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ÉVANGILES CANONIQUES

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Dieu, ces premiers dépositaires delà tradition étaient dans les mêmes conditions que nos évang-élistes, et, pour leur avoir transmis des témoignages semblables à ceux qu’ils ont consignés, ils ont dû également se dégager de leurs idées propres et de leurs tendances.

C’est donc avec une conQance absolue en la sincérité de leurs auteurs et de leurs sources, que l’historien peut accepter le témoignage de nos Evangiles synoptiques. Les critiques semblent aujourd’hui s’accorder sur ce point. Tout l’intérêt de la question se porte donc sur l’information de nos écrivains.

2. — Nos évangélistes sont, dans l’ensemble, bien informés

195. 1" La bonne information des Synoptiques e3t garantie, dans l’ensemble, par leur origine.

— La bonne information des Synoptiques ressort de C2 que nous savons au sujet de l’origine et du mode de composition de ces documents. Restreinte au contenu naturel des Evangiles, elle est admise aujourd’hui par l’ensemble des critiques, même par les plus libéi-aux. El il est aisé de se rendre compte pourquoi.

i" La i’aleur documentaire du second E-angile. — D’après lagénéralilé des critiques. — Le second Evangile est regardé par la plupart des critiques indépendants (n" 95) comme rédigé par saint Marc, disciple de saint Pierre, d’après la prédication du chef des apôtres, recueillie par lui directement. L’auteur n’a donc pas été un témoin oculaire des faits qu’il rapporte, à l’exception peut-être des événements de la Passion, ou de l’arrestation de Jésus, à laquelle il paraît avoir assisté. Cf. Marc, xiv, 5 1-62 ; Act., xii, 12 (n" 93). Mais il tenait ses renseignements d’un témoin immédiat, du chef même du collège apostolique, qu’il avait accompngné à Rome et dont il était devenu l’interprète. On comprend l’importance d’un tel document.

« Pierre savait à peine le grec, dit Renan ; Marc

lui servait de drogman ; des centaines de fois il avait été le canal par lequel avait passé cette histoire merveilleuse. » Les E^’angiles, 1’éd., 1877, p. k- L’écrit, bien que composé en dehors de Pierre, était « en un sens l’œuvre de Pierre ; c’était la façon dont Pierre avait coutume de raconter la vie de Jésus. » Ibid. Cet Evangile attache une grande importance aux miracles du Sauveur : ainsi devait faire le chef des apôtres.

« Pierre semble avoir été principalement frappé

de ces prodiges, et il est permis de croire qu’il insistait beaucoup là-dessus dans sa prédication. » Ibid., p. 118.

Telle est l’opinion que doivent se faire du second Evangile ceux qui l’estiment composé, d’après les souvenirs de saint Pierre, par saint Marc, son disciple.

196. D’après certains critiques radicaux. — Certains critiques, comme MM. Schmiedkl et Loisy, à la suite de Strauss, tiennent notre Evangile pour rédigé à l’aide die documents antérieurs, dont le principal seulement, un récit abrégé de la prédication et de la mort de Jésus, pourrait être l’œuvre de saint Marc et dépendre immédiatement des souvenirs du prince des apôtres (n" 95). Ces critiques mêmes sont contraints d’accorder à notre écrit une grande valeur documentaire. Le document narratif placé à la base de l’Evangile serait bien dérivé de la prédication de Pierre, et aurait été rédigé de bonne heure par un de ses auditeurs immédiats.

« Il est fort possible, dit M. Loisv, et même très

probable que cette source, comme les Logia, soit antérieure à la mort des apôtres Pierre et Paul. » Les Ei-angiles synoptiques, t. I, 1907, p. 118. D’autre part, « rien n’empêche d’admettre qu’un disciple

de Pierre a recueilli de la bouclie même de l’apôtre cette série de souvenirs ». « On s’explique ainsi plus facilement l’origine de la tradition concernant l’origine du second Evangile. » ^^ Il est certain, en tout cas, que Simon Pierre a eu une part prépondérante dans la formation de la catéchèse apostolique, et que par là au moins la tradition fondamentale de l’histoire évangélique procède de lui. » Ibid., p. ii/J.

197. 3° La valeur documentaire du premier Evangile. — D’après le plus grand nombre des critiques. — Le premier Evangile, d’après la plupart des critiques indépendants, serait une combinaison de l’Evangile de saint Marc avec un recueil de discours de Jésus, probai>lement introduits par de courtes notices historiques, peut-être même mêlés de récits proprement dits (n" » 59, ISO, 134). Cet Evangile a donc, pour la partie narrative qui lui est commune avec saint Marc, la même valeur historique que ce premier document. Pour le reste, dont la plus grande, partie vient du recueil de Logia, sa valeur dépend de celle qui est propre à ce recueil même. Or, aux yeux du plus grand nombre, le recueil de Logia appartiendrait à la génération apostolique et aurait été rédigé par un disciple immédiat de Jésus, probablement jiar l’apôtre saint Matthieu, dont le nom s’est attac’ue ensuite à l’Evangile entier. La valeur de ce second document n’est donc pas moindreque celle du premier.

Sur ce point, les critiques partagent dans l’ensemble l’opinion de Renan : « Matthieu mérite éA’idemnient une conliance hors ligne pour les discours ; là sont les Logia, les notes mêmes prises sur le souvenir vif et net de l’enseignement de Jésus. » Vie de Jésus, 13’éd., 1867, p. Lxxxi. « Ce qui faille prix de l’ouvrage attribué à Matthieu, ce sont les discours de Jésus, conservés avec une fidélité extrême, et probablement dans l’ordre relatif où ils furent d’abord écrits. » Les Evangiles, Y>. 212 ; A. Harnack, Sprïiclie und Reden Jesu, 1907, p. 172 sq. Cf. P. Batiffol, Orpheus et l’Evangile, igio, p. 189-194.

198. D’après quelques critiques radicaux. — Pour les critiques qui, à la suite de Strauss, comme MM. ScHMiEDEL et LoisY, voient dans le recueil de Logia, exploité par l’évangéliste, une œuvre de seconde main, basée sur un document plus ancien, peut-être rédigé en araméen par saint Matthieu (n"* 61, ISO), ce recueil ne laisse pas d’avoir une haute valeur. Dans son fond, il remonterait à la génération apostolique, et, si le rapport avec saint Matthieu est fondé — comme oblige à le croire, semble-t-il, le rattachement du nom de cet apôtre à l’Evangile — il serait l’œuvre d’un témoin direct. Même dans la rédaction qu’a utilisée l’évangéliste, il serait très rapproché de l’époque des apôtres, « La dépendance de Marc à l’égard de ce document paraît incontestable », déclare, en effet, M. Loisy, Les Evangiles synoptiques, t. I, p. 82, à la suite de J. Weiss ; or, d’après ce même critique, Marc remonte » probablement aux environs de l’an 70 », ibid., y). 82 ; le recueil définitif de Logia serait donc antérieur à cette époque : il aurait été rédigé « au plus tard entre l’an 60 et l’an 70, par quelque disciple des apôtres ». Ibid., p. 1^3. Ainsi le recueil de Logia, exploité par notre évangéliste, serait dans la même condition que lEvangile de Marc, avec lequel il est combiné : comme lui, il serait basé sur un document antérieur, datant au plus tard des années 60-64 et probablement d’avant l’an 60 ; il serait même plus autorisé, puisque le document primitif, qui lui sert de base, au lieu d’être l’œuvre d’un simple disciple, dépendant de la prédication orale de saint Pierre, aurait été rédigé directement par l’apôtre saint Matthieu, d’après ses propres souvenirs.

199. 3" La valeur documentaire du troisième