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GALLICANISME

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représentée dans des conciles généraux où préside le Saint-Espril ».

Lorsqu’on 1681-82 Louis XIV, reprenant à son compte, sous l’instijïation de Colbert, une tactique désastreuse quoique traditionnelle, tenta de faire llécLir Innocent XI sur la question de la Réf ; ale, en le faisant attaquer par son clergé sur le terrain doctrinal, liossiKT fut cbargé de rédiger une déclaration où se révèle toute sa pensée sur les précisions apportées par le travail lUéologique de plusieurs siècles aux formules archaïques, fécondes et vagues, que répétaient ses thèses de jeunesse. Ainsi qu’il l’écrivait au Cardinal d’Estrkbs à pro{X)s de son Sermon sur l’i’tiili}, il eut souci de parler net sur trois point s, au risque de blesser « les tendres oreilles des Uoiuains » : l’indépendance de la temporalité des rois, la juridiction épi scopale immédiatement de Jésus-Chris t, et l’autorité des conciles » (^Correspondance, éd. Urbain et Levêque, t. ii, p. 278). Le premier point tenait à son cœur de patriote, les deux autres à son intelligence de théologien. Dix-huit ans plus tard, en janvier l’joo, après avoir raconté à l’abbé Le Dieu les origines de la Déclaration, il se félicitait encore d’avoir aHirmé les principes du gallicanisme épiscopal : « Ce qui vient d’être l’ait pour l’acceptation de la constitution du pape contre M. de Cambrai, n’est qu’une suite des propositionsde 1682, dit M. de Meaux. On s’est senti ferme dans les maximes et on a agi en conséquence, en mettant ioujours la force des décisions de l’Eglise dans le consentement des £glises et dans le jugement des évètjues. » (Journal de l.e Dieu, édil. Guettée, Mémoires et Journal etc., II, p. 9.)

Cependant, au-dessus des évéques, la théologie traditionnaliste de Bossuet place le Siège romain, indéfectible dans sa foi. Il eut au sujet de ce siège, à l’assemblée même de 1682, une discussion assez vive avec Gilbert uk Ciioiseul, évêque de Tournai. La pensée de Choiseul se retrouve encore dans le rapl )orl (postérieur pourtant à la discussion, semble-t-il) qu’il lut à l’Assemblée le 17 mars : le seul siège de Pierre qui soit indéfectible, écrit l’évêque de Tournai, est l’Eglise unit’erselle, dont le pape est le chef :

« à elle seif/enieH^, dit-il dans la sixième proposition

de sa conclusion, l’infaillibilité est donnée » (cf. F. V>Rsyiosri, Gilbert de CA oiseii/, Tournai, ! 907, p. 346 sq.). Contre lui Bossuet maintient, avec toute la tradition. que l’Eglise particulière de Home est indéfectible. I Elle peut errer dans un cas et pour un temps, con-’cède-t-il, mais elle a la promesse de ne point persévérer dans son erreur si l’Eglise universelle la lui si-I gnale. Jusqu’à son dernier jour, l’évêque de Meaux travaillera à étayer cette ecclésiologie sur une argumentation palristique précise et étendue. La defensio Declarationis Cleri gallicuni, publiée posthume par son neveu l’évêque de Troyes, est, avec les travaux du Dominicain Nokl Alexandre, ce qu’on a écrit de plus fort en faveur des maximes gallicanes.

5) Bien qu’en 1698 Louis XIV eût retiré l’édit prescrivant l’enseignement de la Déclai’ation de 1682, et que les membres de l’assemblée promus à l’épiscopat se fussent excusés auprès du pape Innocent XII de l’avoir signée, la pensée de Bossuet et la formule rédigée par lui demeurèrent la pensée et la formule qui réglèrent l’attitude de nos évêques à l’égard du S. -Siège pendant toute la. première moitié du xviit" siècle. Quand Clément XI voulut refuser des bulles à l’abbé de S.-Aignan pour les avoir professées, le roi lit observer qu’il s’était seulement engagé à ne pas les imposer à ses sujets, nullement à les leur interdire ; le pape en convint, et les bulles furent expédiées.

Le pape eut qxielque raison d’être choqué de l’usage

qu’au sujet des GonstiSutions contre les jansénistes (l’iiieam Domini.’<abaotli et l’nigeiiitus) tirent nos évéques de ces doctrines tolérées.

Déjà en 1699, comme s’en réjouissait Bossuet, le bref d’I^NOCENT XU contre les.Ma.vimes des Saints avait été soumis au jugement autant qu’à l’acceptation d’assemblées métropolitaines. II est vrai que, sans cette précaution, des défauts de forme, sur lesquels les parlements ne passaient pas, l’eussent rendu inefficace en France. Il n’en était pas de même de la Constitution Vineam Domini.^iibaoth, publiée à la demande luêine de Louis XIV, et après remaniements opérés par le pape de concert avec le roi de manière à n’y point laisser de clause contraire à nos libertés ; l’assemblée du Clergé néanmoins jugea opportun avant de recevoir la constitution de déclarer : 1" que les évéques sont, de droit divin, juges des matières de doctrine ; 2° que les Constitutions papales obligent toute l’Eglise quand elles ont été acceptées de l’épiscopat par voie de jugement ; 3° que les évéques — ils seront invités à le dire dans leurs mandements sur la Constitution — ne sont pas simples exécuteurs des décrets apostoliques. Pour apaiser la juste susceptibilité de Clément XI, Fénelon écrivit au cardinal Gabrielli que ses confrères n’avaient pas entendu se réserver le jugement de l’acte pontifical, mais seulement condamner de leur chef, en conformité avec sa décision, les erreurs que le pape avait frappées : ainsi fait dans un concile le dernier évêque qui signe ; quoiqu’il n’ait plus le droit, après le pape, après les autres évêques tous d’accord, de contester la foi déjà sullisammcnt établie, il ne laisse pas que d’écrire : Ego definiens subscripsi.

Huit ans se passèrent ; avant de laisser paraître la Constitution i’nigenitus contre Quesnel, Clément XI en communiqua encore le préambule et le dispositif au cardinal de la Trémoille, ambassadeur du roi très chrétien, afin qu’il y modiliàt tout ce qui choquerait nos maximes : le pape ne voulait pas voir renouveler la déclaration de 1700. Dans l’assemblée du Clergé convoquée à 1 efïel de recevoir la bulle, les prélats les mieux intentionnés reprirent l’examen doctrinal de toutes les propositions condamnées par le pape, et quand, après d’infinis retards causés, il est vrai, par le désir de ménagerie cardinal de Noailles, ils envoyèrent au souverain pontife la réponse si longtemps attendue, ils disaient : «.Voks reconnaissons dans la Constitution… ta doctrine de l’Eglise et nous l’acceptons a^’ec soumission. » Le 19 mars 1714, Clément XI les félicita uniquement de leur soumission. Ainsi se marquait, à propos de tout, la divergence entre la conception gallicane de l’infaillibilité conjointe et la conception romaine de Vinfaillibilité personnelle.

6) La révolte des « appelants » contre la Constitution I’nigenitus rendit inopportunes, et partant plus rares, les manifestations collectives du gallicanisme modéré qui était alorsla doctrine de l’épiscopat antijanséniste. Jacques de Sainte-Beuve, au début de l’affaire des cinq propositions, avait prédit que’< leur condamnation ferait incliner beaucoup… dans les sentiments de Richer » (Journal de Saint-Amour, p. 522). La prédiction se réalisa à la lettre au xviii= siècle, quand l’appel au futur concile d’un certain nombre d’évêques (bientôt réduits à quatre), de plusieurs facultés de théologie et d’environ deux mille prêtres et moines, eut consommé la rupture entre les jansénistes et le S. -Siège. On dit que l’évêque de Troyes, Bossuet le neveu, réformant la liturgie de son diocèse, en til alors disparaître toute allusion à la primauté romaine, y compris le « Tu es