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ÉVANGILES CANONIQUES

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le grand Apôtre en parle dans ses Epîtres, — « publia dans un livre l’Evangile prêché par celui-ci » (n*" S).

TertulUen. — Tertulliex cite également le troisième Evangile, en l’attribuant à Luc, Adv. Marcion., IV, v. Xous avons vu (n" 4) que, dans sa notice sur les Evangiles, ibid., IV, ii, il joint le nom de Luc à celui de Marc, comme étant tous deux disciples des apôtres et, à ce titre, confirmant, dans leurs Evangiles, la foi d’abord fondée sur le témoignage direct des apôtres.

Canon de Muratori. — Enfin, le Canon de Muratori (no 6) présente expressément le troisième Evangile comme composé par le médecin Luc, devenu compagnon de saint Paul en ses missions.

98. IL Valeur de ce témoignage. — ° Le témoignage traditionnel, ainsi constaté, ne se heurte à aucune difficulté sérieuse qu’on puisse lui opposer a priori.

— Sans doute, s’il fallait admettre que le livre a été composé seulement aux environs de l’an loo, l’époque paraîtrait un peu tardive pour l’activité littéraire d’un compagnon des missions de Paul, rien n’autorisant à supposer que l’auteur a écrit dans un âge particulièrement avancé. Mais, nous l’avons vu (n" S931), aucun argument plausible ne force à reculer la date de composition de l’Evangile longtemps après’^o ; au contraire, il semble qu’on soit contraint de la placer au moins très peu après cette époque ; bien plus, de bons arguments inA itent à se porter plus haut encore et à mettre la rédaction de l’ouvrage avant l’année 62.

99. 2° Pris en lui-même, le témoignage de la tradition présente des garanties de yérité qu’on peut dire irrécusables. — D’un côté, en effet, ce témoignage se trouve très répandu, très assuré, nullement contesté, à une époque où l’on n’était pas encore très loin des temps apostoliques, et où il était aisé, dans chaque Eglise, de remonter aux premiers anneaux de la chaîne traditionnelle.

Surtout, la qualité du personnage auquel est attribué l’Evangile est capable d’inspirer une pleine confiance. — Ce personnage est des plus obscurs ; il n’a joué dans l’histoire qu’un rôle très effacé : ce n’est donc pas une intention suspecte qui a pu lui faire rapporter notre document. « Luc, dit fort bien Renan, n’avait pas assez de célébrité pour qu’on exploitât son nom en ^^le de donner de l’autorité à un livre. «  Les Efang., p. 252. N’aurait-on pas bien plutôt mis l’ou^Tage sous le couvert d’un nom illustre, de saint Paul, par exemple, dont on disait justement que cet Evangile était la prédication mise par écrit ? Etant donné qu’on songeaitseulementàun disciple du grand Apôtre, n’aurait-on pas choisi de préférence un de ses disciples les plus en vue, destinataire de quelqu’une de ses Epîtres, tel que Tite ou Timothée ?

L’obscurité du personnage de Luc garantit donc son rapport réel avec l’Evangile qui lui est attribué. Or, on ne comprendraitpas que la part prise par ce disciple à la composition de l’ouvrage se fût bornée à la rédaction d’un simple document partiel, utilisé ensuite par un rédacteur final inconnu : c’est au rédacteur final que la tradition a dû avant tout s’intéresser ; c’est cet auteur qu’il lui a été le plus facile d’identifier. Si, pour donner crédit au livre, on avait aouIu le faire passer tendancieusement comme œuvre d’un disciple de Paul, qui en réalité aurait été seulement responsable d’un document exploité par l’évangéliste, on ne se serait pas, semble-t-il, arrêté en si l)eau chemin et on aurait mis l’Evangile sous l’autorité du grand Apôtre lui-même.

2. D’après la critique interne

Le seul témoignage de la tradition à la lin du 11’siècle suffit donc à nous assurer que le troisième Evan gile est l’œuvre du médecin Luc, disciple et compagnon de saint Paul. Ce témoignage est d’ailleurs confirmé de tous points par l’analyse interne du livre.

100. 1° L’auteur du III’Evangile est un disciple de saint Paul. — 1° Comme saint Paul, l’auteur du troisième £vangile a une préférence marquée à l’égard des Gentils. — Il dédie son œuvre à un personnage nommé Théophile, i, 3 ; mais dans ce personnage, et au delà, il doit viser des lecteurs placés dans des conditions semblables et ayant les mêmes besoins. Or, ces lecteurs ne peuvent être que des chrétiens étrangers à la Palestine et au judaïsme. L’évangéliste, en effet, s’abstient de leur citer ces termes araméens, dont la catéchèse grecque avait gardé le souA’enir et que l’on retrouve dans les autres Evangiles : Luc, VIII, 54, comparé à Marc, v, 41 ; Luc, xviii, 41, comparé à Marc, x, 51 ; Luc, xxii, 42, comparé à Marc, XIV, 36 ; Zîfc, xxii, 33, comparé à Marc, xa’, 22., Au lieu de rabbi, il met oiod’7y.y.’/-, ox k-t^ry.z’y., ou encore /.’jpis : Luc, IX, 33, comparé à Marc, ix, 5 ; Luc, xviii, 41, comparé à Marc, x, 51. Au lieu de Hosannah, il dit : « Gloire dans les hauteurs » : Luc, xix, 38, comparé à Marc, xi, 9-10. Enfin licite peu les prophéties anciennes et s’abstient en général d’allusions détaillées à l’Ancienne Loi : Luc, vi, comparé à Matthieu,. v-vi.,

Ce n’est pas tout. Notre éAangéliste, sans supprimer le côté de l’Evangile qui regarde les Juifs, aime à montrer celui qui est favorable aux Gentils. Il rattache la généalogie du Christ à Adam, et non plus seulement à Abraham. Parmi les faits qui ont rempli la vie de Jésus, et parmi les discours que le Sauveur a prononcés, il choisit et met en valeur ceux qui sont le plus expressifs de la bienveillance du divin Maître à l’égard des pécheurs, spécialement des païens, et du caractère universaliste de son Evangile. Luc, II, 30-32 ; III, 6 ; iv, 26-2^ ; vii, g, 50 ; x, i sq. ; >

XIII, 29 ; XIX, 10 ; XXIV, 4".

C’est bien ainsi que saint Paul devait comprendre la vie et la doctrine du Sauveur. En ce sens l’on peut dire que le troisième Evangile répond au caractère spécial de la prédication de l’Apôtre ; il lient de sa manière de Aoir et est héritier de son esprit.

Il faut aller plus loin.

101. 2° Sotre troisième Evangile a, au point de vue documentaire et au point de vue littéraire, des affinités remarquables avec les écrits du grand Apôtre. — Son récit de la Cène, Luc, xxii, 17-20, ressemble de très près à celui de I Cor., xi, 23-25. Il est seul, ’avec saint Paul, à mentionner l’apparition du Christ ressuscité à Simon Pierre : L.uc, xxiv, 34 ; I Cor., xv, 5 Comparer également Luc, x, 7, 8 avec I Tint., v, 18 ; Luc, XII, 35 avec Eph., vi, 14 ; Luc, xviii, i aveciT I Thess., V, 17 ; Z « c, XXI, 34 avec Rom., xiii, i i-14.

On a relevé 176 mots jiarticuliers aux deux écrivains. Nombreuses sont les expressions ou les parti- j eularités de construction qui leur sont communes. Par exemple, ce sont des détails très ressemblants que l’on retrouve dans les passages suivants : Luc, i, 36 et II Cor., i, 3 ; Luc, vi, 39 et Rom., 11, ig ; Luc, X, 8 et I Cor., x, 27 ; Luc, iv, 22 et Col., iv, 6 ; Luc, VI, 28 et I Cor., IV, 12 ; /.wc, vi, 37 et Rom., 11, i ; Luc, IX, 56 et II Cor., x, 8 ; Luc, xviii, i et II Thess., i, 11 ; Luc, XX, 17 et Rom., ix, 33 ; Luc, xxi, 36 et Eph., vi, 18 ; etc. ; Harnack, LAïkas der Arzt, der Verfasser des dritten Evangeliums und der Apostelgeschichte, 1906. p. 14-15.

lOS. 3° L’auteur a dû être disciple personnel rfe| saint Paul. — Ces alfinitcs de tendances et de doctrine, * cette parenté de tradition, ces ressemblances dej stj’le, ne proviennent point d’un commerce de l’auteur du troisième Evangile avec les écrits de saint]