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ÉVANGILES CANONIQUES

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rapporte qu’il se trouvait dans beaucoup d’exemplaires de la Vulgate latine et de manuscrits grecs. Luimême l’a maintenu dans sa Yulgate, revisée sur les meillevirs textes anciens. Quant aux manuscrits des trois premiers siècles, leur état est difficile à apprécier d’après les écrits des Pères contemporains : la plupart n’avaient pas occasion de citer notre passage. M. LoisY, op. cit., p. 536, convient lui-même qu’on a dû le lire « en Occident dès le m* siècle, peut-être même dès la fin du ii’». Cf. Les Evang. syn., 1. 1, p. 15 ; B. Weiss, Das Johannes Evangelium, ge éd., ig02, p.314 ; Zxiis. Einleif. in das.Y, T., t. ii, p. 558.

Une chose tend à assurer que la pièce a plutôt été enlevée des manuscrits qu’elle ny a été ajoutée : c’est le caractère même de Tépisode qu’elle contient. Saint Augustin, loc. cit., parle de maris faibles dans la foi ou ennemis de l’orthodoxie, qui auraient enlevé cette histoire de leurs textes, par crainte de voir enseigner à leurs femmes l’impunité de l’adultère. On peut surtout supposer des chefs d’Eglises qui auront supprimé, dans les exemplaires destinés à la lecture publique ou à l’usage ordinaire des fidèles, un passage qui pouvait donner lieu à quoique interprétation fâcheuse.

Au contraire, l’interpolation ne s’explique pas. Ou bien la pièce ne comprenait que le corps du récit actuel, viii, 3-1 1, sans la petite notice qui l’introduit, A’ii, 53-vni, 2 : dans ce cas, rien n’invitait à la mettre en rapport avec le quatrième Evangile, et l’on ne conçoit pas que le récit isolé ait été pourvu d’une introduction destinée à l’insérera cet endroit de notre écrit, surtout qu’on n’ait pas mieux fait la suture du morceau avec le contexte précédent, ni modifié l’introduction du discours suivant de façon à obtenir une correspondance exacte avec les données du récit interpolé.

Ou bien l’histoire se présentait déjàpourvue de son introduction : dans ce cas, il faut supposer qu’elle faisait partie d’un document étendu, lequel, à en juger par tout le morceau, ne pouvait être qu’un Evangile ; mais alors on ne s’explique pas mieux que le récit ait pu jirendre place dans l’Evangile de saint Jean. La petite notice qui l’introduit, et où l’on voit Jésus se retirer à la montagne des Oliviers, puis revenir de l)on matin au temple oîi il enseigne la foule qui se presse vers lui, pendant que les y)harisiens se préparent à lui poser des questions insidieuses, rappelait tout naturellement les incidents que les Synoptiques rattachent à la dernière semaine : Luc, XXI. 3^-38 ; XX, 20 sq. et parallèles. On était donc positivement invité à joindre la péricope aux pi-emiers Evangiles ; tout détournait de l’ajuster au quatrième.

Renan avait bien raison de dire, Vie de Jésus, 13’éd., 1867, p. 501, qu’on comprend « beaucoup mieux qu’un tel passage ait été retranché qu’ajouté ».

44. ^iii point de’ue de la critique interne. — Au point de vue interne, le morceau n’offre rien qui autorise à suspecter son authenticité. — S’il paraît moins symbolique que le reste du quatrième Evangile, c’est qu’on ne veut pas lui appliquer la même méthode d’interprétation. — Si Jésus enseigne assis, non debout comme en d’autres endroits (vu, 3^ ; x, 23-24). cela peut tenir à ce qu’il se trouve justement dans la partie du temple où il était permis aux docteurs de s’asseoir. Cf. viii, 20 et Marc, xii. 41- — H n’est pas certain que, dans le meilleur texte, à côté des pharisiens figvirent «. les scribes » ; des témoins très autorisés portent à leur place « les princes des prêtres » ; si la mention des scribes est authentique, elle a pu être motivée spécialement par le cas donné : il s’agit d’une interprétation de la loi concernant le châtiment

de l’adultère ; cela était de leur ressort. — L’analogie des démarches attribuées au Sauveur avec celles que lui i)rètent les Sj’noptiques, la dernière semaine, se conçoit fort bien : le même péril devait lui inspirer les mêmes précautions à l’occasion de la fête des Tabernacles qu’à la Pàque suivante.

Quant au rapport de la péricope avec le contexte, voici ce que l’on constate : la péricope supprimée, on n’obtient pas de meilleure suite entre le discours de VIII, 1 1 sq. et le récit de vii, 45-52, qui précéderait immédiatement : Jésus est censé s’adresser aux mêmes interlocuteurs ; or la scène antérieure se passe hors de la présence du Sauveur, dans le sanhédrin. Au contraire, si l’on maintient la péricope, on y trouve bien comme interlocuteurs de Jésus les pharisiens : il n’est pas nécessaire de penser que tous soient partis au loin à la tin de l’incident ; rien n’assure d’ailleurs que le discours suivant soit prononcé aussitôt après la scène précédente, sans que de nouveaux pharisiens, ou les mêmes, aient eu le temps de venir se joindre à l’auditoire.

Bien plus, on peut trouver que la péricope est, pour ainsi dire, réclamée par le contexte. Le retour des émissaires et la séance du sanhédrin ont leur place toute marquée au soir du dernier jour de la fête ; les discours du chapitre viii viendraient tout à fait en surcharge, s’ils étaient prononcés à la suite, et non le lendemain, comme le marque la notice de viii, 2 ». Il y a une correspondance assez remarquable entre le détail sur Jésus enseignant « assis », viii, 2, et la réflexion, annexée au discours suivant, sur la trésorerie du temple, viii, 20 ; entre le jugement de l’adultère, et le reproche que Jésus fait ensuite aux pharisiens de juger seulement sur les dehors, viii, l’j ; entre le péché dont les pharisiens réclament le châtiment, et celui que le Sauveur va leur reprocher à eux-mêmes, viii, 21, 24 ; cf. 34, 46 ; ix, 4 Enfin, on trouve dans notre morceau plusieurs particularités de style qui offrent un air de parenté assez sensible avec des formules afTectionnéesde saint Jean : au v. 2, 7ra/(v (cf, i, 35 ; IV, 3, 46 ; viii, 12 ; x, ; , ig, 40 ;

XI, ;  ; xxi, i) ; auA’. 5, /t^â^siv (cf. x, 31, 32, 33 ; xi, 8) ; ojv ; v. j, ergo ; au v. 6, « ils disaient cela en le tentant » (cf. VI, 6 ; II, 21 ; VI, ’J2 ; vii, 3g ; xi, 13, 51 ;

XII, 6, 33 ; xxi, ig. 23) ; au v. 11, /j.r, xézt Ku-y-prciL-je (cf.

V, 14).

Dans ces conditions, on est autorisé à regarder la péricope de l’adultère comme un morceau authentique du quatrième Evangile. Cf. Renan, T7e de Jésus, 13’éd., iSô’j, p. 500-501 ; Fillion, EEvangile de S. Jean, 1887, p. 1O4-166 ; Knabenbauer, Commentarius in Evangelium secundum loannem, 18g7, p. 271273 ; Mangexot, art. Jean 1 Euingile de S.) dans le Dicf. de la Bible, t. III, igo3, col. 1 1 75-1 182 ; Calmes, L’E^-angile de S. Jean, igo4, p. 276-284 ; Lepin, La s’aleur historique du quatr. Evang., igio, t. II, p. 62-8g.

45. La formule trinitaire du baptême, Matth., xxviii, ig. — Oh/ections à iautliciiticiié. — On a remarqué que la formule : ’i les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit », manque dans les citations du passage faites ])ar Eusèbe, antérieurement au concile de Xicée, et l’on a conjecturé qu’elle devait être absente des manuscrits consultés à cette époque par l’évêquc de Césarée ; cela permettrait de croire qu’elle avait été interpolée après coup dans le texte authentique de saint Matthieu. Conybeare, Tlie Eusebian Form of the text Matth., xxviii, ig, dans la Zeitschrift ftir die neutest. ffissenschaft, igoi, p. 275-288. — D’après M. Loisy, Autour d’un petit lii’re, igo3, p. 23 1-232, le discours, débarrassé de cette formule, se présenterait dans un meilleur équilibre, et nous aurions probablement affaire à