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ÉVANGILES CANONIQUES

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à Rome, dans quel ordre précis s’étaient succédé les pontifes, successeurs de saint Pierre. S. Iréxjîe, Contra Hæres., III, ii-iv. A Alexandrie, Clément se réfère à son maître Paxtène, disciple immédiat des presbytres qui entendirent les apôtres. Strom.^ I, i. En Gaule, saint Iréxée invoque le témoignage des anciens qu’il a connus en Asie, que ses contemporains, et des hérétiques comme Florinus, ont connus aussi bien que lui ; il se réclame de saint Polycarpe, évêque de Smyrne ; il se réfère à Papias, évéque d’Hiérapolis, et à d’autres presbytres asiates, disciples de l’apôtre Jean et héritiers directs de ses enseignements. Cuntra Hæres., l, i-xi ; II, xxii, 5 ; III, m, 4 ; IV, xxvii^ i ; V, xxxiii, 3, 4 ; xxxvi, 2 ; Eusèbe, H. E., V, XX.

Une tradition dont on pouvait si aisément remonter le cours jusqu’à sa source première et qu’il était, d’autre part, si facile de contrôler en comparant les souvenirs des différentes Eglises, offre une garantie de sécurité qui semble de premier ordre, quand on songe à l’importance que l’on attachait dès cette époque à la question de l’origine des Evangiles reçus dans les chrétientés.

Ainsi, la seule tradition constatée Aers les années 176-200 suffit à établir d’une façon très solide l’ancienneté des Evangiles et leiu’antériorité au 11* siècle. Mais cette tradition reçoit une confirmation précieuse des témoignages plus anciens qui s’échelonnent de la fin du 11* siècle à la fin du i".

2° La tradition au milieu du ir siècle. — Eiat des duciiments. Au milieu du 11’siècle, deux écrivains ecclésiastiques nous fournissent un renseignement de valeur. L’un représente, à la fois, la Palestine, dont il est originaire, l’Asie Mineure où il a été converti, et Rome où il enseigne à la tête d’un didascalée : c’est saint Justin. L’autre appartient à l’Asie Mineure : c’est Papias, évéque d’Hiérapolis en Phrygie.

9. S.Justin (150*). — Saint JusTix, dans son Z>mZoo’ « e avec Trvphon (150-160) et surtout ses Apologies du christianisme, adressées (vers 150-152), l’une à l’empereur, l’autre au sénat romains, mentionne des livres, qu’il désigne généralement sous le nom de « Mémoires des apôtres », mais qu’il appelle aussi ailleurs <( les Evangiles ». I JpoL, xxxiii, lxvi, lxvix, c, etc. Ces livres sont si estimés des chrétiens qu’on a coutume, nous apprend-il, de les lire, le dimanche, dans les assemblées des fidèles, concurremment avec les écrits des prophètes. I Apol., lxvu.

Etaient-ce les quatre Evangiles que nous trouvons consacrés quelque vingt ou trente ans plus tard par l’usage universel des Eglises ? A priori, la chose est au plus haut point vraisemblable. En fait, si l’on examine les renseignements fort nombreux que saint Justin nous donne sur les œuvres ou sur les enseignements de Jésus, on constate que le plus grand nombre — quelques-uns seulement paraissent empruntés à la tradition orale ou à des sources extracanoniques — sont dus à nos quatre Evangiles.

C’est de l’Evangile de saint Matthieu qu’il parait tenir maintes paroles du Sauveur, comme aussi ses références à la conception virginale, à l’adoration des mages, à la fuite en Egypte, à la tentation au désert, à l’entrée dans Jérusalem, à la garde du tombeau. Dial., xvii, xlix. li, lui, lxxvui, gui. cviii, cxxv ; lvpoL, xv.xvi, xxxv. — Il semble emprunter à l’Evangile de saint Luc ses informations sur la naissance de Jean-Baptiste, l’annonciation, le recensement de Quirinius, la circoncision, la prédication à trente ans sous Tibère et Ponce-Pilate, l’institution de l’Eucharistie, l’agonie de Gethsémani, la comparution devant Hérode, les dernières paroles de Jésus

en croix. I Apol., xiii, xxxiii, xxxn-, lxvi ; Dial., lxvii, Lxx, Lxxvin, Lxxxiv, Lxxxviii, ciii, cv, cxvi. — Ce qu’il dit du métier de charpentier exercé par Jésus, des surnoms conférés par le Christ au chef des apôtres et aux fils de Zébédée, de l’endroit où était attaché l’àne sur lequel devait monter le Sauveur, parait venir de l’Evangile de saint Marc, dont il connaît jusqu’à la finale deutéro- canonique. I Apol.,

XXXII, XLV, cf. XVI ; Z)m/., LXXXVIII, cvi, cf. LXXVI, c.

— Enfin, bien qu’il ne cite pas formellement l’Evangile de saint Jean, sa christologie est toute johannique, et nombreuses sont chez lui les formules qui ne permettent pas de nier sa dépendance à l’égard de ce quatrième Evangile. 1 Apol., xxii, xxxii, lxi, cf. LXAi ; Dial., xlv, lxiii, lxix, lxxxiv, lxxxviii, c,

cv, cf. LXXVI.

On peut en conclure que le témoignage de saint Justin touchant la considération de l’Eglise de son temps pour les « Mémoires des apôtres » s’applique directement à nos Evangiles de saint Matthieu, de saint Marc, de saint Luc et de saint Jean.

10. Papias (i^o*). — Papias d’Hiérapolis avait consigné, dans ses Fxégèses des discours du Seigneur (135-150), dont Eusèbe nous a conservé quelques fragments, deux notices concernant l’origine des Evangiles de saint Marc et de saint Matthieu.

La première est attribuée à un personnage que Papias nomme l’Ancien, et qui très probablement, nous le verrons, s’identifie avec lapôtre saint Jean,

« L’Ancien disait encore ceci : Marc, étant devenu l’interprète

de Pierre, a écrit avec soin tout ce dont il se souvenait ; cependant il n’a pas écrit avec ordre ce qui a été dit ou fait par le Christ ; car il n’avait pas entendu le Seigneur et ne l’avait pas suivi ; mais plus tard, comme je l’ai dit, il avait accompagné Pierre, qui enseignait selon le besoin, mais sans exposer avec ordre les discours du Seigneur ; en sorte que Marc n’a fait aucune faute en écrivant ainsi certaines choses selon qu’il se les rappelait ; car il n’avait qu’un souci, celui de ne rien omettre de ce qu’il avait entendu, et de n’y introduire aucune erreur. » — La notice sur saint Matthieu venait sans doute de la même source ; elle est ainsi cor.çne : « Matthieu avait écrit en langue hébraïque les discours du Seigneur, et chacun les interprétait comme il pouvait. » Eusèbe, //. E., III, xxxix, 15, 16.

Les critiques se sont demandé si l’évêque d’Hiérapolis appliquait ses notices à nos deux premiers Evangiles, tels que nous les avons aujourd’hui, ou à des écrits antérieurs qui auraient seulement servi à composer ces deux ouvrages. Il suffira de noter en cet endroit que l’opinion qui tend à devenir générale est que les deux notices, dans la pensée de Papias et dans celle de son garant, se rapportent bien à nos Evangiles actuels de saint Matthieu et de saint Marc.

11. On reconnaît également de plus en plus que Papias a dû connaître noire Evangile de saint Jean,.

— Cela paraît résulter d’abord de la teneur de la notice fournie sur le second Evangile : l’appréciation de l’Ancien sur l’Evangile de Marc se comprend au mieux, s’il entend expliquer les divergences de cet écrit par rapport à l’Evangile johannique. Renan, L’Eglise chrétienne, 1879, p. 49 ; Bousset, Die OfJ’enharung Johann is. 5’éd., 1896, p. 47 » note 2 ; Harnack, Die Chronologie der dltchristlichen Literatur bis Eusebius, t. I, 1897. p. 691. — Cela résulte aussi de ce que Papias, au témoignage d’Eusèbe, H. E., III, XXXIX, 17, utilisait la I""’Èi)ître de saint Jean : or le quatrième Evangile est au moins contemporain de cette Epître, et lui est plutôt antérieur ; il appartient, d’autre part, au même milieu et lui est étroitement apparenté pour la doctrine ; on ne comprendrait guère que Papias eût connu l’un de ces écrits sans