Toutefois le sens de l’unité, qu’il possédait à un haut degré, l’a porté à faire progi’esser le gallicanisme politique, en assujettissant plus étroitement le clergé à l’autorité royale.

Son effort pour assurer la domination royale sur le clergé se manifeste d’une double façon. Il essaie de battre en brèche l’immunité judiciaire du clergé en cherchant à lui faire accepter la compétence de la justice roj’ale ; et, d’autre part, il maintient avec énergie son intervention dans les élections épiscopales et abbatiales.

Il assume, plusieurs fois, le rôle d’arbitre dans les différends ecclésiastiques. Non seulement il juge, mais il punit. En matière civile, il traduit devant sa cour Pierre, évêque de Clermont (1110). Il tient la même conduite vis-à-vis d’Arnaud, abbé de Saint-Pierre-le-Vif, en 1113. Dans la querelle qui mit aux prises, en 1130, les moines de l’abbaye de Morigny et les chanoines d’Etampes, il lit appliquer la même j)rocédure (Historiens de la France, XII, 77-78).

En matière criminelle, la justice roj’ale intervient également. En 1 1 10, elle prononce un arrêt qui liannit de sa ville épiscopale Batidri, cvêque de Laon. Cette politique n’allait pas sans résistances, témoin l’opposition énergique des chanoines de Beauvais en iii^ (P. A., CLXII, 138, 267, 268).

On ne saurait dire pourtant que Louis le Gros ait suivi, en cette matière, une ligne de conduite bien arrêtée. Il consultait, avant tout, ses intérêts ]iolitiques immédiats. Toutefois, ce qu’ilinqiorlc démettre en relief, c’est qu’il est le premier de sa race tù ait tenté, avec quelque succès, de subordonner l’Eglise comme la féodalité à la juridiction suprême de la cour royale. C’est sous son règne que l’on trouve le premier exemple très net d’un procès débattu, en ])remièri^ instance, devant un tribunal ecclésiastique et jugé souverainement par la cour du roi (Cii. A’. Lanc.lois, Textes relatifs à l’histoire du parlement, depuis les origines jusqu’en 1311, n" 7). Ce fait significatif nous révèle les obscurs commencements d’une institution qui jouera plus tard un rôle prédominant dans le développement du gallicanisme politique, le Parlement de Paris. Eu vain l’Eglise essaiera d’arrêter