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l’àme de l’enfant ; il abuse de son autorité s’il entrave une vocation nettement et moralement reconnue.


Section II. — La famille dans l’iiistoirb

Les limites nécessairement étroites de cette étude nous obligent à ne donner qu’un aperçu très sommaire de la famille dans le passé. Quoique très résumés encore, nos développements auront un peu plus d’ampleur quand nous l’envisagerons aux temps modernes.

§ I. La famille dans Tantiquité

A. Généralités. — A s’en tenir à la période historique où la 07e (sinon l’Etat, dont les peuples anciens n’ont pas eu la notion) est déjà constituée à côté et au-dessus du groupe familial, tous les peuples dont les institutions nous sont connues ont réglementé la famille pav une sorte de droit religieux distinct de la législation ordinaire et respecté par elle. Partout, sauf à Sparte où, dès leur 7* année, les enfants sont attribués à l’Etat, l’autorité du père est reconnue et consacrée, tout en variant comme durée et intensité d’énergie suivant les peuples. En Judée, à Athènes, en Egypte, la Cité intervient pour limiter les droits du père sur son fils qui, tenu à tout âge, sous des sanctions sévères, à des devoirs de respect et de déférence vis-à-vis de son auteur, peut être puni et corrigé, mais non mis à mort, fût-ce dès sa naissance, par celui-ci, et acquiert, sa formation étant achevée, une personnalité distincte avec des droits et un patrimoine indépendants. En Chine au contraire et, vraisemblablement, chez les peuplades italiotes et étrusques, ancêtres de la nation romaine, l’omnipotence du père est consacrée avec un caractère de rigidité et de perpétuité que seules les mœurs tempèrent sous l’influence religieuse. Le chef de famille, dont la personnalité absorbe celle de tous les autres membres, compose le groupe à son gré par des admissions et des expulsions arbitraires : la famille légitime ne se forme plus par les liens du sang, mais par le placement sous une même puissance, et son chef est, sa vie durant, maître des personnes et des biens, pontife et juge souverain avec droit de vie et de mort sur ses subordonnés. La Cité, simple fédération de familles, respecte et consacre cet état de choses.

Presque nulle part, la loi n’attribue de droits à la mère, dont en fait, cependant, en Egypte notamment, l’influence était considérable. C’est que le mariage, bien que perfectionné de plus en plus comme institution, ne mettait nullement la femme sur un pied d’égalité par rapport à son mari. Ce fut souvent l’asservissement rég-ulier et légal du sexe faible, tel le mariage oriental avec la polygamie et la répudiation toujours admises, et il y avait là déjà un progrès sur la promiscuité brutale ou la sei-vitude complète de la femme : le mari n’a pas absolument tous pouvoirs sur ses épouses et celles-ci sont quelque peu protégées au point de vue matériel, sinon moral. Ailleurs le mariage monogame est fondé, mais la situation de la femme demeure inférieure : enfermée dans la maison du mari comme dans une prison perpétuelle, elle ne dispose ni de ses biens ni de sa personne, car le mari, libre d’ailleurs d’avoir une concubine, peut toujours la céder à un parent afin d’assurer la perpétuité compromise de la famille. Ainsi, sauf en Judée et peut être en Egypte, l’adultère est encouragé, imposé même par les mœurs. Quant au divorce, il est partout admis, même, dans certaines limites au moins, par la loi mosaïque.

Les origines lointaines de la nation française se rencontrent d’une part dans le peuple romain et de

l’autre chez les Germains. Examinons donc les lois et coutumes de ces deux races relativement à la famille.

B. La famille à Rome. — Fondée si^r la religion, maintenue dans une rigide unité par une pensée politique, la famille romaine repose sans doute sur le mariage régulier, les justæ nuptiae, n^ais elle ne tient pas compte de la filiation naturelle : le lien du sang n’est ni nécessaire, ni suffisant, pour établir la parenté juridique. La parenté par les mâles, seule reconnue par la loi, se confond avec la soumission au maître de la maison, qui conq)ose la famille comme il l’entend, y admettant des étrangers par des procédés artificiels, l’adoption par exemple, en excluant ses enfants légitimes, soit, à leur naissance, soit même plus tard par l’émancipation. C’este paterfamiliasquiincame dans sa personnalité celles de tous les autres membres du groupe, et il est non cekii qui engendre, mais celui qui commande. La palria potestas le fait prêtre, administrateur et magistrat absolu dans cette agglomération d’individus. Comme prêtre chargé de maintenir le culte domestique dans son intégrité, il préside aux cérémonies consacrant les modifications qui se produisent dans la composition de la famille, il conclut et brise discrétionnairement les mariages de ceux qui lui sont soumis. Comme administrateur, tous les biens lui appartiennent en propre, et il a même sur ses enfants un droit de quasi possession, il peut les vendre ouïes donner en gage, louer leur travail à autrui ; le fils de famille, pleinement capable en droit public, est frappé d’incapacité complète dans le domaine du droit privé. Il est enfin magistrat domestique, et tout conflit entre personnes de la famille relève de lui seul, comme aussi, seul, il a le droit de punir tout acte répréhensible commis par l’une d’elles, de la frapper dans sa capacité juridique en la vendant comme esclave ou dans sa personne physique en la condamnant au besoin à mort. Le contrôle de la Cité est nul sur l’exercice de cette autorité, non seulement absolue, mais perpétuelle, si ce n’est dans l’ordre moral, sous forme de surveillance de la part du censeur dont le blâme officiel atteindra le père coupable soit de dureté, soit de faiblesse excessive, dans la direction desafamilia. En outre, la coutume exigeait la réunion d’un tribunal composé de parents et d’amis pour l’exercice par le pater du divorce ou du jus’t’itæ necisque.

A la puissance paternelle si fortement centralisée la mère n’a aucune part. La monogamie est, il est vrai, consacrée par la loi, et le divorce répugne aux mœurs ; le mariage est défini : « consortium omnis vitae, individuæ vitæ consuetudo, dis’ini et humani juris communicatio ». La matrone romaine, loin d’être l’objet d’une claustration injurieuse, est à son fojer entourée d’une grande considération si elle demeure à la hauteur de ses devoirs. Mais, en somme, le divorce, quoique rare en pratique, est légal, et le mari est libre d’avoir une concubine. De plus, à raison même de son sexe et d’après l’idée antique d’une infériorité intellectuelle par rapport à l’homme, la femme romaine est tenue pour incapable. Si elle se marie, elle ne cesse d’être sous la puissance de son pater onde ses propres agnals que pour tomber sous celle de son mari ou du^a^er de celui-ci, loco fîliæ ; si elle a avec ses enfants un lien de parenté civile, c’est à titre de sœur. A Rome, la famille ne se conçoit qu’issue des justæ nuptiæ et régie par la patria potestas à laquelle la femme ne participe jamais.

Telle est du moins la conception primitive qui, au cours des âges, subit de profondes modifications. Les mœurs devinrent détestables au contact de l’Orient vaincu. Le célibat égoïste sévit, comme une plaie sociale, dans toutes les classes, et d’autre part ladépra-