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ANTECHRIST

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tivité. Un trait caractéristiqtie de l’Antéchrist, c’est qu’il semble être ce que l’on peut appeler un ennemi domestique. Ce n’est pas un païen. C’est un personnage pour qui le titre et le rôle de Messie ont une importance de premier ordre. Il sort du milieu des cbrétiens ou des juifs, comme un hérétique. Enlin son entrée en scène est un fait eschatoloj-ique, annonciateur de la parousie imminente.

Retrouvons-nous quelque part ailleurs dans les écrits canoniques du Nouveau Testament des conceptions identiques et dont on puisse afTirmer avec certitude qu’elles visent l’Antéchrist ? Oui, dans la seconde lettre de S. Paul aux Thessaloniciens, ii, 1-12.

« L’impie », etc., est lui aussi un adversaire d’essence

purement religieuse ainsi qu’il a été dit plus haut. C’est un individu plutôt qu’une collectivité ou que la personnification d’une tendance. C’est un être humain et non pas un esprit, ni Satan en personne. Toutefois il apparaît comme l’instnunent et le fondé de pouvoirs de ce dernier. Lui aussi sort évidemment des rangs du peuple messianique. Lui aussi est un ennemi domestique, un antimessie et un pseudomessie. Plusieurs voient une réminiscence des exigences impies de Caligula dans le passage où S. Paul attribue à son Antéchrist la prétention de recevoir dans le temple même de Dieu des honneurs diA’ins. C’est possible. Mais l’apôtre doit voir aussi dans ces prétentions divines de l’Antéchrist la forme extrême de ses prétentions messianiques. Il sera sur ce point en particulier l’antithèse absolue du Christ véritable dont S. Paul décrit les sentiments dans sa lettre auxPhilippiens, II, 5 et ss. L’apparition de ce personnage marquera l’acte suprême d’un mystère d’iniquité qui opère déjà. On a l’impression que ce mjstère doit être le rejet obstiné du Christ par les Juifs et leur active hostilité contre lui. Les Epîtres de S. Jean, elles aussi, paraissent suggérer cette manière de voir.

En tout ceci la pensée de S. Paul et celle de S. Jean, leur conception de l’Antéchrist, est au fond identique. S. Paul ajoute des explications, obscures pour nous, sur l’oljstacle qui empêche, pour le moment, l’impie de se manifester, mais qui doit, un jour, être écarté. Cet obstacle semble bien être une personne, ou une chose, une institution personnifiées. Divers savants ont suggéré récemment larchange Michel, protecteur d’Israël. Plusieurs Pères ont pensé à lempire romain.

Malgré qu’ils paraissent considérer l’un et l’autre, S. Jean surtout, la venue de lvntéehrist comme devant se produire dans un avenir ])rochaiu, ni lun ni l’autre, manifestement, ne savent ni n’enseignent rien de positif et de précis sur ce point.

S. Paul suppose que la tradition relative à l’Antéchrist était familière à ses correspondants de Thessalonicpic et sans doute à 1 ensemble des chrétiens de son temps. Cependant en dehors de sa deuxième lettre aux Thessaloniciens et des Epîtres de S. Jean, l’Antéchrist n’a[)i)araît nulle part dans les livres canonifiues du Noineau Testament sous sa pro[)re figure et dans son rôle spécial. Chose singulière, il est absent de l’Apocalypse de S. Jean ([ui, dans ses chapitres strictement escluitologiques, xx. ; — xxii, 5, ne mentionne que Satan puis Gog et Magog. Les apocalypses apocrypiies jui es ne l’ont j)as (hwantage, ni non plus les li^rcs canoniciiu^s de l’Ancien Testament. Nous n’y trouvons comme types d’adversaires du Christ que la puissance politique et l’ennemi transcendant.

Et cependant il demeure vraisemblable, non seulement que la conception de l’Antéchrist est antérieure à S. Jean et à S. Paul, mais qu’elle est. connue le donjectnre W. Bousset, d’origine juive. La Hèle qui paraît dans Jérusalem et qui met à mort les deux

témoins, Apoc. Joli, xi, pourrait représenter une forme ancienne et juive de la tradition relative à lvntéehrist. En l’introduisant dans un contexte qui n est plus proprement eschatologique, S. Jean a rendu le morceau difficile à entendre. De même la Bête qui monte de la terre, Apoc, xiii, représente une conception apparentée à celle de l’Antéchrist et suppose lexistence et l’influence de cette dernière. Mais encore une fois la figure a été retirée de son cadre eschatologique. L’Ascension d’Isa’ie, apocalypse juive retouchée par des mains chrétiennes à une date d ailleurs pinmitive (50-80 ap. J.-C), fournit, à sa manière, une attestation semblable. Le personnage de Bélial a été modifié sous l’influence, probablement, des idées relatives à lvntéehrist. Bélial n’intervient plus dans le conflit eschatologique sous sa forme propre d esprit mais sous forme humaine. Il revêt l’aspect d’un roi. Asc. Isaïa ?, 'iv, i et ss. Enfin la Didaché, qui pourrait être antérieure aux Epîtres de S. Jean, semble connaître l’Antéchrist lui-même, et cela dans un passage auquel plusieurs critiques attribuent une origine juive, xvi, l^ : « y.y.t tiVs fy.vr.jiTu.L

b) Dans la tradition ecclésiastique primitive. En général les anciens écrivains ecclésiastiques sont demeurés fidèles à la pensée de S. Paul et du S. Jean des Epîtres. Ils conçoivent l’Antéchrist comme étant essentiellement un séducteur, un faux prophète, un pseudo-messie. Souvent cependant dans le portrait qu’ils en donnent ils se montrent influencés à des degrés divers par les traditions relatives aux autres types d’adversaires du messie.

Sur certains points, les Pères ont cru pouvoir préciser les indications fournies par l’Ecriture. Ils ont ajouté quelques traits au signalement de l’Antéchrist qui, selon plusieurs d’entre eux, sortira de Dan. recevra la circoncision, s’appuiera sur les Juifs, se manifestera dans Jérusalem, rebâtira le temple, etc. Ils se sont plu à décrire son mode d’action, ses prodiges et sortilèges. Surtout ils ont cherché à marquer son rôle précis dans les actes divers du drame eschatologique. Ceux d’entre eux enfin qui voyaient dans l’obstacle dont parle S. Paul aux Thessaloniciens l’empire romain suivirent non sans angoisse les crises que traversa cet empire surtout à l'époqiu^ des invasions barbares, et vécurent dans l’attente de la venue de lvntéehrist. La part de conjectures personnelles, d’utilisation de traditions d origine et de valeur incertaines, d’illusions même, peut être considérable en tout ceci. L Eglise elle-ujème n’y a point engagé son autorité. Ofliciellement, elle ne sait que ce que S. Paul et les Epîtres de S. Jean lui ont appris. C’est peu de chose et de sens parfois incertain, mais cela échappe à toute objection motivée comme à toute démonstration rationnelle.

BiiiLioGHAiMiiK. — Adson, Be ortti, i’ita et morihiis ylntifliiisti (dans Migne, P. L., t. CI, col. 12891298) ; Malvenda, De Anticliristo lihri XI, in-folio, Home iGo4 ; Calmet, Dissertation sur l’Antéchrist, dans son Commentaire littéral, saint Paul, t. II, l’jiG, pp. xxvi-Lvii ; W, Bousset, Der Antichrist in der Ceberlieferun^ des Judenthums, des Aeuen Testaments, and der alten Kirche, in-8, Gœtlingue, 1895 ; Friedlænder, Der Antichrist in den vurchristlichen juedischen Quellen, in-8, Cfœttingue, 1901 ; C. Chauvin, Histoire de l’Antéchrist, d’après la Bible et les Saints Pères, in-16, Paris, 1903.

A. Lkmonnykh, O. P.