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ÉVOLUTION (DOCTRINE MORALE DE L’)

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trouvera dans les hommes des collaborateurs conscients.

II

Appréciatiox

Ce n’est pas l’endroit de dégager les vérités partielles et les hypothèses plausibles qui entrent dans

! a synthèse évolutionniste. Bornons-nous à montrer

ijue bases, généalogie, code, aucun des points de la théorie morale des évolutionnistes n’est satisfaisant.

A) Les Postulats de l’Evolutionnisme. — L’armature du système est faite de i)ostulats sans preuve et même, en plus d’un cas, contraires à des faits constatés : ce qui, chez tout philosophe, est un péché mortel, et chez des positivistes doublement mortel.

Qui a démontré que toute la réalité est constituée par une seule force, et que le monde n’est pas l’œuvre d’un créateur personnel ? Premier postulat : le monisme.

Qui a démontré le passage graduel et naturel de la matière organique à la matière organisée et vivante ? Deuxième postulat : la génération spontanée.

Qui a démontré que l’homme, avec ses idées et ses sentiments, n’est qu’un dérivé de l’animal et qu’il n’y a d’autre difTércnce entre mon chien et moi que quelques degrés de complication ? Troisième postulat : identité d’origine et de nature en l’homme et l’animal.

En 18g5, Brunetière écrivait : « La descendance de L homme, de Darwin, ou IJ Histoire naturelle de la Création, àvi professeur Hæckel, ne sont de leur vrai nom que des romans scientiliques… Il n’est pas prouvé que Thomme descende de l’animal. « (Questions actuelles, p. 152. — Cf. le petit ouvrage du marquis de Xadaillac : L’Homme et le Singe, et deux articles de l’abbé Clodius Piat sur l’Intelligence du Saunage et de l’Enfant, dans lîevue pratique d’Apologétique, ib’]ù.. et i" août 1910.)

Qui a démontré que les peuples dits sauvages sont des primitifs, tout proches encore de l’animalité ? Voilà un quatrième postulat. Mgr Le Roy, avec l’autorité d’un missionnaire qui a vécu vingt ans au milieu des Bantous, écrit à l’adresse de Salomon Reinach :

« Ces primitifs ou ces sauvages qu’il vous

faut n’existent nulle part. » (La Religion des Primitifs ^ p. 430.)

Quia démontré que toutes choses s’enchaînent inflexiblement, qu’il n’y a de liberté ni à l’origine, ni dans le gouvernement du monde, ni dans les destinées individuelles ? Cinquième postulat : le déterminisme universel.

Qui a démontré, enlin, que le progrès sera indélini ? Si on se place au point de vue des commodités de l’homme, on ne songe point à contester la réalité du progrès dans la formation des mondes, dans l’aménagement de la terre, ni même dans les idées et les mœurs ; mais le mouvement commencé durerat-il ? Le lendemain est-il garanti ? Je l’entends bien, à défaut du ciel, la croyance au progrès est nécessaire, je n’agis pas si mes actes tombent dans le vide ; l’idée de progrès est l’âme même de la morale évolutionniste, mais est-elle exacte ? ni le panthéisme ni le matérialisme ni l’agnosticisme ne m’autorisent à le croire, seule m’en donnerait le droit la crojance à un Dieu sage, puissant, ami des hommes et veillant à leur bonheur.

Guyaii résiste comme Spencer, comme Hæckel, comme Renan, et se réfugie dans l’optimisme les yeux fermés : « Je suis l)ien sur ([ue ce que j’ai de meilleur en moi me survivi-a. » Voilà un acte de foi aveugle ; des perspectives très différentes restent ouvertes.

Peut-être l’humanité, privée des doctrines morales qui l’ont excitée et soutenue, retournera-t-elle à la barbarie ? Renan lui-même, à certaines heures, le redoutait :

« Ce qu’il y a de grave, c’est que nous n’entrevoyons

pas pour l’avenir, à moins d"un retour à la crédulité, le mojen de donner à l’humanité un catéchisme désormais acceptable. Il est donc possible… qu’un abaissement réel du moral de l’iiumanité date du jour où elle a vu la réalité des choses… Je le dis franchement, je ne me fig.re pas comment on rebâtira, sans les anciens rêves, les assises dune vie noble et heureuse. » (L’Avenir de la Science, p. 18 et 16 des Dialogues et fragments philosophiques. Il faut savoir entendre le langage de Renan : ce quil qualifie crédulité, rêves, est pour nous vérité.)

Mettons les choses au mieux. Les hommes continuent leurs progrès scientifiques et leur amélioration morale, il reste que notre fragile planète est dépendante de mille forces redoutables. Demain, peut-être, quelque dérangement imperceptible, sui-venu dans une partie de l’immense uni^ ers, troublera les mouvements de noire système. Que de catastrophes possibles ! dans un clin d’œil toute notre civilisation peut être mise à néant. Nos Louvres, nos musées, nos bibliothèques, nos savantes machines, et nous-mêmes, il suflirait d’un choc, somme toute bien minime eu égard aux énergies incalculables qui agissent dans le momie, pour tout pulvériser. « Adveniet dies dominiut fur : in quo cæli magno impetu transient, elementa vero calore solvenlur, terra autem et quae in ipsa sunt opéra exurentur. » (.S’. Pierre, WEp., iii, 10.) Je voudrais bien savoir au nom de quelles certitudes les plus déterminés partisans du progrès indéfini écartent de telles éventualités.

Il y a mieux encore. Supposons que l’univers suive son cours naturel, le progrès indéfini nen serait pas moins une chimère. Nos physiciens et nos astronomes prévoient une époque où manqueront les conditions nécessaires de la vie. « Nous devons envisager, non comme prochaine assurément, mais comme inévitable la mort du soleil en tant que soleil. La vie végétale et animale se resserrera de plus en plus vers l’équateur terrestre… Réduit désormais aux faibles radiations stellaires, notre globe sera envahi par le froid et les ténèbres de l’espace… » (Cf. H. Faye, Sur l’origine du monde. ie signale tout le chapitre xv, sur les conditions de la vie dans l’univers et la fin du monde actuel.)

Les individus meurent, la race elle-même mourra ; qu’elle soit broyée tout à coup ou lentement anémiée, peu importe, elle mourra ; et dans ces conditions prophétiser le progrès sans fin est une fantaisie poétique, un aveuglement ou une ironie. Si les évolutionnistes y croient sérieusement, comme il parait à les lire, ne font-ils pas preuve de plus de crédulité que d’esprit scientilic^ue ? Ils accordent, sans raison et contre la raison, leurs doctrines avec leurs désirs. Après cela, qu’ils se fassent gloire de leur agnosticisme et de leur prudence intellectuelle, et qu’ils raillent notre métaphysique ! (Le lecteur trouvera des vues intéressantes sur limpossibililc du progrès perpétuel dans Clodius Piat : L^hilosophies de l’intuition, p. 210-224, et : La Morale du bonheur, p. 18-24. Ce n’est pas non plus, sans profit qu’on liralespp. 34-48 deGuiBEHT, dans : Les Croyances religieuses et les Sciences de la nature. — Cf. aussi Albert ue Lai’Pahent : La Destinée de la Terre ferme. On y lit page 50 : « La seule action des forces actuellcmcnl à l’œux re, si elle pouvait se i » rolonger sans obstacles, sullirail pour entraîner, dans un intervalle de temps peu durèrent do 4 millions d’années, la disi)arition totale de la terre ferme. ») Oue toutes ces assises sont vacillantes ! Nous