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ÉVANGILES CANONIQUES

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ments, en embellissant son extrait par une masse de menues additions dont l’unique but est de rafraîchir les couleurs du récit, et en le complétant à l’aide de traits puisés soit à des sources particulières, soit dans son imagination. Ibid., p. 171, 175. Pourquoi l’ouvrage a-t-il été mis au nom de Marc ? « Paul avait Luc parmi les évangélistes ; il fallait bien que Pierre eût aussi quelque représentant de ce genre : on prit Marc. Un homme qui avait suivi successivement Paul et Pierre paraissait comme fait exprès pour porter la paternité d’un Evangile marqué au coin de la neutralité. » /blcL, p. 178 (cf. n° 76).

313. Son appréciation sur l’historicité des Synoptiques. — En résumé, ce que nous offrent nos trois premiers Evangiles, d’après Strauss, est le produit d’un long travail d’idéalisation opéré autour d’un noyau historique primitif. Le principal facteur de ce travail a été la tendance progressive à éclairer la vie terrestre de Jésus des retlets de la gloire céleste du Christ. La vie de Jésus, violemment abrégée, n’avait nullement répondu aux espérances nationales des ilisciples. De là une vive inqiatience qui, dans la première communion chrétienne, tournait les esprits et les cœurs vers le prochain retour du Messie, comme vers la contrepartie de l’obscurité de la première existence humaine. Quand ces espérances furent refroidies, quand on trouva que le retour du Messie se faisait attendre, alors seulement on s’avisa de regarder en arrière, et de chercher dans le passé le gage de l’avenir et les preuves de la grandeur de Jésus. « De là ces épisodes rayonnants, tels que les scènes du baptême, de la transliguralion, de l’ascension, oùla gloirede celui qui devait descendre du ciel perce et brille déjà, à travers les voiles obscurs de son existence terrestre. » Ihid., p. iyQ-180. Parallèlement à ce besoin inconscient et spontané de glorilier la Aie humaine de Jésus, agissaient d’ailleurs les nécessités delà controverse et les progrès de la dogmatique. Ihid., p. 150-15(. ; 81, 203…, 4fcKi :  ! i _ : ^3 ^^t^

213- -2' Système du plus grand nombre des critiques indépendants : Renan, Holtzmann, Harnack, etc. — (k-peudant le long intervalle que requérait le système mytliique de Strauss, entre les temps apostoliques et la rédaction définitive de nos Evangiles synoptiques, est devenu une hypothèse de plus en plus dilhcile à soutenir, à mesure que l’on a étudié plus sérieusement les garanties qu’olFrent riiistoire et les caractères internes de nos documents en faveur de leur ancienneté. Dès lors que la critique était amenée à placer la composition des trois premiers Evangiles avant la lin du 1" siècle, et à la faire dépendre en majeure partie de docunuMits remontant avant l’an Oo, ilseml)lait devenu impossible de maintenir l’iiléalisation mythi([ue elle-même dans la mesure si considéral)le que Strauss avait supposée.

On comprend, en particulier, que les conjectures du professeur de Tubiiigue aient paru insoutenables aux nombreux critiques indépendants qui admettent la rédaction immcdialii du second Evangile par saint Marc, disciple de saint Pierre (n" 95), qui rapportent directement à saint Matthieu le recueil de discours utilisé dans le i)remier et le troisième Evangiles {n"' 59. ISO), enfin qui reconnaissent dans ce troisième I'2angile l'œuNre anthenti([ue de saint Luc, compagnon de saint Paul (n° 114).

Ces criliqiuîs ne [jcuvent moins faire fjue d’accorder à nos Synoptiques, à raison de leur origine, une très grande valeur documentaire. D’un autre côté, ils jugent impossible d’admettre, au point de vue philosophi<[nc, leur historicité intégrale, soit qu’ils soient rationalistes purs et panthéistes, comme IIiînax, soit que, protestants libéraux, croj-ant à un Dieu person nel et au Christ médiateur, ils adoptent néanmoins à l'égard du miracle l’attitude rationaliste, comme

H. IIOLTZMANX, O. HOLTZMANX, A. JUBLIGHER, A. HaR NAGK, etc.

Leur méthode se ramène dès lors essentiellement, et sauf de multiples divergences dans le détail, à la combinaison d’un double elFort, ou d’une double préoccupation : la préoccupation de sauvegarder dans la plus grande mesure possible l’historicité de nos Evangiles, dont on juge les garanties objectives extrêmement sérieuses, et celle d'éliminer néanmoins de l’histoire le surnaturel ou le miracle, que le préjugé philosophique empêche d’accepter. Ainsi, on les voit maintenir à nos Evangiles une grande valeur documentaire, reconnaître l’authenticité et l’historicité de leur contenu dans une mesure beaucoup plus considérable que ne l’avait fait Strauss ; et malgré tout, ils ne sont guère moins préoccupés que le docteur de Tubingue d'écarter de la vie de Jésus le miracle proprement dit, de nier sa conception virginale, sa résurrection corporelle, sa divinité ; et pour ce faire, ou bien ils essaient d’interpréter les données, reconnues authentiques, dans un sens qui les ramène aux proportions de faits naturels, ou bien, quand ils jugent l’interprétation naturelle par trop impossible, ils recourent momentanément à l’hypothèse du mythe proposée par Strauss.

514. 3° Retour exceptionnel aux positions de Strauss : Brandt, Schmiedel, Loisy, etc. — Les conclusions adoptées par l’ensemble des criti({ues indépendants touchant l’authenticité et l’historicité de nos Evangiles rendent bien malaisée l’application du principe rationaliste : si nos documents sont en rapport aussi étroit avec la génération apostolique et les témoins directs de Jésus, peut-on encore recourir à l’hypothèse mythique dans une mesure suilisanle pour expliquer la masse considérable de leurs données qui impliquent le surnaturel ? Et comment reconnaître pour authentiques la plus grande partie des déclarations mises dans la bouche de Jésus et le plus grand nombre des faits qui composent sa vie, sans s’obliger à trouver le miracle dans sa personne et dans sa destinée ? Cette dilliculté a été profondément sentie d’un certain nombre de critiques récents, comme Braxdt, Scumiedkl, ConyBKARE, Loisy.

Mettant au-dessus de tout la nécessité d'éliminer de l’histoire ce qui dépasse la nature, animés d’un parti pris rationaliste aussi absolu, aussi rigoureux que celui de Strauss, ces auteurs sont revenus purement et simplement aux positions du docteur de Tubingue, sauf à adapter çà et là sa criti([ue aux conclusions qui se sont imposées depuisaux savants, et à la faire bénélicier de quelques hypothèses nouvelles, aptes à la compléter ou à la préciser sur certains points particuliers.

515. Altitude de M. Loisy, en particulier. — Sa méthode rationaliste. — Ainsi, M. Loisy fait à Strauss un mérite d’avoir « subordonné la critique des Evangiles à la criti([ue de l’histoire évangélique ».

« Si les récils concernant le Christ étaient des mythes, dit-il, ils ne pouvaient émaner de témoins oculaires ni de gens bien informés, et la question de

conqiosition n’avait plus qu’une importance secondaire. » Les E’angiles synoptiques, t. I, p. 65 ; cf. Schmiedel, art. Gospels, dans VEncycl. bihl., t. II, iQOi, col. 1872. C’est exactement le procédé que M. Loisy a suivi lui-même.

Bien ([ue, à l’exemple de l’anleur de la Vie de Jésus, il fasse précéder son examen du contenu des Synopti([ues d’une longue étude sur l’origine et la composition de chacun d’eux (/-es Evangiles synop-