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APOCALYPSE

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à l’eschatologie juive, et il sérail en somme peu prudent de le nier, c’est exclusivement, selon la remarque de Bousset, n sa forme extérieure », ses cadres généraux et son imagerie. 4" Quant à l’influence éranienne, à laquelle Bousset, après d’autres, attribue une action beaucoup plus profonde sur l’eschatologie juive et chrétienne, son existence même se heiu-te à une difliculté préalable, qui est fort loin d'être éclaircie, celle de l’ancienneté de l’Avesta et du Zoroastrisme luimême. (Cf. Lagrange, La religion des Perses, la Réforme de Zoroastre et le Judaïsme, igo^.) En résumé deux éléments d’inégale importance ont joué un rôle, à côté de l’activité personnelle de l’auteur et de l’action divine, dans la composition de l’Apocalypse et expliquent les particularités de ce livre : pour une part moindre, des fragments écrits, et pour une part beaucoup plus considérable, la tradition apocalyptique juive.

C’est là du moins ce que les faits semblent suggérer. Mais nous ne pouvons admettre d’une manière ferme cette hypothèse avant d’avoir reconnu, de façon positive, qu’elle est conciliable avec les assertions de l’auteur relatives à l’origine révélée de l’Apocalypse. L’est-elle ? Là encore il est intéressant d’entendre d’abord Bousset. Il écrit : « Tout (dans l’Apocalypse) est-il liction littéraire, ou bien l’auteur est-il vraiment persuadé qu’il a eu ces visions et ces révélations ?… Beaucoup de choses dans le livre, à la vérité, ne sont que fiction litttéraire, procédé d’apocalyptique… Toutefois nous ne devons pas accuser l’auteur de donner comme Aérité qui lui aiu’ait été révélée ses inventions personnelles. Il rapporte une tradition très sainte, d’antiques et mystérieux symboles du temps des ancêtres ; il l’explique et en fait l’application. Il n’a nullement conscience que ce soient là des inventions personnelles. Toute la fiction littéraire consiste en ce que l’auteur donne comme vision personnelle la tradition qu’il s’aj^proprie… ¥A cependant d’autre part, pour ce qui est de l’auteur de notre Apocalypse, je crois qu’il a eu lui-même des visions et qu’il- nous les communique. J’ai peine à me persuader que, par exemple, les premiers chapitres de l’Apocalypse n’ont pas leur origine dans une vision. Je tiens qu’il n’est pas psychologiquement impossible que le voyant ait joint à ce qu’il avait lui-même vu et expérimenté le fonds traditionnel d"oracles consacrés, qu’il ait jeté ses propres expériences dans les formes que lui livrait la tradition, bien plus qu’il les ait vues dans la forme même fixée par la tradition. » Ces considérations, on ne peut le nier, trahissent un respect sincère pour l’auteur de l’Apocalypse, le souci de conserver un sens Arai à ses déclarations et surtout de le justifier lui-même de les avoir faites. Tout en craignant que le mot de visions, d’expériences n’aient pas j)Our Bousset et pour nous un sens idcnti((ue, il sendjle qu’il y a quelque chose à retenir dans ses suggestions.

Mais il nous faut examiner le problème pour notre propre compte cl du point de vue catholique ; les explications de Bousset ne sauraient nous sullire. Remarquons tout d’al)ord que ce n’est i)as par rapport à l’inspiration elle-mêuie de l’Apocalypse que la dilliculté se jiose. C’est une chose unanimement recojiniu' et fondée sur la délinition même de cette action divine, que l’inspiration ne détermine rien ni quant AU mode de composition du livre inspiré ni quant à la manière dont l’auteur s’est procuré les idées qu’il exprimera au nom et sous la sanction de Dieu. La question à résoudre est exclusivement celle-ci : Se peut-il que dans la composition de rvpocalyi)se l’auteur inspiré dépende à la fois de visions surnaturelles, de révélations proprement dites et de la tradition apocalyptique ? Se peut-il que cette dépen dance de la tradition soit allée, dans certains cas, jusqu'à l’utilisation de fragments écrits préexistants ? Il me sendile qu’il suflîl, pour que cette possibilité apparaisse manifeste, de poser la question sous cette autre forme : Y a-t-il quelque difficulté à admettre que Dieu lui-même ait composé les scènes Araiment « Aues » jiar le prophète à l’aide d'éléments consacrés par la tradition apocalyptique judéo-chrétienne. Ces éléments, symboles et cadres généraux, déjà familiers au Aoyant et à ses futurs lecteurs n'étaient-ils pas au contraire tout indiqués comme moyens d’expression des enseignements nouvcaux que Dieu Aoulait communiquer ? Et s’il existait déjà des rédactions écrites connues, populaires peut-être, de A isions semblables à telle ou telle de celles dont S. Jean avait été lui-même favorisé, Dieu, toujours dans le but d’atteindre plus efficacement les esprits et les cœurs, ne pouvait-il lui inspirer de les introduire dans son œuvre en les adaptant à leur nouvcau contexte ? On ne Aoit en tout cela nulle difficulté, mais plutôt l’application d’une loi certaine du gouvcrnement divin qui, même dans l’ordre surnaturel, met son action en harmonie avcc le sujet humain sur ou au bénéfice de qui elle s’exerce. Le Aoyant, utilisant jjoiu* rendre quelques-unes de ses Aisions, des documents antérieurs décrivant des scènes semblables et déjà populaires, nous offrirait un cas analogue à celui du Prophète qui dans la trame d’un oracle tout à fait personnel introduit des phrases entières empruntées aux œuvres d’un Prophète plus ancien. Son procédé rappellerait, de façon plus précise encore, celui de l’historien qui, pour raconter des faits dont il a été témoin, se sert de récits déjà existants, à raison de leur autorité ou de leurs qualités intrinsèques.

111. Interprétation générale de l’Apocalypse. — Je n’ai point dessein d’exposer les explications divcrses qui ont été données de l’Apocalypse dans le passé et qui toutes comptent encore aujourd’hui des partisans. Devant le désaccord persistant des exégètes, tant catholiques que protestants, je me bornerai à signaler les positions principales qui, conciliables aA-ec la doctrine de l’Eglise, me paraissent susceptibles d'être défendues avce avantage dans l'état présent de la science. Leur simple exposé les justifiera dans la mesure où elles peuvcnt l'être.

A. Trois méthodes semblent dcvoir concourir à l’explication de l’Apocalypse. Ce sont les méthodes dites : de critique littéraire, d’histoire delà tradition apocalyptique, d’histoire des éAénements contemporains. Cela Acut dire qu’il convient de chercher des lumières, pour l’intelligence de l’Apocalypse, dans la considération des procédés de composition dont l’auteur a usé ; dans l'étude de la tradition apocaljpti<iue à laquelle appartiennent, en bon nombre de cas, les symboles, tableaux et conceptions que nous trouA’ons en cet ouvrage ; enfin dans la connaissance de l'état du monde romain dans la seconde moitié du premier siècle après J.-('. L’Apocalj’pse, en eirel, contient des allusions nombreuses aux éAénements contemporains. Il Aa sans dire que ces trois méthodes doivent être appliquées avec discernement et sous le contrôle supérieur des principes théologiques.

Les deux premières nu’thodes conduisent à poser cette règle essentielle (]u'()nt adoptée, depuis longtcmjis déjà, les commentateurs catholiques les plus éclairés et les plus judicieux : En principe, l’interjirètc de l’Apocalypse ne s’attachera pas au détail des descriptions et des symboles mais uniquement à leurs éléments essentiels. Le sens de ces éléments