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ÉVANGILES CANONIQUES

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assignée la tradition et que lui assignent aujourd’hui la plupart des partisans de l’authenticité johannique.

S9. Les trois premiers Evangiles datent de la période 50-70, — Peut-on préciser, plus que nous ne l’avons fait, la date de composition des Synoptiques ? Les critiques rationalistes ou protestants libéraux ne font généralement jias difficulté de placer la date de saint Marc près de’jo, mais tendent à reculer le plus possible à la (in du i’"' siècle celle de saint Matthieu et de saint Luc. A leur sens, en effet, saint Luc, dans son prologue, semble supposer un temps notable écoulé depuis la lin de la généi-ation apostolique ; d’autre part, ce que cet évangéliste et saint Matthieu nous disent de la naissance virginale du Christ, et des circonstances qui ont marqué sa résurrection, suppose une élaboration légendaire qui n’a pu se produire qu’assez longtemps après la génération des premiers témoins.

Mais ces raisons sont très fragiles. Le prologue de saint Luc n’insinue d’aucune façon que la génération apostolique appartienne à un passé lointain ; il donnerait même ])lutôt à entendre que les témoins immédiats du Clirist sont encore vivants, qu’en tout cas l’évangéliste les a connus et s’est informé auprès d’eux, tout comme ses devanciers. Quant aux prétendues légendes de nos deux Evangiles, elles n’appal’aissent telles que du point de vue du j^réjugé rationaliste, nullement recevable a priori. j

30. Rien donc n’oblige à renvoyer aucun des trois i premiers Evangiles aux dernières années du i" siècle. Par contre, leur description du monde palestinien in- I vite positivement à les rapprocher de îan ^o, et l’on peut même dire que leur manque d’allusions claires et précises aux événements de cette année ^o et à la situation qui s’ensuivit, est une raison sérieuse de placer leur rédaction avant cette époque..

Un fait tend à le confirmer. De l’aveu de tous les critiques, le troisième Evangile est du même auteur que le livre des Actes et est antérieur à cet écrit. Or le livre des Actes se termine brusquement sur le récit de l’arrivée de saint Paul à Rome en 62, avec la simple mention que la captivité de l’apôtre dura deux ans, sans qu’un mot soit dit de sa seconde captivité j ni de sa mort. La meilleure explication de ce fait semble bien être que le livre des Actes a été écrit peu après les derniers épisodes racontés, c’est-à-dire vers 62-6^. Le troisième Evangile, étant encore plus ancien, aurait donc été écrit vers l’an 60, et les Evangiles de saint Matthieu et de saint Marc auraient paru Aers la même époque, peut-être quelques années plus tôt. M. Harnack lui-même déclarait récemment que la critique devait être disposée à regarder une telle hypothèse comme plausible. Die Apostelgeschichte, 1908, p. 221. Cf. P. Batiffol, Orpheus et V Evangile, 1910, p. 182.

31. Cette hypothèse s’accorde assez bien avec le témoignage fourni à ce sujet par les anciens écrivains ecclésiastiques, en particulier par Clément d’Alexandrie et saint Irénée.

Saint Irénée (ci-dessus, n’^ S) ne précise pas la date de composition des Evangiles, mais laisse entendre qu’elle eut lieu de bonne heure rsaintMatthieu aurait composé le sien parmi les Hébreux, c’est-à-dire dans la Palestine ou quekpie région voisine, tandis que Pierre et Paul allaient porter l’Evangile aux contrées étrangèreset païennes et jusqu’à Rome ; après que Pierre et Paul eurent ainsi quitté la Palestine (tel paraît être le sens de « ctk rr.-j toùtm s^oSw. si l’on a égard au contexte : l’auteur vient de dire que Matthieu a composé son Evangile chez les Hébreux ; tout à l’heure il dira que Jean a rédigé le sien à Ephèse ; il doit entendre maintenant que les Evangiles selon Pierre et selon Paul ont été rédigés après

que ces deux apôtres eurent quitté leur patrie, pour aller évangéliser Rome, laissant Matthieu aux convertis du judaïsme palestinien), Marc aurait mis par écrit l’Evangile prêché par Pierre, et Luc l’Evangile liréché par Paul.

Clément d’Alexandrie spécifie que l’Evangile de saint Marc fut, en efïet, rédigé du vivant de saint Pierre, donc avant l’an 6^ (ci-dessus, n° 3).

En somme, nous pouvons mettre en fait que nos quatre Evangiles sontde la seconde moitié du 1’= siècle ; le quatrième Evangile a dû paraître dans les années 80-100 ; les trois premiers, dans la période 60-70.

Le tableau suivant indiquera les opinions particulières des critiques à ce sujet.

32. Opinion s des critiques. — Rationalistes et protestants libéraux. — Renan, Vie de Jésus, 1863 ; 13° édit., it^G^ ; Les Evangiles, 1877, faisait composer saint Marc, à peu près vers 76 ; saint Matthieu, vers 84 ; saint Luc, vers 9^ ; saint Jean, vers 100-125. — D’après H. J. Holtzmann, Einleitung in dus N. T., 1885 ; 3*^ éd., 1892, les trois Synoptiques seraient de 70-100 ; Jn. de <oo-133. — D’après A. Juelicher, Einleitung in das N. T., 189^ ; 5’éd., 1906, Me. serait de 70-100 ; Mt. de 81-96 ; Le. de 80-120 ; Jn. d’au delà de 100. — D’après P. W. Schmiedel, art. Gospels et John, Son of Zebedee, dans VEncrclopædia hiblica de Cheyne, t. H, 1901, Me. aurait été composé vers 80 ; Mt. vers 90 ; Le. vers loo-iio ; Jn. avant 140. — D’après A. Harnack, Chronologie, t. L’897, Me. serait de 06-70 ; Mt. de 70-86 ; Le. de 78-98 ; Jn. de 80-110. Dans son récent ouvrage Die Apostelgeschichte, 1908, p. 221, M. Harnack laisse entendre que Le. pourrait être du commencement de la période 60-70, et Me. encore plus ancien. — D’après H. VON SoDEN, Urchristliche Literaturgeschichte (die Schriflen des A’. T.), 1906, Me. serait des environs de 70 ; Mt. et Le. de 80-100 ; Jn. d’autour de 1 10. — D’après A. LoisY, Le quatrième Evangile, 1908 ; Les Evangiles synoptiques, 1907-1908, Me. aurait a’u le jour vers 76 ; Mt. vers loo ; Le. entre 90-100 ; Jn. entre 90-100. — D’après S. Reinach, Orpheus, 6’éd.. 1909, p. 821, Me. daterait des années 60-70 ; Mt. des environs de 70 ; Le. de la période 80-100 ; Jn. des environs de l’an 100.

Protestants conservateurs. — B. Weiss, Einleitung in das A’. T., à’éd., 1897, place la composition de Me. en 69 ; celle de Mt. en 70 ; celle de Le. en 80 ; celle de Jn. en 96. — D’après Th. Zahn, Einleitung in das N. T., t. II, 1889, Me. serait de 64 ; Mt. araméen de 62, et sa traduction grecque de 86 ; Le. de 76 ; Jn.de 90-100. — D’après V. Stanton, art. Gospels, dans le Dictionary of the Bible de Hastings, t. II, 1899 ; The Gospelsas historical documents, t. II, 1909, Me. serait antérieur à 70 ; Mt. et Le. de 70-80 ; Jn. antérieur à 100.

Catholiques. — Le P. Cornely, Lntroductio in utriusque Testament i libros sacros, t. III, 1886, place Me. en 62-62 ; Mt. en 40-50 ; Le. en 5g-63 ; Jn. en 96-’98. — D’après Belser, Einleitung in das N. T., 1901 ; [ 2* éd., 1906, Me. serait de 44 ; Mt. araméen de lti-^2, et Mt. grec de 69 ou 60 ; Le. de 61-62 ; Jn. de 92-96. — D’après Mgr. Batiffol, Six leçons sur les Evangiles, 4’éd., 1897 ; Jésus et Vhistoire, 2°éd., 1904, Me. aurait été composé vers 60 ; Mt. vers 66-70 ; Le. vers 66 ; Jn. ACrs g6. — D’après E. Jac()Uier, LIistoire des livres du N. 7.. t. II, 1906 ; t. IV, 1908, Me. serait de 64-67 ; Mt. d’avant 70 ; Le. de 60-70 ; Jn. de 98-1 17. — D’après A. Brassac, Manuel biblique, t. III, 1910, Me. serait de 60-70 ; Mt. araméen de 60-67, et Mt. grec légère I