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ÉVANGILES CANONIQUES

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I. Le quatrième Evangile

n’est pas

une composition artificielle en forme d’allégorie

I. — Pour les récits et les faits

S38. I Le cadre chronologique et topograpMque. — Ce qui frappe du premier coup, dans le quatrième Evangile, c’est que le cadre chronologique et topograpliique du ministère de Jésus apparaît autre que dans les trois premiers Evangiles : au lieu d’un ministère exclusivement galiléen se déroulant, sans indication de saisons successives, comme si tout s’était passé la même année, depuis le baptême jusqu’aux approches de la Pàque où mourut le Sauveur, nous avons un ministère ayant pour théâtre principal la Judée et que la mention d’au moins deux Pâques intermédiaires (ii, 13 ; vi, 4), très probablement trois (v, i), montre se prolongeant sur un espace de plusieurs années.

Son explication symbolique. — L’évangéliste, dit-on, a voulu « montrer Jésus sur le théâtre que les prophéties assignaient à l’activité du Messie » et

« prouver que la manifestation évangélique n’avait

pas eu lieu, pour la plus grande partie, dans un coin obscur de la Palestine, mais dans la capitale du judaïsme ». D’autre part, « dans la pensée de l’auteur, le schéma chronologique doit couvrir une période de trois ans et quelques mois : c’est une demi-semaine d’années, le chiffre messianique par excellence, qui joue un si grand rôle dans la prophétie de Daniel et dans l’Apocalypse ». Loisy, Le quatr. Evang., p. 6 ; ^, 65.

336. 2° Critique de cette explication. — Mais cette inler[)rétation est arbitraire et mal fondée. Un théologien, créant de toutes pièces son cadre évangélique, aurait laissé entièrement dans l’ombre le ministère galiléen ; du moins il n’aurait pas pris à tâche de le rapjieler à diverses reprises, de le mettre en relief dans lîlusieiu-s épisodes, de lui nuiintenir visiblement sa durée prolongée, à côté d’apparitions, en somme très courtes, dans la capitale juive : i, 43 ; u, 1, II, I a ; IV, 3, l^^, 46, 54 ; vi, 1, 2 ; cf. i, 44 ; xxi. 2.

Pour admettre le s}’ml)olisme de la durée fixée au ministère du Christ, il faudrait que le chiffre de trois ans et demi fût nettement marqué, comme il l’est dans Daniel, xii, 7, 1 1, où il est question d’une « demisemaine » d’années, comme il l’est dans l’Apocalypse, où il s’agitexactement, soitde <> quarante-deux mois », XI, 2 ; XIII, 5, soit de » douze cent soixante jours », XI, 3 ; XII, 6 ; cf. xi, g, 11 ; xri, 14- Or, non seulement l’évangéliste ne fait nulle part ce compte de trois ans et demi, mais il n’offre même pas les éléments qui nous permettraient de le faire. Il ne mentionne expressément que deux Pâques : ii, 13 ; vi, 4- Poiu" en obtenir une troisième, on est contraint de procéder par conjecture et d’identifier à une fête de la Pàque

« la fête des Juifs » dont il est question au chap. v, 1.

Celle du ch. vi, 4 est à peine l’oi)jet d’une mention fugitive, tandis qu’on voit soulignées par d’importants épisodes les deux fêtes secondaires, des Tabernacles et de la Dédicace, <[ui ijartagent la dernière année : vii, 2 s([. ; x, 22 sq. Enfin, à s’en tenir aux indications mêmes de l’auteur, l’espace de temps écoulé entre le début de la vie publique et la Pàque qui ouvre la première année pleine, loin de donner l’idée nette d’une demi-année, peut tout au plus éfjuivaloir à ijuehpies jours : i, 29, 35, 43 ; 11, i, 12, 13. De toute manière, il est donc inq)ossible que notre écrivain ail voulu assigner au ministère du Christ la durée synd)olique de trois années et demie.

S37. 2° Les récits de miracles. — Parmi les

récits du quatrième Evangile, se distinguent tout particulièrement les récits de miracles, au nombre de sept : le changement de l’eau en viii, la guérison du fils de l’ofticier royal, la guérison du paralytique de Béthesda. la multiplication des pains, la marche sur les eaux, la guérison de l’aveugle-né, la résurrection de Lazare.

1° Leur interprétation symbolique. — Aux yeux des critiques symbolistes, ces récits miraculeux sont des tableaux allégoriques, figurant une vérité religieuse, un attribut ou une œuvre du Christ. De là le nom de r/ ; //£rc/., ou de signes, que leur donne l’évangéliste. LoisY, Le quatr. Evang., p. ;  ;  ; , 112. De là aussi ce fait que le Christ johannique n’a pas besoin d’être sollicité à faire ses miracles, mais en prend généralement l’initiative, ces prodiges étant « l’image de son œuvre spirituelle, qui lui appartient en propre, à laquelle il se li^Te volontairement ». Ibid., p. 5go.

S38. Le changement de l’eau en vin à Cana, 11, 1-12, signifie le remplacement de l’eau de la Loi par le vin de l’Evangile. Le judaïsme légal est devenu impuissant, il n’a pas de vin ; le Seigneur en est averti par sa mère, c’est-à-dire la femme qui, dans l’Apocalypse, xii, 1-2, 5, figure la société religieuse de l’Ancien Testament et qui, en langage chrétien, s’appelle la Synagogue. Les urnes vides, destinées à recevoir l’eau des ablutions légales, sont au nombre de six, nombre imparfait : elles figurent le ji » daïsme impuissant et usé. Strauss, ^Vohi’. vie de Jésus. t. II, p. 255-262 ; H.-J. HoLTZMANX, Evang. Joh., p. 5058 ; ScHMiEDEL, art. 70/j « , col. 2521, 253g ; Arbott, arl. Gospels, col. 1796, 1800 ; J. Rkville, Le quatr. Evang., p. 135-138 ; LoisY, Le quatr. Evang., p. 282 sq.

339. La guérison du fils de l’officier royal qui se meurt à Capharnaiim, iv, 46-54, montre le Christ principe de vie nouvelle à l’égard du monde païen. Celui-ci est représenté par le jeune homme malade. La parole : « Ton fils vit » signifie l’œuvre de résurrection spirituelle, plutôt que de guérison, accomplie en faveur de la gentilité. La mention de la « septième heure », à laquelle est rattachée le miracle, souligne la perfection de l’œuvre du Christ. Enfin, la guérison est opérée à distance et constatée après un certain délai, pour marquer que la conversion du paganisme n’a pas été opérée directement par le Sauveur. J. RiJviLLE, up. cit., p. 160 ; LoiSY, op. cit., p. 3’j6 sq.

540. La guérison du paralytique de Béthesda, v, 1-18, est destinée à faire valoir l’œuvre salutaire du Christ. Ce malade qui attend inutilement depuis des années sa guérison dans la piscine aux cinq portiques, représente l’humanité, spécialement le peuple juif, qui a cherché vainement son salut dans la Loi. Ses trente-huit ans de maladie paraissent calqués sur les trente-huit ans, mentionnés dans le Deutéronoine, II, 14, comme durée des pérégrinations d’Israël dans le désert. On peut encore l’expliquer ainsi : comme l’épisode se place vraisemblablement deux années avant la passion, l’homme aura quarante ans à la mort de Jésus ; cette durée de ((uarante ans. qui a été celle du séjour complet au désert, et qui marque dans la Bible le temps d’une génération, convient assez bien pour le personnage qui représente Israël et qui peut représenter aussi l’humanité sauvée par le Christ. La piscine est un symbole du judaïsme, et ses cinq portiques sont une allusion aux cinq livres de la Loi. Straiss, op. cit., p 15g ; Holtz.man.v, op. cit., p. 90 ; ScHMiEŒL, art. cit., col. 252 1 ; Abbott, art. cit., col. 17gG ; J. Béville, op. cit., p. 163 ; LoisY, op. cit., p. 38g sq.

541. Le miracle de la multiplication des pains, vi, i-15, est un acte symbolique accompli parle Sauveur pour servir de thème au discours sur le pain de vie,