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ÉVANGILES CANONIQUES

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Paul : nulle part, dans l’Evangile ni dans les Actes, on ne trouve d’emprunt, même discret, à ses Epîtres ; on a même pu contester qu’il les ait connues. Ces particularités ne s’expliquent bien que par des relations personnelles et intimes entre l'évangéliste et l’Apôtre.

Et en effet, l’on peut établir, par ailleurs, que notre auteur n’a pas été seulement, à l'égard de saint Paul, un disciple au sens large, mais un disciple assidu et un compagnon de ses missions,

2" L’auteur du III' Evangile a été compagnon de saint Paul dans ses missions. — Cette conclusion résulte de ce double fait, que notre évangéliste est en même temps l’auteur du livre des Actes, et que l’auteur des Actes a été en effet compagnon des missions de saint Paul.

103. 1° Tout d’abord, V auteur du troisième E<, 'angile est aussi l’auteur du lii’re des Actes. — Les deux ouvrages, en effet, débutent par un prologue semblable, avec dédicace au même Théophile. — Dans le prologue du second livre, Act., i, i-4, l’auteur mentionne qu’il a déjà écrit un livre premier, où il a raconté tout ce que Jésus a fait et enseigné jusqu’au jour où il est monté au ciel, après avoir promis à ses apôtres de leur envoyer l’Esprit-Saint : cette description convient exactement au troisième Evangile. — D’autre part, les deux livres se font suite, comme les deux tomes d’un même ouvrage sur les origines chrétiennes. Ils se soudent, en quelque sorte, l’un à l’autre par le récit de l’ascension, résumé à la fin de l’Evangile. XXIV, 50-53, repris avec des traits identiques, mais plus développés, en tête des Actes, i, 4-12.

Les rapports ainsi constatés sont si particuliers, en même temps si naturels et si simples, qu’il est impossible de les attribuer aune imitation littéraire tendancieuse, dont on ne verrait dailleurs pas' bien le motif intéressé. Ce quiconlrijjue à rassurer pleinement sur ce point, c’est que, d’un bout à l’autre, les deux livres offrent d’intimes ressemblances au point de vue des idées, surtout des procédés littéraires, du vocabulaire et de la syntaxe. Ils sont visiblement de la même main. Comparer en particulier : Luc, i, i et Act., XV, 24, 25 ; Luc, i, 89 elvct., i, 15 ; Luc, 1, 66 et Act., XI, 21 ; Luc, iii, 10, 12, 14 et Act., 11, 3'j, iv, 16 ; Laic, XII, 14 et Act., ii, 27 ; Luc, ^v, 20 et Act., XX, 3^ ; Z, « r, xxiv, 19 et Act., vii, 22 ; etc.

L’unité d’auteur du troisième Evangile et des Actes est, en fait, admise par l’unanimité des critiques.

104. 2° Or, Vauteur des Actes a été un compagnon de saint Paul. — C’est ce qui ressort, en effet, dej^lusieurs passages du livre, où l’auteur, racontant des voyages de l’Apôtre, emploie la première personne du pluriel : Act., xvi, 10-17, "voyage en Macédoine ; XX, 5-1Ô, voyage en Asie Mineure, de Troas à Milet ; xxi, i-18, voyagedeMilet à Jérusalem ; xxvii, i-xxviii, 16, voyage de Jérusalem à Rome. L’explication la plus naturelle du langage adopté par l'écrivain est qu’il a fait partie dos Aoyages racontés en ces endroits et a été compagnon de saint Paul.

105. Objections à cette interprétation. — « Il paraît diflicile, olijecte M. Loisv, Les Evaiig. syn., t. I, p. 172, d’admettre que l’auteur des Actes ait été lui-même un disci[)le de Paul : il se montre conqjilateur en des occasions où il devrait savoir ; lui qui j>araît si près de Paul pendant les dernières années de celui-ci, se montre presque étranger à sa pensée ; il néglige la théologie tles Epilres ; en telle circonstance capitale dans la vie de rA[)ôtre, notamment dans la relation de la querelle sur les ol)servances légales, et de l’arrangement pris à Jérusalem entre Paul et les apôtres galiléens, il donne un récit de convention qui correspond fort mal à ce qu’on lit dans rEi)ilre aux Ca lâtes (cf. Act., XV, et Gal., 11, i-4), et qu on n’imagine guère avoir pu être écrit par un disciple et un compagnon assidu de Paul. »

106. En conséquence, M. Loisy reprend une hypothèse déjà mise en avant par divers critiques, en particulier par Strauss (n" 211). Le passages où se trouve employée la première personne du pluriel seraient bien d’un compagnon authentique de Paul : « la précision des renseignements ne laisse pas le moindre doute à cet égard », dit-il, Les Evang., syn., t. I, p. 171 ; et il n’y a pas de raison de contester que cet individu ne soit Luc. Mais les passages ainsi rédigés par Luc, compagnon de l’Apôtre, pourraient avoir constitué un document antérieur au livre des Actes, et que l’auteur de ce dernier livre aurait simplement inséré dans sa compilation. « Le maintien du nous, déclare M. Loisy, est parfaitement compatible avec cette hypothèse, soit qu’on l’impute à une sorte de paresse du rédacteur, qui n’aurait pas pris la peine de modifier en ce point la forme du récit qu’il exploitait, soit qu’on l’attribue à l’arrière-pensée d’un écrivain qui n’aurait pas été fâché de communiquer par ce moyen à l’ensemble de son œuvre l’apparence d’un témoignage tout à fait direct et autorisé, ou bien même qui aurait eu l’intention de faire passer cette œuvre sous le nom du personnage apostolique dont il possédait l'écrit original. ^> Op. cit., p. 171. « S’il a voulu se faire passer pour le disciple de l’Apôtre, la dédicace à Théophile pourrait n'être qu’un moyen artificiel d’exprimer ses intentions en se conformant aux habitudes littéraires du temps. >> Ibid., p. 174.

107. lié panse aux objections. — Mais, tout d’abord, les difficultés opposées a priori sont l(, in d'être péremptoires. — On ne peut guère préciser dans quelle mesure l’auteur des Actes se montre compilateur, quels faits il pouvait raconter d’expérience personnelle, ou seulement d’information orale, quel usage il avait à faire dans son livre de la théologie des Epitres. Les discours qu’il place dans la bouche de saint Paul, à Antioche de Pisidie, à Athènes, à Milet, conviennent parfaitement à l’Apôtre dans les circonstances données. Par ailleurs les renseignements si nombreux et si détaillés qu’il fournit sur sa vie et sur ses missions, offrent les meilleures garanties de bonne et exacte information. — Quant aux divergences constatées entre son récit du chap.xvet celui de saint Paul dans l’Epitre aux Galates, elles ont reçu des explications que les meilleurs juges estiment très satisfaisantes. Cf. F. Ciiase, TJte Credibility of tlie book of tlie Acts of the Apostles, 1902, p. gS sq. ; G. Rescii, Dus Aposteldekret nacit seiner aussercanonischen Texlgestalt, igoô ; A. Seebkug, Die beiden Wege und das Aposteldekret, 1906 ; H. Coimmeters, Le décret des Apôtres, dans la Bévue bibl., 1907, p. 34-58 ; 218-239 ;..IIauxack, Die Apostelgeschicitte, 1908, p. 190 ; E. Jacquier, IList. des livres du A. T., t. iii, 1908, |i. 132-141. — On ne peut donc opposer à l’idenlilicalion de l’auteur des Actes avec un compagnon de saint Paul rien de décisif.

108. Par contre, // semble absolument nécessa’re d’identifier l’auteur du prétendu journal de voyage avec le rédacteur final du livre. — En elfet, les morceaux en question, comparés au reste de l’ouvrage, ne présentent aucune différence littéraire, mais au contraire une parfaite ressemblance de pensée et de style. — M. Ilarnack a fait remarquer lemploi fréquent des participes, de oj ; comme particule de temps, de £1 dans le sens de è-£(', de d avec l’optatif, de èrt avec l’accusatif pour marquer le temps, et d’autres expressions familières, comme /to/i ; , Travrwç, âj-vw, /.K/.ùdiv, TK vûv, xkO ' 4'v T ! 5-îv, ctc. Ou trouvc dans nos morceaux 63 mots qui leur sont communs avec le reste des xctes, 44 avec le reste des Actes et le troi-