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EVANGILES CANONIQUES

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toire : l’écrivain s’est visiblement inspiré de considérations apol()f ;  : é tiques dans le choix qu’il a fait de ses épisodes ; il a dû relever, dans les enseignements du Sauveur, ce qui allait mieux à son but particulier, à son goût personnel, aux besoins de ses lecteurs ; et l’on sait que ces besoins étaient nouveaux, notablement diiférents de ceux des premiers jours.

S74. En particulier, notre auteur a pu choisir de préférence, comme convenant mieux aux tendances mystiques de son âme, et s’adaptant plus parfaitement à l’idée qu’il se faisait du divin Maître, les sentences sur l’esprit et la chair, la lumière et les ténèbres, le monde, le jugement, la résurrection, la vie. Mais rien n’autorise à croire qu’il les tire de son propre fond. La plupart de ces expressions, spécialement les antithèses de l’esprit et de la chair, de la lumière et des ténèbres, de la vie et de la mort, sont familières à l’apiitrc saint Paul et se présentent chez lui avec un sjmbolisme beaucoup plus net et beaucoup plus riche ; si notre évangéliste, venu longtemps après, cx*éait librement ses discours, n’aurait-il pas dépassé les tentatives de son devancier ? N’aurait-il pas à tout le moins copié à fond ce modèle ? En réalité, le grand Apôtre n’a fait que suivre l’exemple du Sauveur, transmis par la tradition ; et tout porte à croire que notre évangéliste a reproduit les sentences authentiques du Maître. Il est certain que les Synoptiques offrent nombre de déclarations fort semblables : J/arc, xiv, 38 ^ : = MattJi., XXVI, 4 1 ; V » 1 4 ; xiii, 38 ; xviii, ;  ; Luc, xii, 30 ; xvi, 8 ; Muith., V, 14-16 ; vi, 22-23 ; Luc, xi, 34-36 ; xvi, 8 ; Marc, IX, 42 ; x. 30 et parall. ; Matth., vii, 14 ; xix, 17 ; xviii, 8 ; xxA’, 4(J ; Luc, x, 25, 28 ; etc. On a le droit de supposer que ces sortes de sentences ont été prononcées par le Sauveur en nombre beaucoup plus grand et même ont servi de thème à tel ou tel de ses entretiens.

278. 3° Rapport des idées johanniques avec les idées et les faits postérieurs â Jésus. — La question qui intéresse le plus intimement l’authenticité des discours johanniques est bien celle du rapport entre les idées qui sont attribuées au Christ dans notre document et celles que le Christ de l’histoire a pu avoir dans la réalité. En effet, si l’auteur a composé librement ses discours, il est à croire qu’il les a pénétrés des tendances et des préoccupations propres à un théologien mystique de son temps. C’est ce que prétendent les critiques symbolistes. Voyons si leur prétention est justiliée.

1° Les allusions à l’histoire posté’aiii ; éli(/ue. — Des allusions que l’on prétend trouver à l’histoire du mouvement chrétien oi)éré depuis le Christ, la plupart sont purement arbitraires. C’est, par exemple, de i)arti i)ris que l’on voit, dans i’avengle-né expulsé par les pharisiens, la figure du christianisme naissant excommunié de la synagogue (11° 251) ; dans riiisloire du lils de l’oflicier royal, l’image anticipée de l’évangélisation des Gentils (n° S47) ; dans les épisodes de l’onction et de l’entrée à Jérusalem, des tableaux prophétiques du triomphe de l’Evangile (n" 338-339) ; dans Pierre et Marthe, des types du judéochristianisme ; dans Lazare, Marie de Héthanie, Marie de Magdala, des symboles du christianisme de la gentilité (n° 383).

Les autres, comme celles qui visent la mission, les travaux ou les épreuves futures des apôtres, iv, 38 ; XIII, 36 ; xiv, 12 ; xv, 27 ; xvi, 2 ; xxi, 18, sont analogues à nombre de prédictions synoptiques, et ne pourraient être refusées au Sauveur que dans l’hypothèse, non recevable, où il aurait été convaincu de l’avènement immédiat du royaume et foncièrejuenl ignorant de l’avenir de l’Eglise.

376. 2* Les relations de l Eglise avec l’empire romain et la synagogue. — La tin du i" siècle fut signalée par les persécutions dont l’Eglise fut l’objet de la part de l’empire romain. Il est très remarquable que le quatrième Evangile n’offre aucune allusion tant soit peu plausible à ces persécutions, et qu’au contraire, quand le Sauveur parle des persécutions qui attendent ses disciples, il ne signale que des persécutions juives : xvi, 2.

377. Que penser de l’attitude observée à l’égard de la synagogue ? — Le Christ johannique, dit-on, parle des « Juifs » comme s’ils étaient des étrangers à son égard et à l’égard de ses disciples : xiii, 33 ; xviii, 20, 35, 36 ; cf. viii, 17 ; x, 34 ; xv, 25 ; l’auteur s’attache à faire ressortir l’aveuglement et l’obstination de ces mêmes Juifs, v, 16-18 ; vi, ^i, 53 ; vii, i, 12, etc., à réfuter leurs objections, vii, 15, 27, 4 1-42, 52, etc., à prouver contre eux la messianité de Jésus et la supériorité de l’Evangile, v, 39, 46 ; vi, 32, etc., en se plaçant au point de vue du judaïsme de son temps. Juelu.ueu, op. cit., p. 384 ; Sciimiedel, art. cit., col 2519 ; J. Réville, op. cit., p. 198 ; Loisy, op. cit., p. 515, 854, etc.

Tout cela est loin d’être établi. Il serait d’abord bien étrange que l’évangéliste eût fait parler le Sauveur comme un non-juif : c’eût été se contredire, car ailleurs il lui fait déclarer expressément qu’il est Juif lui-même : iv, 22 ; cf. g. En réalité, Jésus tient le langage qui convient à ses interlocuteurs dans la circonstance ; saint Paul, tout Juif qu’il était, ne parle pas autrement : Act., xx, 19, 21 ; xxv, 10 ; xxvi, 2, 4> 7, ai ; Boni., iii, 9 ; ix, 24 ; I Cor., 1, 22 sq. : etc.

La mobilité d’impressions que l’auteurattribue aux Juifs, la versatilité de leurs sentiments, leur incrédulité obstinée, en face des miracles du Christ, répondent à ce que rapportent les Synoptiques eux-mêmes et convient à l’entourage réel du Sauveur mieux encore qu’aux conte :  ;  ; porains de l’évangéliste, — Quant aux objections tirées de l’origine humaine de Jésus et de sa patrie connue, Nazareth, elles se comprennent elles-mêmes beaucoup moins bien à l’époque de l’auteur qu’au temps du Sauveur et dans son milieu.

378. 3" Les institutions de l’Eglise. — Au dire des critiques symbolistes, les discours johanniques contiendraient une théorie des deux grands sacrements chrétiens, baptême et eucharistie, qui aurait été inconnue du Christ de l’histoire et appartiendrait tout entière à l’évangéliste et à l’Eglise de son temps. Dans cette théorie récente, le baptême chrétien n’est pas seulement un baptême d’eau, mais aussi un baptême d’Esprit, et son ellicacité essentielle est de conférer une nouvelle naissance selon l’Esprit-Saint : III, 5. De même, l’effet essentiel de l’eucharistie est de communiquer la vie du Christ au croyant. Récits et discours contiendraient d’ailleurs maintes allusions aux rites de ces deux sacrements. H. J. IIoltz.MANX,.eutest. Théologie, 1897, t. II, p. 497 H- ; Schmieuel. art. cit., col. 2527 sq. ; J. Réville, op. cit., p. 148, 182 ; Loisy, op. cit., >. 116, 460, etc.

Or, si nous examinons les choses, nous constatons d’abord que les prétendues allusions à la liturgie ecclésiastique sont sans aucun fondement. Il faut un esprit de système peu ordinaire pour trouver une allusion à l’interrogation qui précédait le baptême, dans ix, 35 (cf. n" 251) ; à l’imposition des mains qui l’accompagnait, dansix, 6 ; à l’inlerdicliou de le réitérer, dans xiii, 10 ; une allusion à la pratique des dimanches elirétiens, dans xx, 1, 26 ; à la communion sous les deux espèces, dans xii, 26 ; au ministre auxiliaire de l’eucharistie, dans vi, 9 (cf. u" 349) ; ù la permanence du sacrement, dans vi, 13