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FEMMES (AME DES)

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tés à celui des décès. C’est la fin de la famille, la fin de la patrie. Et c’est justice, car jamais on ne viole impunément les lois divines.

Une nation n’est pas un produit de fabrique humaine, et vainement on tenterait de substituer une organisation arbitraire à celle que régissent des principes et des lois d’ordre supérieur à l’humanité. Or le progrès du monde naît au foyer et la société a un besoin absolu de la famille. L’Etat s’offre à remplacer celle-ci, mais ses services sont ruineux pour tous et, pour un tel rôle, il n’a ni vocation ni compétence. Il faut donc, si l’on veut releverla France, fortifier la famille là où elle n’est qu’ébranlée, la reconstituer si elle est détruite. Pareille œuvre ne saurait se faire sans l’aide delà religion. C’est l’éducation d’un peuple à refaire ; or, en matière d’éducation, qu’il s’agisse de nations ou d’enfants, il faut toujours en revenir à Dieu.

Henry Taudière.


FEMMES (AME DES). — Une légende opiniâtre veut que le concile de Màconait délibéré sur la question de savoir si les femmes avaient une âme, et même qu’il la leur ait formellement refusée. On va voir ce qui en est.

Il s’agit du deuxième concile de Màcon, en 585. Saint Grkgoire dk Tours (Historia Francorum, VIII, xx) raconte en ces termes un incident qui s’y produisit.

a II y eut dans ce synode un évêque qui disait que la femme ne pouvait pas être appelée homme (homo). Cependant il se tint tranquille lorsque les évêques lui eurent fait entendre raison, en alléguant le passage du Vieux Testament qui dit qu’au commencement, quand Dieu créa l’homme, « il les créa mâle et fenelle et leur donna le nom d’Adam r> (Gènes., v, 2) ce qui veut dire homme de terre, appelant ainsi du môme nom d’Iiomo la femme et l’homme. D’ailleurs Notre-Seigneur Jésus-Christ est aussi appelé le Fils de l’homme, parce qu’il est né de la Sainte Vierge, qui est une femme. Lorsqu’il changea l’eau en vin il lui dit : Femme, qu’j- a-t-il entre toi et moi ? Elucidée par beaucoup d’autres témoignages, cette question fut ainsi assoupie. »

Tel est l’unique témoignage par lequel nous connaissions l’incident. Les actes du concile de Màcon, qui sont conservés et qui se composent de vingt canons (Sirmond, Concilia Galliae, t. I ; Maassen, Concilia, t. I, p. 163 sqq., dans Monumenta Germaniæ historien, collection in-^"") se rapportant aux plus importants devoirs des fidèles et du clergé, n’y font pas la moindre mention. Il est manifeste que ce n’est pas au concile même, mais dans des conversations privées en dehors des séances, que la question aura été discutée. Un seul évêque a contesté à la femme le titre de liomo, mais, convaincu par les arguments de ses collègues, il n’insista pas et tout fut dit.

Nous pourrions donc clore ici l’article relatif au débat du concile de Màcon sur l’àme des femmes, s’il n’était essentiel de montrer par un exemple saisissant comment se forment les légendes, surtout celles qui calomnient l’Eglise. Conmie on le voit par Grégoire de Tours, la difficulté soulevée par un évêque anonyme était d’ordre granmiatical et non tliéologiquc. Pour la bien comprendre, il faut se rappeler certains faits linguistiques. Tandis que le français, comme les autres langues néo-latines, ne possède pas de terme générique pour désigner tous les individus humains sans difi’érence de sexe, et se voit obligé de reprendre celui des deux termes spécifiques qui désigne l’individu mâle (homme), le latin, comme le grec et comme l’allemand, possède, outre les deux termes spécifiques ( » //, femina, — kvï ; « , yjvr, , —

mann, ivelh), un terme générique désignant tout individu appartenant à l’espèce humaine (liomo, y.jOp’ji-r.’ : i. mensch). L’existence de ce ternie générique est un avantage pour les langues qui le possèdent : il augmente la clarté, empêche la confusion et facilite la discussion philosophique et théologique.

Seulement, il arrivait en latin qu’on ne gardât pas toujours au mot homo son sens générique et qu’on l’employât pour désigner, tantôt un personnage masculin, tantôt une femme. De la première de ces deux acceptions les exemples sont tellement nombreux qu’il est inutile d’en citer ; de la seconde, au contraire, ils sont relativement rares, si rares qu’on pouvait, à première vue, les considérer comme des exceptions. (CicÉROX, Pro Cluent., lxx ; Ad Familiares, IV, v ; Ovide, Fast., V, 620 ; Juvénal, VI, 282 ; Pline, Hist. Nat., XXVIII, IX, 33.) Les grammairiens latins toléraient cet usage, mais ils n’admettaient pas que dans ce cas on allât jusqu’à donner au mot homo le genre grammatical féminin.’( Hères, parens, homo, écrit Charisius, etsi in communi sexu intelligantur, tamen masculino génère semper dicuntur. Nemo enim aut secundam heredem dicit aut bonam parentem aut malam hominem, sed masculine, tametsi de femina habeatur. » (Dans Keil, Grammatici latini, t. I, p. 102.)

Les écrivains latins du haut moyen âge ont plus d’une fois fait usage de la liberté accordée par Charisius. Grégoire de Tours, Hist. Franc, IX, xxvi, écrit en relatant une visite faite par lui à Ingeberge, veuve duroi Charibert : Accessi, fateor, vidi hominem timentem Deum, qui ciim me bénigne excepisset, etc. (Voir encore le même,.l/j>ac..l/ariZ/i/, ll.xxx ; Leblant. Inscriptions chrétiennes de la Gaule, t. II, p. 515, n° 6^1 ; Vitu sanctæ Gertrudis, III, 12, dans Acta sanctorum, 17 mars, p. 697, n" 12 ; Vita sanctae Julianæ dans le même recueil, 5 avril, p. 4(^7^.) Le langage féodal, dans lequel le mot homme est synonyme de vassal, devait particulièrement favoriser l’acception dont il s’agit ; aux chartes françaises de 1226 et de 1241, citées par moi dans la Revue des questions historiques, t. LI, p. 558, note 2, j’en puis ajouter plusieurs autres ; v. Molanus, Historiæ Lovanienses, ï, l^, éd. de Ram, t. I, p. 170 (quod mulieres sint ctiam homines sancii Pétri) ; Duvivier, La querelle des d’Avesnes et des Dampierre, t. II, p. SgS {Sire, si vos requier com vostre cousine et vostre hom, écrit la comtesse Marguerite de Flandre à S. Louis) ; Chronique artésienne, éd. Funck-Brentano, p. 2 (jou contesse estoie hom mon seigneur le rov).

On voit maintenant sur quoi portait l’observation de l’évêque dont parle Grégoire de Tours. Il protestait contre un usage rare, sans doute, mais néanmoins autorisé, qui consistait à employer le mot /iomopour désigner un individu du sexe féminin. Lorsqu’on lui eut montré, jiar des exemples tirés de l’Ecriture sainte elle-même, que sa critique n’était pas fondée, il la retira et l’incident n’eut pas d’autres suites pour lors. Les modernes qui ont voulu lui en donner auraient été bien avisés si, avant d’attribuer une monstruosité et une absurdité à un concile, ils avaient jiris la peine de se renseigner. On peut dire la même chose des écrivains catholiques qui ont été assez impressionnésparlalégendepour en garder une partie, admettant, par exemple, que l’évêque en question ait dénié uiu » âme aux femmes, mais proclamant qu’il resta seul de son avis.

Godefroid Kurth.


FERRER (AFFAIRE). — I. Antécédents de Ferrer. — II. Evénements de Barcelone. — III. Part ticipation de Ferrer. — IV. Jugement et exécution.