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ÉVANGILES CANONIQUES

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Le Christ passe de Béthanie, la maison tle douleur, à Jérusalem, la demeure de gloire ».

358. Critique de cette interprétation. — Si l’on vérilie ces interprétations, par la comparaison des récits johanniques avec les récits parallèles des Synoptiques, on constate qu’elles n’ont pas le plus léger fondement.

— Comment croire, par exemple, qu’en montrant Marie essujant avec ses cheveux les pieds de Jésus, l’évangéliste a prétendu exprimer qu’elle « reprend » ainsi le parfum et le « recueille » en quelque sorte aux pieds du Sauveur ?Ccla dépasse toutes les bornes de la vraisend^lance. Ilestdit d’ailleurs expressément que la femme « apporte » le parfum avec elle. Et n’est-il pas encore ridicule de rapprocher le trait en question de celui que rajjporte saint Luc, x, 89 :

« Assise aux pieds du Seigneur, Marie écoutait sa parole

», comme si la mention, fournie de part et d’autre, des « pieds » du Sauveur autorisait à établir une équivalence entre la parole recueillie de sa bouche et le parfum essujé à ses pieds ! Faut-il ajouter que, chez les Synoptiques, la prédication de l’Evangile est mentionnée dans une proposition on ne peut plus secondaire ; que rien, absolument rien n’indique que notre auteur entende y faire correspondre la mention du parfum enabaumant la maison ; que Lazare figure en qualité de simple convive, et n’est en aucune façon le type île l’humanité rachetée ?

La réponse du Sauveur, au v. 7, doit signifier très probablement : « Laisse-la, afin qu’elle Vait gardé pour le jour de ma sépulture » ; c’est-à-dire : ne lui reproche pas de l’avoir gardé jusqu’à ce jour qui peut être regardé comme le jour de mon onction funèbre. On a ainsi une équivalence parfaite avec la relation synoptifque : dans l’onction pour laquelle vient d’être utilisé le parfum, il faut voir l’onction anticipée de la sépulture, censée imminente. Il n’est aucunement question de la prédication évangélique. — D’ailleurs, à adopter l’iiypothèse de M. Loisy, on ne concevrait pas mieux que le parfum tenu en réserve piit signifier l’Evangile, et l’on comprendrait moins bien encore que le succès de l’Evangile fiit rattaché à la sépulture du Sauveur, non à sa résurrection.

Les particularités les plus saillantes du récit, comparé à la relation des Evangiles antérieurs, n’oni donc aucunement leur raison tl’ètre dans la préoccupation symi)olique. Et il faut en dii’e autant des noni-Ijreux détails secondaires, en particulier de ceux qui concernent le rôle personnel de Judas, et de la fixation de l’épisode au sixième jour avant la Pàque. La liaison établie par les Synopli(pies entre l’onction de Béthanie et les pourparlers de Judas avec les sauhédrites semble due à une certaine connexion logique des deux épisodes : elle s’ex|)lique bien si l’incident de Béthanie, en excitant le dépit de Judas, avare et voleur, comme le marque le rjuatrième Evangile, a poussé le disciple infidèle à chercher dans un marché infâme le moyen de satisfaire sa passion. (]f. O. IIolizmaxn. tehen Jesit, hjoi, p. 35,

ioi}. 3l, ’4.

289. I-es traits propres au récit johanniciue de l’entrée à Jérusalem ne sont pas davantage inspirés par le synd)olisme. En disant que les gens prirent

« les branches des palmiers », l’évangéliste vise très

clairement les hnincltes des arbres qui bordaient le chemin ; s’il précise que ces arbres étaient des palmiers, cela montre sinqilement sa connaissance exacte des environs de Jérusalem. I’]n tout cas. rien n’est moins symbolique que l’expression dont il fait choix : il suffit pour s’en convaincre de la conq)arer à celles de l’Apocalypse. — Chez les trois Synopli([ues. les vivais sont également adressés au Christ-roi : noire auteur n’a donc pas modifié leur formule dans le sens que l’on prétend ; au contraire, ses expressions sont

moins caractéristiques que, par exemple, celles de saint Luc, xix, 38. — Enfin, on n’a pas le moindre indice qu’il attache à Béthanie une idée de tristesse, ni cju’il envisage Jérusalem comme une demeure de gloire ; il songe d’ailleurs si peu à suggérer cette antithèse qu’il omet de rappeler, en tête de son récit, que Jésus vient de Béthanie, et qu’à la fin il néglige de mentionner qu’il entre en effet dans la capitale.

Les autres détails conviennent encore moins bien au symbolisme : l’incident de l’ànon n’est pas pour faire valoir le triomphe du Christ-roi ; la citation du prophète Zacharie est beaucoup moins cx[)ressive que dans les Synoptiques ; la remarque, que les disciples comprirent seulement après la résurrection le rapport de cette scène avec l’Ecriture, montie bien le souci de ne pas aller contre l’histoire, cl parait même attester un souvcnir personnel de l’évangéliste, témoin et acteur : cf. 11, 22 ; xx, 8-9.

S60.’1" Le jour et l’heure de la mort de Jésus. — 1" Les données des Evangiles. — Si l’on s’en rapporte au témoignage des Synoptiques, le dernier repas de Jésus a été une cène pascale, fixée chez les Juifs au soir du 14 nisan (aux premières heures du 15, d’après la manière juive de compter les jours de six heures du soir à six heures du soir), et il est mort le lendemain, 15 nisan, vers trois heures de l’aprèsmidi : Mme, XIV, 12-17, ^^ = Matth., xxvi, 17-20, 30 = Luc, XXII, 7-15 ; Marc^ xv, 6 = Maitli., xxvii, 15

: = I.uc, XXIII, 17 ; Marc, xv, 26, 33-34, 4^ = Mattli., 

xxvii, /|5-46, 07 = Lau xxni, 44- — Or, plusieurs indications du quatrième Evangile donneraient à croire que la mort du Sauveur s’y trouve placée, non au 15 nisan, mais au 14, où devait être célébré le repas pascal ; non à trois heures de l’après-midi, mais tout à fait au soir.

D’un côté, en eifet, il semblerait que la mort de Jésus précède le grand jour (le 15) qui était inauguré par l’immolation de la pà<iue. Le récit de la dernière Gène est introduit par celle mention chronologi(pie, xiir, 1 : 77, 05 51 -77, ^ kopzf, i t ; j r.v.~yy., « avant la fcte de la Pàf{ue ». Au matin de la passion, les Juifs refusent d’entrer dans le prétoire, xviii, 28, « afin de ne point se souiller, et de pouvoir manger la pàque ». Ce jourlà est appelé, xix, 14 : « préparation de la Pàfjue >-. Il est dit, du lendemain, comme s’il avait été le jour même de la solennité pascale, xix, 31 : « c’était un grand jour que le jour de ce sabbat’. — D’autre part, on voit, XIX, I 4, qu’au moment où se termine le procès devant Pilate, « il était emiron la sixième heure », donc, si l’on compte à la manière juive, autour de midi. Dans ces conditions, la mort de Jésus n’a pas dû avoir lieu vei"s trois heures, mais jibis tard. De fait, les Juifs demandent, aussitôt après, au gouverneur de faire enlever les cadavres, xix, 31, comme si le sabbat allait commencer, c’est-à-dire, si l’on était tout i)rès de six heures du soir.

UQ. 2" L’Iiypotlièse d’une transposition syinlwlicjue. — On a donc soupçonné une transposition de la part de l’écrivain johannicpie. Cette transposition aurait un motif symbolique, l’intention de montrer en Jésus le véritable Agneau pascal. Il était prescrit par la Loi, A’.ror/., xir, 6, que la pàque fût immolée le 14 nisan, ’< entre les deux soirs x, c’est-à-dire à la chute du jour. Notre auteur reporterait l’immolation du Christ, du 15 nisan au 14, elde3 heures de l’aprèsmidi vers G heures.

En même temps, il aurait soin de souligner plusieurs rapports typologiques entre la passion du Sauveur et le rituel pascal. La Loi, Exod., xir, 22, ordonnait de marquer les portes des maisons avec un l>alai d’hysope tremi)é dans le sang de l’agneau : de là la lige d’hysopeà laquelle est fixée l’éponge imbibée