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ÉVANGILES CANONIQUES

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Evangile. — D’après les critiques qui n’admettent pas son authenticité. — Le troisième Evanj, àle, aux yeux mêmes de ceux qui n’admettent pas son authenticité (n° 114), aurait dans l’ensemble une valeur égale à celle de l’Evangile de saint Matthieu. Il aurait, en effet, pour base principale les deux ïvièmes documents, l’Evangile de Marc et le recueil de Log a. dans une recension, sinon identique, du moins très semblable. « L’autorité de Luc, en tant que source de l’histoire évangélique, dit M. Loisy, est à peu près la même que celle de Mattliieu. » Les Evangiles synoptiques, t. I, p. 164 Cependant, pour les parties qui lui sont propres, notre Evangile pourrait dépendre, non seulement du recueil de Logia, qu’il exploiterait plus largement que Mattliieu, mais encore de la source narrative de Marc, qu’il aurait connue et parfois spécialement utilisée. Loisy, op. cit., t. I, p. 144, 146 » '471 160-162. Surtout il tiendrait d’autres sources écrites particulières certains de ses éléments : ainsi, l’histoire de la pécheresse, avec la parabole des deux dél)iteurs, vii, 36-50 ; le renseignement touchant les femmes qui accompagnaient le Sauveur dans ses tournées de prédication, viii, i-3 ; l’anecdote des Samaritains inhospitaliers, ix, 51-56 ; la comparution du Christ devant Hérode, xxiii, l{-ib ; les récits relatifs à la naissance de Jean-Baptiste et à celle de Jésus, i-ii. Loisy, op. c/^, p. 145-170. Cf. P. Batiffol, Orplieus et l’Evangile, p. 1 83- 18g.

Quelle était la valeur de ces diverses sources ? Dans son prologue, l'évangéliste assure qu’il s’est informé soigneusement de tout depuis l’origine, i, 3. Sa bonne foi n’est pas mise en doute. Mais était-il renseigné aussi bien qu’il le pensait ? Les critiques, pour qui cet auteur serait autre que saint Luc et écrirait seulement à la tin du 1" siècle, font des réserves importantes sur l’autorité des documents qu’il a pu avoir entre les mains. Néanmoins ils reconnaissent qu’il a pu leur emprunter et leur a emprunté, en etfet. maint renseignement de valeur.

SOO. D’après les partisans de son authenticité. — Ceux qui, au contraire, admettent la pleine authenticité de notre Evangile, et qui le font rédiger, peu après 70, sinon auparavant, par saint Luc, disciple direct de saint Paul et son compagnon de missions {n" 114), reconnaissent que l’auteur a été des mieux placés pour recueillir, comme il en avait le dessein, des traditions authentiques et utiliser des documents primitifs autorisés.

Il était en compagnie du grand Apôtre, en Macédoine vers l’an 50, en Asie Mineure vers 53, en Palestine vers 56, à Rome vers 60. Cela résulte de l’identiiication de l’auteur de l’Evangile, en même temps auteur du livre des Actes, avec l’auteur des récits de voyage insérés à la première personne du pluriel dans ce dernier document : Act., ^yi, 10-17 ; xx, 5-15 ; xxi, 1-18 ; xxvii, 1 ; XXVIII, 16 (no 104). Il a donc vécu dans la génération qui a connu les apôtres, et où vivaient encore nombreux les propres témoins du Sauveur. Soit en dehors de la Palestine, à l’occasion de ses diverses missions, soit en Palestine même, lors du voyage qu’il Gt avec son maître, de Milet à Jérusalem, en passant par Césarée, et sans doute d’autres encore où il n'était pas avec l’apôtre et qu’il I n’entrait pas dans son plan de raconter, il s’est trouvé l nécessairement en contact, non seulement avec les I auditeurs immédiats des apôtres, mais encore avec

: les représentants directs de la tradition évangélique.

Etant donné que lui-même était devenu missionnaire de la foi, on ne peut douter qu’il n’ait mis à profit ces occasions pour s’informer sur l’histoire de Jésus, àla ; quelle son œuvre témoigne qu’il s’intéressait si pariiculièrement. L'évangéliste a donc été dans les meil leures conditions pour se bien renseigner ; il y a mis tous ses soins : cela donne une véritable confiance à l’ensemble de ses informations.

« Luc, dit Renax, a eu sous lesyeuxdes originaux

que nous n’avons plus. C’est moins un évangéliste qu’un biographe de Jésus…, mais c’est un biographe du premier siècle, un artiste divin, qui, indépendamment des renseignements qu’il a pris aux sources les plus anciennes, nous montre le caractère du fondateur aA ec un bonheur de traits, une inspiration d’ensemble, un relief que n’ont pas les deux autres synoptiques. » Vie de Jésus, p. lxxxvii. Cf. A. Haknack, Lukas der Artz, igo6, p. iv ; Die Apostelgeschichte, 1908, p. 207 sq.

SOI. Conclusion'. — En résumé, si l’on prend l’opinion des critiques indépendants, nos trois premiers Evangiles auraient pour base fondamentale — soit les souvenirs de témoins directs de Jésus, recueillis par leurs auditeurs immédiats : telle la catéchèse de saint Pierre, recueillie par saint Marc, et formant le fond narratif de nos trois documents ; telles aussi les traditions orales particulières dont chacun d’eux peut tenir les renseignements qu’il a en propre — soit des documents écrits, rédigés par les témoins eux-mêmes : tel le recueil de Logia, composé par saint Matthieu ; telles les autres sources écrites que saint Luc paraît avoir eues entre les mains, en dehors de ses sources orales.

Les récits et les discours, présentés par nos Synoptiques, remontent donc, dans leur ensemble, à la première génération chrétienne, aux propres témoins du Sauveur. C’est dire que nous avons affaire à des informations très autorisées. Comme on est assuré, d’autre part, que les évangélistes n’ont pas voulu altérer la vérité, qu’au contraire ils ont respecté manifestement la réalité de l’histoii-e, là même où elle paraissait heurter davantage leurs idées personnelles et leurs tendances, il s’ensuit que nos Synoptiques doivent être déclai-és, d’une façon générale, des documents historiques dignes de foi.

2" La bonne information des Synoptiques se véx’ifie sur les points où elle peut être contrôlée. — A cette conclusion on peut apporter une série de confirmations importantes. Sur tous les points où l’historicité de nos Evangiles peut, en effet, être contrôlée, elle est mise en évidence d’une manière significative.

S03. 1° Comparaison avec les monuments de l’histoire pour la chronologie. — Tout d’abord, leurs nombreuses données concernant la chronologie de la vie de Jésus et les conditions de la Palestine à son époque, sont en harmonie exacte avec ce que nous connaissons par les historiens profanes, le latin Tacite, surtout le juif Josèphe, la partie la plus ancienne du Talmud, les médailles, inscriptions, et autres monuments de l’histoire de ce temps.

Signalons seulement, au point de vue de la chronologie, le récit de la naissance du Christ, placé à la fin du règne d’IIérode le Grand, peu a^ant l’avènement au trône de son fils Archélaiis : Luc, i, 5 ; Matth., II, i, ig-aa ; cf. Josicimik. Ant. jud., XIV, xiv, 4-5 ; XVI, 1-4 ; XVII, viii, i ; xi, 4 ; >^iii> 2 ; liel.jud., I, XIV, 4 ; XVII, g ; xviii, i-3 ; xxxiii, 8 ; l’inauguration du ministère de Jean-Baptiste et, peu après, de celui de Jésus, en la quinzicme année de Tibère, Ponce Pilate étant procurateur de la Judée, Hérode Anlipas tétrarcjue de Galilée, Philippe, son frère, dont il avait éj)ousé la femme en mariage adultère, tétrarque de riturée et de la Trachonitide, Lysanias enfin tétrarque de l’Abilène : Luc, iii, i ; Marc, vi, 17-29 ; cf. Dion Cassics, Hist., lv, 20 ; Josèpue, Ant., XVII,