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GALLICANISME

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théorie. De nos deux maximes Pniiou disait que la France les a toujours tenues pour certaines. Pierre DuPUY ajoutait : « Nos libertés sont quelque partie du droit commun de l’Ejflise universelle, conservée en France contre divers établissements faits et admis en d’autres provinces. » Presque en tous temps (il y a des exceptions), nos pères ont protesté contre la qualification d’exemptions, de privilèges, donnée par les ultramontains à nos coutumes : privilèges et exemptions sont postérieurs à la loi dont ils dispensent, tandis que les pratiques gallicanes prétendaient être la pratique même de l’antiquité chrétienne. Quant à la doctrine sur la constitution de l’Eglise, elle serait aussi la plus traditionnelle : « Ce sont les maximes que nous avons reçues de nos pères », disait la Déclaration de 1682, et Bossuet intitulait la 3< ; partie de la Defensio Declarationis :

« De Parisiensiiiiii sententia ah ipsa Christianitatis

origine repeleiida. »

Celte thèse — atténuée et modifiée — est encore admise, non seulement par les vieux catlioliques et protestants (vg. Fr. v. ScnrLTE dans le remarquable article Gallikanismiis de la R. E. d’IlERzoG-llAUCii), mais par la plupart des historiens rationalistes ou indépendants. M. IIanotaux écrit (p. ix) : « Les Eglises locales (en Gaule) restaient attachées à Koræ comme à une mère ou du moins comme à une sœur ainée… Quoique l’Eglise fût loin d’avoir élahli dès lors le lien hiérarchique qui devait plus tard rattacher au successeur de Pierre le dernier des fidèles, les idées de fraternité chrétienne et de catholicité facilitaient une organisation qui, religieuse à son origine, pouvait devenir politique. « Donc, à l’origine, pas de lien hiérarchiijiie, mais un lien de tout autre nature, incapable de devenir, sans évolution radicale. un lien de subordination : pas d’obéissance, mais respect et charité. Or ceux qui retiennent aujourd’hui encore cette antique conception ecclésiastique : Orientaux, Vieux-catholiques de Hollande, de Suisse et de Bavière, fidèles de la haute Eglise anglicane, sont tous regardés par la grande Eglise, non plus seulement comme des schismatiques, mais, depuis le Concile du Vatican, comme des hérétiques. Si bien qu’à lire l’histoire du gallicanisme, telle qu’elle se présente, toujours fragmentaire du reste, dans la plupart des historiens, on croit assister aux luttes malheureuses et à l’écrasement final de l’idée première des chrétiens sur la constitution de l’Eglise : une théorie plus récente, tout humaine par conséquent, aurait fini par la supplanter. Ce serait un des exemples les plus nets de la faillite des promesses du Christ.

B) En réalité, à regarder de plus près textes cl faits, on s’aperçoit qu’on peut appliquer aux (/oc//(V(es gallicanes ce que l’un des historiens les plus récents et les mieux informés du gallicanisme écrit des libertés gallicanes, survivance, disait-on, de la discipline primitive : « Ce n’est qu’une fiction, affirme M. J. IIali. KU (l’apsttum und Kirchenreforin, , 20^1, Berlin, 1908), utile sans doute et bien excusable ; mais enfin une fiction, qu’on ne peut mettre d’accord avec les faits : œuvre d’une science tardive, un peu comnie ces témoignages de généalogistes complaisants qui s’elforcent lie démontrer l’antique noblesse de leur client en dressant des arbres généalogiques artificiels. »

L’artifice inconscient des historiens du gallicanisme semble être celui-ci : ils cherchent, sans la trouver, dans les périodes primitives, l’expression adéipiateou équivalente de nos thèses catholi([ues actuelles sur la nature de la liiérarchie ; ils n’y rencontrent pas davantage l’exercice fréquent, précis, incontesté, des droits pontificaux qui en découlent ; ils assignent au

contraire la date plus ou moins tardive où, pour la première fois, chacune des théories ultraïuontaines a été formulée, chacune des interventions papales inaugurée ; ils relèvent les preuves de l’autonomie des Eglises locales et de leurs résistances aux aflirluations comme aux ingérences romaines ; et de cette enquête ils concluent à la nouveauté, partant à l’illégitimité des usurpations ultramontaines, à l’antiquité des conceptions gallicanes. Le procédé parait rigoureux ; il est pourtant artiliciel : il n’est pas de bonne méthode historique ou théologique de vouloir trouver une théorie adulte et des applications fréquentes et précises du droit pontifical à une époque où l’on ne doit rencontrer que le germe de cette théorie, où les conditions intellectuelles et matérielles de la chrétienté rendaient impossibles les interventions pontificales auxquelles nous ont habitués des siècles d’élaboration scientifique et de gouvernement centralisé. D’autre part, quand on aura établi Vabsolue autonomie des Eglises locales (ce qu’on ne fera point) et décrit les résistances qu’elles opposèrent aux empiétements de Rome, on n’avira rien démontré au sujet de la doctrine, tant qu’on n’aura pas prouvé que ces situations de fait et ces révoltes sont nées d’une théorie primitive contradictoire des affirmations romaines, ou l’impliquent. La doctrine gallicane peut être postérieure aux faits issus d’autres causes, et avoir été imaginée pour les justifier. Le généalogiste qui a réuni des noms doit encore en établir la filiation. Les historiens du gallicanisme n’ont-ils pas substitué à ses ancêtres réels : usages, intérêts, sentiments, théories philosophi(iues, un ancêtre mythique, projection du présent dans le passé, une doctrine gallicane primitive, ou un germe traditionnel de doctrine gallicane ? Pour répondre pleinement à cette question, il faudrait reprendre après Bossuet (Defensio Declarationis) l’enquête qu’il a esquissée sur la tradition de toutes les Eglises, On se bornera ici à chercher dans notre pays, patrie d’élection du gallicanisme puisqu’il lui a donné son nom, l’origine des doctrines gallicanes et la loi de leur développement.

C) I.e gallicanisme ecclésiastique n’est primitif ni comme doctrine explicite, ni comme doctrine impliquée dans les principes ou la constitution de notre ancienne Eglise. Nos auteurs ont passé de nos libertés à nos maximes comme à reculons, pour défendre contre les développements théoriques et pratiques de la primauté de Pierre, admise par tous, des institutions particulières auxquelles notre clergé — traditionnel comme tous les Français et plus enclin à accepter une révolution qu’une réforme, à abandonmr une synthèse mentale ([u’à la modilier — tenait beaucoup Souvent il s’agissait de sauvegarderdes intérêts matériels que lésaient les conséquences fiscales de la centralisation romaine et de l’action mondiale des papes, ou des susceptibilités nationales : on coranu’nça par traiter d’abus les applications odieuses des principes, puis on excipa de privilèges consentis par Rome ou de coutumes a.yant prescrit, enfin on nia les ])riucipes eux-mêmes. On les nia d’autant plus facilement au cours du xiV siècle, que le renouveau de l’arislolélisnie avait créé dans les esprits un concept démocratique (le la société, qui ne convient qu’analogiiiuement à la société théocratique et monarchique (]u’est l’Eglise : on voulait à tort ramener au type de la société politique, conçue alors comme essentiellement constituée par l’accord de volontés égales, la société surnaturelle, laquelle est pluti">t du type de la soii<-té familiale, étant constituée par la transmission d’une vie (la grâce) passant d’un auteur (le Christ) aux fidèles par le ministère de ses vicaires ici-bas. Il fallut