Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/967

Cette page n’a pas encore été corrigée

191^

FIN DU MONDE

1918

tre dans I Tim., vi, 14-15, une nuance d’hésitation ou de réserve.

Au début de son ministère (I JA., iv, ib-i’j ; I Cor., XV, 51-53), les tenues employés par S. Paul révèlent, sans qu’il y ait toutefois d’affirmation directe, qu’il nourrit l’espoir d’être lui-même, avec l’ensemble de ses correspondants, témoin de la parousie. Cependant, à aucun moment, il ne considère l’avènement tant désiré du Seigneur comme vraiment imminent, et il proteste contre des propos en ce sens qui circulaientparmises chrétiens et que l’on prétendait venir de lui. La parousie, déclare-t-il, ne saurait se produire tant que certains événements ne se sont pas accomplis : la manifestation de l’Antéchrist et préalablement la disparition de l’obstacle qui, jusqu’à nouvel ordre, lui barre la route. Il est vrai que S. Paul, considérant le cours des choses avec cette nuance de pessimisme qui a été signalée plus haut, croit découvrir que « le mystère d’iniquité » dont l’entrée en scène de l’Antéchrist marquera le point culminant, est déjà en activité. Mais il ne semble pas qu’il sache rien de précis sur les phases ultérieures de l’évolution que doit suivre la crise commençante. On dirait même que cette évolution n’aura pas de lien visible, reconnaissable. avec la parousie, au sujet de laquelle, malgré l’existence d’événements avant-coureurs, S. Paul se borne à redire le mot que nous lisons dans les sj’uoptiques : « Vousmêmes, en effet, vous savez très bien que le jour du Seigneur doit venir tel qu’un voleur dans la nuit… «  (1 Tli., x, 2). La pensée de l’apùtre ne semble pas très cohérente en cette matière de la parousie et l’on pourrait en relever d’autres indices.

Nous n’avons donc, en Un de compte, pour déterminer la nature précise, dans l’esprit de S. Paul, de cette proximité de la parousie, que l’espoir qu’implicitement il exprime (I Th., vi, 15, 17 ; I Cor., xv, 51, 53) d’être encore du nombre des vivants, de même que l’ensemble de ses correspondants, lorsque se produira l’avènement glorieux du Seigneur. Mais dès l’époque de la seconde lettre aux Corinthiens, si le désir qu’il en a subsiste toujours aussi vif et aussi profond, son espérance fléchit du moins en ce qui le regarde personnellement (II Cor., v, i-io). Plus tard, dans la lettre aux Philippiens, il envisage l’hypothèse d’une mort prochaine comme possible et cette mort elle-même comme désirable à certains égards (Philip., i, 19-26 ; 11, 17, 23). Enhn dans la seconde lettre à Timothée, il se juge parvenu au terme de sa carrière terrestre et tout proche de sa fin (I Tim., IV, 6 s.). Il n’est plus question d’assister vivant à la parousie. Et ce cliangement s’est accompli dans les idées et dans les sentiments de l’apôtre sans que nulle question i^araisse s’être posée de ce chef devant son esprit, sans que ses convictions chrétiennes aient subi le moindre ébranlement. C’est donc qu’il n’avait aucune garantie sur ce point, qu’il ne savait rien de certain et qui lui vînt de source autorisée : enseignement liistorique de Jésus, tradition ferme de la communauté primitive ou révélation personnelle. Ce n’était donc qu’une espérance fondée sur une conjecture.

Le D TiLLMANN (oj). laud., p. ii’j s.) semblefaire une différence entre l’espérance peu assurée que S. Paul aurait eue d’être lui-même du nombre des vivants lors de la parousie et la conviction notal)lement plus ferme où il aurait été fine, dans l’ensemble, les chrétiens par lui con^ ertis seraient témoins de cet heureux événement. On pourrait alléguer à l’appui de cette manière de voir que S. Paul, même après avoir à peu prés perdu toute espérance personnelle, n’en continue i)as moins d’annoncer comme auparavant la parousie prochaine (liom., xiii, i i-14 ;

Philip., IV, 6, etc.). Mais je doute que ce fait soit probant, à en juger par ce que nous avons rencontré dans les écrits des autres apôtres. Déplus, des indices positifs pourraient être relevés qui tendent à établir que S. Paul n’était sûr de rien, pas plus en ce qui concerne ses chrétiens qu’à l’égard de lui-même. On sait, par exemple, que, pour l’apôtre, ceux que la parousie trouvera vivants, ne passant pas par la mort, n’auront pas à ressusciter. Ils seront simplement

« transformés » (I Co/-., xv, 50-54 ; Cf. Prat, op. laud., 

p. 193 s.). Comment se fait-il donc, s’il tient fermement que ses correspondants, dans l’ensemble, sont destinés à voir la parousie et donc ne mourront pas, qu’il leur isrésente en maints endroits la résurrection comme l’objet d’une commune espérance ?

Peut-être jugera-t-on que le passage bien connu, I Cor., Ali, 25 ss., vient singulièrement accentuer et renforcer les vues émises dans I Th., iv, iS-i’j ; I Cor., XV, 5 1-53. S. Paul y conseille — ce n’est pas vm ordre — aux Corinthiens de demeurer dans la condition où ils se trouvent, de ne point contracter mariage s’ils sont encore libres, s’ils sont mariés de vivre comme s’ils ne l’étaient pas, et ainsi de suite, parce que « le temps est court » et que « la fig.re de ce monde est en train de passer >>. C’est la proximité de la parousie qui, de son propre aA eu, lui inspire ces conseils très précis et importants. Ne doit-on pas en conclure qu’il devait se juger très sûr, non pas seulement de la proximité générale de la parousie, mais de l’intérêt tout à fait pratique et personnel qu’offrait pour ses correspondants le fait de cette proximité, et donc qu’il les croyait fermement destinés à en être les heureux témoins ? Je ne le pense pas. Ildoit être bien entendu tout d’abord que S. Paul professe pour le célibat une estime parfaitement indépendante de toute considération de la parousie prochaine, et E. Aon Dobschiitz se fait un devoir de le reconnaître (Transactions, etc., II, p. 314 s.). De plus, nous avons déjà rencontré dans les épitres de S. Jean, de S. Pierre et de S. Jacques des conseils analogues motivés par la perspective du prochain avènement du Seigneur, et cependant nous avons cru apercevoir que leur sentiment touchant le fait et surtovit la nature de cette proximité était très peu assuré. L’état d’esprit de S. Paul ne devait pas différer sensiblement du leur.

Observons en terminant que S. Paul ne nous fait connaître nulle part avec précision les sources où il a puisé les opinions eschatologiques que nousvenons de rapporter. Il ne fait aucune allusion à des révélations personnelles qu’il aurait reçues sur ce sujet. Dans I Thess., iv, 15, il déclare bien parler h)d-/u KufJcj. Mais outre que l’autorité invoquée ne saurait, en aucun cas, garantir 1 espérance où il est d’assister vivant à la parousie, espérance dont l’expression est purement implicite et n’appartient pas à la substance doctrinale de I Th., iv, 10-17, il est assez difficile de dire ce que signifie ici « sur la parole du Seigneur », ’( en me fondant sur l’enseignement du Seigneur ». S’agit-il d’un logion particulier qui ne nous aurait pas été conservé par les évangélistes, ou bien de l’ensemble de la doctrine historique de Jésus ? Et si l’on retenait cette dernière liypolliése.quiest assez vraisem])Iable, il faudrait se rappeler que S. Paul n’a pas été le disciple personnel de Jésus pendant sa vie mortelle, que, pour beaucoup de choses, il n’a connu l’enseignement du Maître que par l’intermédiaire de la tradition et que la communauté primitive, en matière d’eschatologie, semble s’être laissée entraîner à joindre ses conjectures personnelles et l’expression de ses espérances à la doctrine qu’elle avait reçue de son Fondateur. Nous avons ici comme la contre-épreuve de l’hypothèse énoncéeà propos du Quatrième Evan-