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1663

ÉVANGILES CANONIQUES

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pape Victor, dans Eusèbe, //. E., V, xxiv. Dans la notice consacrée aux quatre Evangiles, il précise davantage encore : « Jean, le disciple du Seigneur, qui reposa sur la poitrine du Seigneur, donna, lui aussi, son EAangile, alors qu’il résidait à Ephése en Asie, » Contra Hæres., III, i, i (n" 5).

139. L’opinion des Aloges. — Une seule note discordante se fait entendre dans ce concert unanime de témoignages : c’est celle des Aloges, qui, autour de 165, par opposition aux montanistes qui prétendaient appuyer sur le quatrième Evangile leur doctrine de l’elTusion du Saint-Esprit, rejetèrent cet Evangile et l’attribuèrent à Cérintlie, hérétique contemporain de saint Jean. Iréxée, Contra Hæres., III, XI, g ; Epiphane, Hæres., li, i-35 ; cf. Philastrius, Hæres., lx.

Appréciation de cette opinion. — Mais l’opinion des Aloges n’entame en rien la valeur de la tradition générale qui a cours de leur temps. — Pour nier, en effet, l’authenticité de l’Evangile johannique, ils ne s’appuient point sur une tradition personnelle et également autorisée. Ils s’inspirent d’une préoccupation polémique, la préoccupation d’enlever tout crédit à l’erreur propagée par les montanistes. Quant aux arguments apportes à l’appui de leur hj^pothèse, ils sont tirés exclusivement des caractères internes de l’Evangile, comme si la tradition historique leur était entièrement défavorable. — Prise en elle-même, l’opinion des Aloges est complètement discréditée par ce fait que, ne voulant pas attribuer le quatrième Evangile à saint Jean, ils ne trouvent rien de mieux que de le mettre au compte de Cérintlie, l’hérétique combattu par l’apôtre : hypothèse jugée par tous les critiques inadmissible, et même extravagante.

Conclusion. — La tradition générale, constatée au dernier quart du n" siècle, ne reçoit donc aucun préjudice de la contradiction isolée des Aloges. Répandue dans les Eglises les plus diverses, et attestée par des écrivains en relations étroites avec l’Asie Mineure, où le livre a pris naissance, elle a évidemment une très haute valeur. Mais nous pouvons en suivre les traces encore plus haut.

140. Il La TUADITION VERS LE MILIEU DU 11* SIÈCLE,

— 1° Dans les sectes hérétiques. — Les montanistes. — La conduite des Aloges, qui attribuent le quatrième Evangile à Cérinthe, pour réfuter plus efficacement les montanistes, paraît bien attester que ces derniers hérétiques s’appuyaient sur notre Evangile comme sur l'œuvre de l’apôtre saint Jean. Or le mouvement montaniste a ses origines autour des années 1 56- 157.

Les gnostiques. — A la même époque, les gnostiques, disciples de Basilide et de Yalentin, exploitaient le quatrième Evangile comme une source apostolique autorisée et le tenaient pour l'œuvre de saint Jean.

— Ainsi Ptolémée, dans un fragment de commentaire du prologue johannique, cité par saint Irénée, se réfère nettement à « Jean, le disciple du Seigneur ». Contra Hæres., l, vni, 5 ; cf. ix, 3. Dans sa Lettre à Flora, conservée par saint Epiphane, Hæres., xxxiii, 3 sq., le même Ptolémée cite le début de notre Evangile comme assertion de « l’apôtre », — Un autre disciple de Valentin, HÉRACLÉo>f, avait composé un commentaire du quatrième Evangile, dont Origèxe reproduit quelques fragments ; pour lui, le verset 18 du prologue johannique est parole « non du Baptiste, mais du Disciple ». Origène, In Joan., t. VI, 2. — On sait que d’autres gnostiques, un peu postérieurs, comme le ValentinienTHÉODOTE, citaient le quatrième Evangile sous le nom de Jean l’apôtre. Clément d’Alex., Excerpta ex Theodoto, vi, xl ; cf. xxxv.

Mais si les disciples de Yalentin et de Basilide

s’accordaient ainsi à reconnaître notre Evangile comme œuvre de saint Jean, n’est-il pas à croirequ’ils suivaient en cela l’exemple donné par leurs maîtres ? C’est l’opinion de J. Réville, Le quatrième Evangile, 2' éd., 1902, p. y4- A ce compte, l’origine johannique de notre document aurait été adnùse dès les années 125-140, où dogmatisaient les grands chefs du gnoslicisme.

141. 2° Dans la grande Eglise. — La croyance que nous constatons dans les sectes hérétiques leur était-elle particulière ? Ce n’est pas vraisemblable. Les montanistes n’ont dû prendre le quatrième Evangile comme appui autorisé de leur hérésie que parce que déjà il avait cours dans l’Eglise et était tenu pour œuvre apostolique. Loisv, Le quatrième Evangile, 1903, p. 18, 63. Leur attitude irait donc jusqu'à attester la croyance même de l’Eglise contemporaine en l’apostolicité de notre document.

La conduite des gnostiques doit avoir une signiûcation semblable : il est impossible de penser que l’Eglise orthodoxe ait accueilli avec tant de faveur un Evangile nouveau, qui aurait d’abord circulé dans les milieux gnostiques, et qu’elle ait emprunté à ces gnostiques mêmes sa croyance en la composition de l’ouvrage par saint Jean.

14â. "S. Justin. — De fait, nous avons des indices que l’origine johannique de notre écrit était déjà admise dans la grande Eglise, au milieu du 11 siècle. — Saint Justin y puisait la doctrine christologique qu’il mêlait à l’histoire tirée des autres Evangiles (n° 9) : l’ouvrage avait donc à ses yeux une égale valeur ; il y a tout lieu de penser qu’il y voyait, comme dans l’Apocalypse, l'œuvre de Jean l’apôtre. Harnack, Chronologie, t. I, p. ù-jlf, 683.

Papias. — Nous avons Aii(n°*10, 88) comment le Presbytre, dont Papias rapporte la notice sur Marc, parle des faits évangéliques avec compétence, en se plaçant au point de vue du quatrième Evangile, qui semble être son œuvre propre ; comment, d’autre part, ce Presbytre est à identifler avec Jean l’Apôtre (n"^ 7788). Cela fait préjuger quelle devait être l’opinion de Papias lui-même sur l’auteur de notre document.

5. Polrcarpe. — Telle devait être aussi la croyance de saint Polycarpe, si l’on en juge par le témoignage de saint Irénée, son discij)le, et par ce que celui-ci rapporte dans sa Lettre à Florinus. Saint Irénée rappelle à son compagnon d’enfance comment Poljcarpe exposait jadis devant eux les traditions qu’il tenait des a témoins oculaires de la Aie du Verbe », en particulier de « Jean », « le tout conforme aux Ecritures » (n* 150) : ces expressions semblent bien employées par allusion au quatrième Evangile, peutêtre aussi à la P^ Epître johannique, considérés comme œuvres de l’apôtre Jean ; elles doivent correspondre à une habitude de Polycarpe de présenter sous le nom de saint Jean les écrits johanniques.

III. Le témoignage de l’appendice de l’Evangile. — Enfin, nous pouvons remonter à la publication même du quatrième Evangile. Le dernier chapitre du liA-re, considéré comme un appendice, ajouté après coup par ses éditeurs, — nous l’envisagerons plus tard comme partie intégrante de l’Evangile, ce qu’il est en réalité, — contient la preuve que l’ouvrage a été publié dans les Eglises et reçu immédiatement, c’est-à-dire dès le début du 11' siècle, comme œinre de l’apôtre saint Jean.

143. Hattestation du chapitre xxi, 24. — En effet, le A-. 2^ de ce chapitre xxi est ainsi conçu : « C’est ce disciple » — savoir le disciple bien-aimé, dont il Aient d'être question, celui qui a reposé à la Cène sur la poitrine du Seigneur — « qui rend témoignage de