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FIX DU MONDE

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juive et donc aussi la race juive tout entière. Et ce qu’il annonce, c’est la future conversion du peuple juif sur les lèvres de qui il met l’acclamation messianique :

« Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.

» Rien ne permet de préciser à quelle époque, proche ou lointaine, s’accomplira cette conversion, ni même si elle se fera par étapes ou tout d’un coup. Et puisque le peuple juif ne doit « revoir » Jésus que postérieurement à cette conversion, l’on ne voit pas comment cette déclaration pourrait constituer une annonce formelle de la parousie imminente. S’agit-il même, directement et uniquement, de la parousie ? Ce n’est pas très sûr. S. Paul, cependant, qui a retenu cette assurance de la future conversion des Juifs (nous ne la trouvons fermement exprimée que dans S. Luc, la phrase de S. Matthieu gardant un caractère hypothétique), semble bien l’entendre ainsi (Rom., XI, 15). Mais justement dans S. Paul, cette annonce de la rentrée des Juifs après que les Gentils auront pris place, rentrée ou conversion qui sera le prélude de la consommation de toutes choses, appartient à un ensemble de conceptions et de vues sur l’avenir qui impliquent une assez large perspective chronologique et dont on ne voit pas bien comment elles peuvent coexister, dans l’esprit de l’apôtre, avec cette Aive attente de l’avènement du Seigneur que nous avons cru constater. Décidément S. Paul devait être bien peu fixé sur la date de la parousie.

C. Conclusion. — Ce rapide examen me paraît légitimer les conclusions suivantes. Ni Jésus n’a annoncé, ni les synoptiques ne lui font dire que son avènement glorieux et la fin du monde se produiront du vivant de ceux qui l’écoutaient ou même dans un avenir prochain. Peut-être cependant quelques-unes de ses paroles, mal comprises des premiers chrétiens, ont-elles contribué, sous l’action d’idées et de sentiments où Jésus n’était pour rien, à former l’état d’esprit que les écrits apostoliques nous révèlent touchant la parousie. Cet état d’esprit lui-même n’a pas laissé de traces certaines dans les évangiles sj-noptiques, sauf peut-être de très légères en S. Matthieu et dans le sens que nous avons précisé plus haut.

Il reste simplement ceci, que Jésus n’a pas cru nécessaire de mettre au point, par des déclarations précises et tout à fait claires, les préoccupations eschatologiques de ses disciples immédiats. En même temps que certaines de ses paroles semblent destinées à calmer et pour ainsi dire à déconcerter leur impatience, d’autres sont de nature à entretenir et à aviver leur espérance. L’on dirait qu’il s’est appliqué à les mettre dans une complète et vive incertitude touchant la date, lointaine ou toute proche, de son retour, multipliant à la fois les appels à la vigilance et à la fidélité. Il y a longtemps que les commentateurs catholiques ont insisté sur la sagesse de cette conduite de Jésus et sur les avantages qu’elle offrait pour l’Eglise. Un exégète anglican, M. F. C. Bur-KiTT, a repris récemment ce point de vue et montré l’infiuence bienfaisante que l’espérance eschatologique a exercée dès l’origine et continue d’exercer sur les destinées et sur la vie intime de la communauté chrétienne (rZ/e EscliatologicaJ Idea in the Gospel, dans Essays on Some Bihlical Questions of the Dur, hy Memhersoj the University of Cambridge, editedby H. B. SwETE, London, 1909, pp. 196-2 13). Mais ces

sortes de considérations ne sauraient rendre acceptables à nos yeux ni l’hypothèse d’après laquelle Jésus lui-même se serait imaginé que la parousie était vraiment prochaine, ni l’interprétation escliatologique de l’enseignement et du ministère de Jésus que M. Burkitt adopte et s’efforce de justifier (cf. F. C. Burkitt, The Pavahle of the Wicked llushandmen, dans les Transactions of the third international Congress for the History of Religions, Oxford, 1908, tome II, pp. 321-828). Sans doute la théologie libérale allemande a tort de prétendre expurger l’Evangile de toute notion eschatologique ; mais c’est un autre excès que de n’y plus voir que de l’eschatologie. La solution catholique, plus mesurée, est la seule qui rende compte de tous les faits.

IV. Bibliographie. — Les Pères et les anciens commentateurs se répartissent, par rapport au problème qui fait l’objet de cet article, en trois groupes principaux. Les uns le suppriment radicalement par une interprétation spirituelle et allégorisante des textes eschatologiques (Alexandrins). D’autres, se plaçant à un point de A’ue pratique, inclinent à voir dans les conditions historiques de leur propre époque la réalisation des prédictions de Jésus, et reprennent les formules de l’Evangile, mais en substituant comme point de départ le siècle où ils vivent à celui de Jésus. Cette adaptation historique de l’eschatologie évangélique se rencontre, à l’état pîiis ou moins systématique, chez un grand nombre de Pères et d’anciens auteurs. Enfin un troisième groupe maintient avec clairvoyance et fermeté le caractère eschatologique des paroles de Jésus et en reporte l’accomplissement dans un avenir inconnu. Ces commentateurs répètent à l’envi le mot de la II" Pétri.

« Devant leSeigneurunjour est comme mille ans et

mille ans sont comme un jour. » Cette manière de voir a trouvé son expression classique dans les lettres bien connues de S. Augustin à Hesychius (MiGNK, P. L., XXXIII, col. 899-925 ; Epist., CDXLvu, CDXLviii, cDXLix). — Lcs travaux catholiques récents qu’il est indispensable de consulter ont été cités au cours de l’article. On lira encore avec fruit les Commentaires catholiques publiés depuis unetrentained’années et dont il est superflu de donner la liste ici. — Parmi les publications protestantes, indépendamment des ouvrages déjà cités, je signalerai comme offrant le plus d’intérêt : Adams Browx, Parousia dans le Dictionary ofthe Bible deHastings, III, col. 674-680, 1900, Edimbourg (interprétation allégorisante) ; H. B. Siiarman, The Teaching of Jésus about the Future, according to the Synoptic Gospels, Chicago, 1909 (interprétation historique) ; Sh. Mathews, The Messianic Ilope in the.Ve »’Testament, 1906 (insiste sur le rôle bienfaisant des croyances eschatologiques). Il est bien entendu qu’en signalant ces ouvrages, je n’entends nullement recommander en bloc leur doctrine. Les articles de M. von Dobschiitz cités au cours de ce travail viennent d’être publiés en volume : The Eschatology of the Gospels, Londres, 1910. Sur l’usage et sur le sens du mot parousie (= ; venue, arrivée) dans la /.nivr, , cf. A. Dkissmann, I.icht vont Osten, 2" et 3<’éd. 1909, p. 278 ss.

A. Lkmonnyer, O. p.