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ÉVÉQUES

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chaque série d’éi’éques) et dans chaque ville, la foi est conforme à la doctrine de la Loi, des Prophètes et du Seigneur.

L’importance de cet extrait d’Hégésippe n’échappera à personne. Il y certifie formellement qu’il dressa la liste des évêques de Rome dès le pontificat d’Anicet, qui régna, à un ou deux ans près, de 155 à 166.

On a ])ien révoqué en doute l’authenticité des paroles d’Hégésippe au sujet de la liste épiscopale de Rome. Selon quelques-uns, il faudrait lire : « Stv.rptli>, v kT.oi.r.-7’y.ixYy : je fis unséjouru^, si bien qu’Hégésippe aurait parlé de son séjour à Rome, et aucunement de liste épiscopale dressée par lui. Mais il reste certain qu’Hégésippe a bien écrit : rîvsys-.î ; h Pwyyj, OMÔoyy.v t-rryir.ic/./xr.v fiéypti Avoc/iTîj, et que ces paroles doivent s’entendre de la composition d’uncatalogue épiscopal. (On peut tromer les réponses aux objections du D Harnack dans ma dissertation sur l’Origine de Vépiscopat, p. Sog.)

Hégésippe portait son attention sur l’unité de la foi. C’est pour s’édifier dans la vérité qu’il avait entrepris la visite des églises. L’intégrité de la doctrine était garantie par la succession des évêques, principalement par celle de Rome, but suprême de son voyage ; aussi était-ce auprès des évêques, qu’il s’enquérait de la foi des communautés ; dans chaque succession, auprès de chaque siège épiscopal et dans chaque ville, il retrouvait intact le dépôt de la révélation.

Les mêmes préoccupations se retrouvent chez Iré-NÉE. Comme Hégésippe, il considère les évêques, principalement ceux de Rome, comme les porteurs de la tradition divine. C’est par la succession apostolique des évêques qu’il établit l’unité et l’apostolicité de l’enseignement de l’Eglise. Voici le contexte.

« La doctrine des Apôtres est répandue dans le monde

entier, et quiconque veut connaître la vérité, peut la trouver dans toute l’Eglise. Nous pouvons énumérer ceux que les Apôtres instituèrent évêques et établir la succession des évêques jusqu’à « o « s. Aucun de ceux-là n’a enseigné ni connu de telles absurdités… Mais comme il serait trop long de donner dans ce livre le catalogue de toutes les églises, nous ne considérons que la plus grande et la plus ancienne, l’église connue de tous, fondée et organisée à Rome par les deux très glorieux Apôtres Pierre et Paul. Montrer comment l’enseignement qu’elle reçut des Apôtres et la foi qui fut annoncée aux hommes, est arrivée jusqu’à nous par la successionde ses évêques, c’est confondre tous les dissidents, n’importe lesquels… Car c’est avec cette église et à cause de son autorité prépondérante, que l’Eglise, c’est-à-dire les fidèles du monde entier, doivent être de toute nécessité en communauté de foi. En elle, les fidèles du monde entier ont gardé la tradition reçue des Apôtres. » (Adv. Hæres., III, m.)

Quelle est l’autorité historique de la listeépiscopale de Rome donnée par S. Irénce ? Le livre Contre les Hérésies fut écrit vers 180, sous le pontificat d’EIeuthère ; c’est-à-dire un peu plus d’un siècle, environ cent vingt ans, après la mort des SS. Pierre et Paul. On peut i)lacer la naissance d’Irénée vers 130, i)uisqu’il fut dans sa jeunesse le disciple de S. Poljcarpe martyrisé en 155. Son traité et les quelques extraits qui nous sont restés de ses autres ouvrages fournissent la preuve de sa grande science théologique. Avant de commencer la.réfutation de l’hérésie gnostique, il en expose longuement les divers systèmes. Il connaît bien les Saintes Ecritures ; il cite l’ancienne littérature chrétienne. Sa grande autorité est attestée par son intervention énergique au[)rès de Victor, évéque de Rome, durant la controverse pascale.

Tel est l’écrivain qiii nous garantit l’historicité de la liste romaine. Comment il la composée et à quelle

source il en a puisé les éléments, il ne le dit pas. A-t-il eu sous la main la liste d’Hégésippe ? A-t-il pris connaissance de la liste à Rome même ? Le silence de l’auteur ne nous permet pas de rien affirmer.

Un fait est certain, c’est que l’évêque de Lyon se montre très au courant des traditions, des usages et de l’histoire de l’église romaine (.-itfr. Hær., l, xxvii, 1, 2 ; III, III, 2, 3 ; IV, 3 ; Eus., H, E., , xx, coll. xv, xxix, 10 SS.). Il fait profession d’être en communauté de foi et de doctrine avec elle, et pose en principe que tous les fidèles doivent recevoir de cette église la tradition apostolique. Qui pourrait donc douter que lui-même, ayant entrepris, à la demande d’un de ses amis, de faire une réfutation solide des erreurs, ne se soit mis en peine de puiser la connaissance de la liste à une source absolument sûre ? Il a l’intime conviction que les hérétiques ne peuvent rien objecter contre la succession ininterrompue des évêques de Rome depuis les Apôtres. C’est un fait reconnu par tous à ce moment.

Objections. — Contre l’historicité de cette liste, on objecte 1° que les plus anciens écrits, notamment l’épître de l’église de Rome à celle de Corinthe, la lettre de S. Ignace aux Romains et le pasteur d’Hermas, ne connaissent pas d’évêque à Rome ; 2° que les catalogues anciens ne sont pas d’accord sur certains noms.

Réponse. — 1. A moins d’établir que la mention de la chose s’imposait au cas où elle existait, l’argument tiré du silence n’a pas de valeur probante. Toujours d’ailleurs il disparait devant des témoignages positifs. Trop souvent les conclusions qu’on en tire reposent sur une impression toute subjective. On oublie que l’auteur a eu d’autres préoccupations, qu’il a envisagé les choses à un autre point de vue, qu’il ne veut ni ne peut tout dire.

Ici même, quelle preuve, dans la lettre de S. Ignace, de la prudence avec laquelle on doit se servir de l’argumente silentio ! Elle ne mentionne aucun chef de l’église de Rome, ni évéque ni prêtres ni diacres. Néanmoins nous savons pertinemment, par le témoignage de la lettre de Clément et du Pasteur, qu’il y avait à Rome des 7r/ : £(r3JT£^5t T : pr, ï7Ty.ficjct, des i : T<-zirî(, des diacres. Qu’on donne la raison du silence que S. Ignace garde sur ceux-ci, et la même raison expliquera son silence vis-à-vis de l’évêque.

N’écrivait-il pas, du reste, au même moment, aux églises d’Asie Mineure, que sans l’évêque, les prêtres et les diacres il n’y a point d’Eglise ? Comment a-t-il pu décerner tant d’éloges à l’église de Rome et lui reconnaître l’autorité de la présidence (titre, et iii, 1), si elle n’est pas même gouvernée par un évoque, à ses yeux l’unique centre de toute la vie chrétienne et le chef des fidèles et des ministres ?

Puis pour l’épître de Rome, dès le second siècle les écrivains l’attril^ient à Clément parce qu’ils reconnaissent en lui révêque de Rome de ce temps. Tels S. Irénée (1. c), Denys, évéque de Corinthe vers i^o, dans sa lettre à l’église de Rome (Eusèbe, //. E.. IV, xxiii, 1 1), Hégésippe (Ib., III, xvi et IV, xxii). D’après Eusèbe, « la tradition est unanime » à lui attribuer cette lettre, si connue par suite de « la coutume très ancienne de la lire en public dans plusieurs églises » (// ;., III, xvi).

Enfin dans le Pasteur d’Hermas « Clément est chargé du soin d’envoyer l’écrit aux villes du dehors » {Vis. II, ’1, 3) : n’avons-nous pas là une allusion à l’autorité et à l’épître de Clément ?

2. Que faut-il penser des divergences dans les listes ? Il est bien vrai que le catalogue « Libérien » ou « Philocalien », rédigé en 35/, , ne donne pas tout à fait le même ordre de succession qu’Irénée et Eusèbe, mais les divergences ne sont ni nombreuses