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GALLICANISME

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sans danger pour le bien commun, sans détriment notable des droits qu’assurent aux princes et aux particuliers, après comme avant la loi évangclique, le JUS nalurale et le jus chile (Vialogus, Pars Ul, tract. I, 1. 1, c. 17). Au cas où ce pouvoir unique devient dangereux pour le salut éternel ou pour les droits temporels des peuples, il n’est pas interdit de changer la constitution même de l’Kglise, Ockham allirme sans cesse la supériorité du concile sur le Pape. Il distingue l’Eglise indéfectible, qui peut être réduite à une seule bonne femme, et sa hiérai’chie toujoui’s faillible.

4) On se fait diflicilement une idée de l’angoisse créée au xiv= siècle par ces coups inouïs et répétés : le « grand refus » de Gélbstin V, le procès d’hérésie et d’immoralité, encore troublant poiu- nous, que Ci.KMEXT V permit d’ouvrir contre la mémoire de boNir.vcE VIU, les accusations d’hétérodoxie lancées par les fralicelles, les dominicains et l’Université de P ; iris, et contii’mées par Benoit XII, contre les théories de Jbam XXll sur le délai de la vision bcalilique. C’est le temps des espérances joachimites, on attend le règne de l’Esprit, le retour de S. François, l’avènement du pape angélique qui remplacera l’antéchrist de Rome ou d’Avignon. Cependant, malgré ce trouble i)rofond, s’il n’y avait pas eu le scandale du grand schisme (iS^S), jamais le désir des réformes, ni les théories révolutionnaires de Marsile et d’Ockham n’auraient fait du gallicanisme une doctrine presque officielle dans l’Eglise.

Le serment des cardinaux, auteurs de la double élection de Rome et de Fondi, entraîna Charles V et ses alliés dans l’obédience d’Avignon. Il ne convainquit pas le reste de la chrétienté : on eut deux papes s’anathémalisant. Chez nous, malgré les malheurs de l’Eglise et de l’Etat, la cour d’.^vignon, remarque le Religieux de Saint-Denis, se fit plus fastueuse encore, solito pomposior : les frais de ce luxe insolent au sein de cette détresse grandissante que le P. Demfle a pu décrire sous le titre de désolation des églises et monastères, furent supportés par notre pays presque seul, sans qu’il eût même l’avantage de posséder le pape reconnu par tout le monde. Les princes français attendirent la mort île Clé.ment Vil, leur parent (iSg^) pour se détacher du pontife d’Avignon, le pays fut sur le point de se détacher même de la papauté.

L’Université de Paris, alors dans tout l’éclat de son iniluence européenne, assuma tout de suite la tâche de rétablir l’union..u nom île cpiels principes ? Xon pas au nom de ceux qui prévaudront à la lin de la crise. Ils furent pourtant exprimés dès son début. En 1380 Pierre d’.Villy, alors tout jeune, écrivait : Quis in Pelri in/irmitale Ecclesiæ firmitateni stabiliat : ’(op. Gerson, I, 604). Question douloureuse, née du scandale. Il répond : l’autorité suprême de l’Eglise n’est donc pas dans le pape, mais dans le concile des prélats tenant leur juridiction immédiatement du Christ, le pape n’a qu’un pouvoir ministériel, sa primauté n’est pas liée au siège de Rome, que le concile pourrait lui ordonner de quitter. Un maître plus mûr, Conrad de Gel-nhausex, dans deux éditionsde son Epistola concordiæ (13yg-1380) avait été plus hardi encore : Le i)ape est soumis au concile, lequel est lui-même un simple congrès de représentants de l’Eglise : « Multaruni personarum rite convocatarum gerentium vicem diiersorum statuum, totiiis Christianitatis. » Le pape et le Sacré Collège peuvent errer, mais non l’Eglise ; celle-ci a deux chefs, l’un essentiel et indéfectible : le Christ ; l’autre que la mort ou le péché peuvent lui enlever sans qu’elle en meure : le pape.

Ces idées révolutionnaires ont mis longtemps pour s’imposer : elles n’ont pas inspiré les premières démarches des universitaires. Au reste, d’abord les directeurs du mouvement, Simon Cra.maud par exemple, patriarche d’.lexandrie, élève de l’université d’Orléans et docteur in utrotjæ jure, ont été des juristes, spéculatifs moins audacieux que les théologiens. Dans les diverses assemblées du clergé, on peut suivre d’étape en étape les progrès que la pression des événements fait accomplir à la doctrine. Cf. J. Haller, Pupsttum und Kirchenreform, Berlin, iijo^ ; Nocl Valois, La France et le Grand Scliis/ne d’Occident, Paris, 1896-1902 ; L. Salembier, Le Grand Schisme d’Occident, Paris, 1902.

Les maîtres de Paris ont voulu forcer les papes rivaux à la cession simultanée. Dès que la cour les laisse agir, ils tentent d’y réduire Benoit XUI par la misère ; de là la soustraction partielle d’obédience : interdiction des collations papales et du payement de ses taxes — pratiquée du reste par des pays restés lidcles jusqu’au bout, comme l’Aragon, auxdoctrines anti-gallicanes. Elle fut votée aux synodes nationaux de 1395 et iSyô. C’est une voie de fait, disait Cramaud en iSyS, la seule qui soit ouverte contre celui qui n’a point de supérieur sur la terre. En 1397, l’Université avait fait observer au roi que les avantages temporels assurés aux deux prétendants par l’extrême étendue de leur droit de provision et de taxation, était la cause même de leur obstination dans le schisme ; pour remédier au mal présent, même pour en prévenir le retour, il fallait restaurer l’ancienne liberté : c’est ainsi que la question de la réforme se greffa sur celle de l’union… au grand désespoir de Gerso.n, qui eût voulu sérier les deux problèmes. Les résistances de Benoit XIII déterminèrent la première soustraction totale d’obédience (1398). On déclara le pape suspect d’hérésie, on ajouta ijue le pontife, n’ayant reçu pouvoir que pour édilier l’Eglise, ne devait plus être obéi quand il la détruisait. Beaucoup de Français excipèrent du cas de nullité contre cette décision — les Toulousains en particulier, dans une lettre célèbre. Notre Eglise ne iml vivre sans le pape : en 1403, sur les promesses que le duc d’Orléans prétendait avoir reçues de Benoit XIII, on lui restitua l’obédience. Le pape d’.vignon ne sut pas être modéré dans sa victoire, il ne tint pas ses prétendues promesses, laissa passer l’occasion de s’entendre avec son rival (plus désireux encore que lui d’éviter une entrevue), menaça le roi de France d’excommunication et de déposition. Il provoqua ainsi la seconde el délinitive rupture de 1406-i 407. Le concile seul pouvait réduire les pontifes récalcitrants. Jusqu’alors, toutes les fois qu’on avaitparlé de cette solution, par exemple en 13y4, les maîtres de Paris, tout en reconnaissant le droit exclusif des prélats à siéger dans cette assemblée, avaient demandé que poiu- cette fois on adjoignit aux évêques suspects de partialité envers le pape qui les avait promus, des docteurs impartiaux. Le plus souvent, ils n’atrirniaient la compétence du synode que sur un pape suspect d’hérésie, ou faisaient observer que le concile ne porterait pas de sentence sur la personne d’un pape incontesté, mais chercherait à savoir qui était le véritable pape. En iiio6, au contraire, en réponse au passage de la lettre de l’Université de Toulouse airirmant qu’iln’est jamais permis d’en appeler d’une sentence poutilicale, les Parisiens écrivaient : « Il s’en suivrait que dans aucun cas l’Eglise uniterselle ne serait supérieure au pape.’Or il est néanmoins constant parles Saintes Ecritures que l’Eglise universelle ne peut ni pécher, ni errer dans la foi, que le pape a été institué pour l Eglise et non l’Eglise pour le pape, et qu’enfin le pape, considéré même comme tel, est membre de