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hiiiuains ont une origine religieuse et un caractère religieux ; ils expriment l’aveu que riiomme a mérité la mort devant Dieu, et ont pour but d’apaiser la colère divine, et de réconcilier l’humanité coupable avec la divinité ofTensée. » (Borchf.kt, Der Animismiis, p. an, et Dôllixger, Heidentltum und Judenthum, p. 537 et seq.)

5° La Religion et la Morale. — On n’insistera pas sur la réfutation de Tylor et de Lippert, qui affirment sans preuve l’indépendance primitive de la morale vis-à-vis de la religion ; on pourrait discuter cette question en se plaçant au point de vue théorique et philosophique. La philosophie autorise et même oblige a priori à admettre la religion comme base et racine de la morale. Mais nous nous bornerons à citer les conclusions du D' Borchert (/>er Animismus, p. 216, ch. ix), fondées sur les travaux de spécialistes en ethnographie, et en particulier sur ceux de Schneider, i ?/e ^aturvôlker, Paderborn, 1885, et Allgenieinheit und Einheit des sittlichen Be'.viis.stseins, Kôln, 1895. Voici qui est certain au point de vue ethnographique :

i) L’ethnograpliie ne peut citer un peuple qui n’ait pas eu de tout temps les notions essentielles de la morale, de même qu’elle ne peut citer un peuple sans religion. « L’ethnographie la plus récente, dit Schneider, ne connaît aucune race humaine sans morale ; et l’histoire ne nous montre aucun peui)le qui fût dépourvu d’idées morales. » En effet tous les peuples font la distinction entre le bien et le mal ; ils sont convaincus qu’il faut faire le bien, et éviter le mal ; ils ont la notion du péché. Ils ont la notion d’une rectitude morale obligatoire, sanctionnée par le châtiment qu’infligent des puissances invisibles. Ils tiennent pour obligatoires certaines catégories d’actes, comme honorer les dieux, respecter les parents, s’abstenir de prendre le bien d’autrui ; éviter le mensonge, etc. Ces préceptes, que rappelle le Décalogue, sont connus de tous les peuples. Ce n’est pas à dire que les sauvages soient exempts de vices : ils en ont, et de grossiers ; mais on en trouve aussi, et parfois de pires, chez les civilisés.

2) La moralité, telle que nous la constatons chez les sauvages, n’est pas indépendante de la religion. De tout temps, les peuples ont cru à une rétribution au delà du tombeau. Cette rétribution se fait par les puissances supérieures, par les dieux. Les animistes prétendent le contraire ; mais leurs attirmations ne valent pas des preuves.

S’il en est ainsi, on ne peut soutenir avec Tylor que la morale primitivement indépendante s’est ensuite soudée avec les religions. Bien plutôt doit-on dire avec Hartmann : « C’est un fait historicjue quc toute la morale est sortie de la religion. » (Hartmann. Die Religion des Geistes. Berlin, 1882, p. 5g.)

IV. Conclusions. — Pour nous résumer, disons que le i)f)int de dc|)art et la méthode des aniniislos ne sont pas scienti(iques. L’hypothèse de l'éx olulion de riiomme, descendant naturel de l’animal, n’a pas été prouvée juscju’ici. Si les animistes affirment que l’homme prit un jour conscience de son âme. ils ne considèrent pas l’excellence de cette àme qu’il découvre en lui.Daillcurs les arguments dont ils se servent pour établir le fait de cette découverte ne sont [)as psychologiques. Les termes de souffie, de respiration, ou de cœur, employés pour désigner l'àme, ne sont que des figures de langage. Ni l’histoire, ni l’ethnographie ne peuvent citer aucun peuple dont la religion soil sortie spontanément du culte des Ames et des esprits ; bien plus, on prouve que la leligion existait avant l’animisme. Du fait « jne les peuples sauvages rendent un culte à une foule d’esprits et de dieux,

on ne peut conclure que cette adoration des esprits soil un fait antérieur au monothéisme ; c’est un phénomène secondaire qui s’explique par les conceptions propres des sauvages. Dieu, auteur du monde et des hommes, s’efface à leurs yeux derrière des agents subalternes : le souci de se rendre ceux-ci favorables détourne l’attention du sauvage du culte dii au Dieu suprême. Loin d'être un fait primitif de l'évolution religieuse, le fétichisme suppose toute une série d’antécédents religieux.

L’hypothèse animiste n’explique donc pas l’origine de la Religion, comme ses partisans le soutiennent avec tant d’assurance et sans fournir de preuves réellement scientifiques. Les rationalistes, s’ils ne sont pas de parti pris, ne craignent pas d’avouer la stérilité des recherches entreprises jusqu’ici poiu" construire sur cette base l'éditice de l’histoire des religions.

Bibliographie. — Edward B. Tylor, La Civilisation primitive : traduit de l’anglais, le tome I" par Mme Pauline Brunet, le tome II par Ed. Barbier, Paris, Reinwald, 1876 ; Spencer, Principles of Sociology (1879) ; J. Frohschanimer, Ueber der Genesis der Mensctieit und deren geistigen Entwicklung in Religion, Sittlichkeit und Sprache, Miinchen, 1883 ; Otto Gaspari, Die Urgeschiclite der Menscheit mit Rucksicht auf die naturliche Entuicklung des frûliesten Geisteslebens^ 2" Auflage, Leipzig, 1877 ; Julius Lippert, Der Seenlenknlt in seinen Beziehungen zur althebraischen Religion, Berlin, 1881 ; Die Religionen der europciischen Kulturvôlker in ihren geschichtlichen Ursprunge, Berlin, 1881. Max Millier, Vorlesungen iiber Ursprung und Enta’icklung der Religion, Strasbourg, 1880 ; Borchert, Der Animismus oder Ursprung und Entwicklung der Religion aus dem Seelen-Ahnen und Geisterkult, Freiburg in Brisgau, 1900 ; Daniel Brinton, Religions of primitive peoples, London, 1898 ; Andrew Lang, Tlie making of Religion, hondon, 1900 ; ?. D. Chantepie de la Saussaye, Manuel d histoire des religions, trad. fr., Paris, 1904 (Consulter de préférence la 3' édition allemande, Tubingue, 1906) ; Wurm, ILandbuch der Religionsgescliichte, Stuttgart, 1904 ; R. P. Lagrange, Etudes sur les Religions sémitiques^ 2^ éd., Paris, igoS.

P. BUGNICOt’RT.


ANTÉCHRIST. — I. Divers types d’adversaires du Messie. — IL L’Antéchrist : a) Dans l’Ecriture : h) Dans la tradition ecclésiastique primitive.

Seules dans toute la littérature, canonique et apocryphe, de l’Ancien et du Nouveau Testament, les Epîtres de S. Jean ont ce terme d’antéchrist. Etjinologiquement, è « vri^/stiTs ; , l’antéchrisf, lantichrist, peut signifier anti-christ et pseudo-chiist. Encore que jieut-ètre le second sens ne soit pas loin de son esprit, S. Jean s’attache directement au premier, celui d’adversaire du Christ.

1. Divers types d’adversaires du Messie.— Avant d'étudier de plus près l’Autéchrisl dont parle S. Jean, il ne sera pas inutile de dresser le tableau sommaire des divers tyi)es d’adersaires du Messie que connaît la tradition apocaljptitpie, juive et chrétienne. Il y en a trois. Il y a la puissance politique hostile au peuple messianique et persécutrice des Saints. Il y a l’adversaire religieux agissant par séduction. Il y a enfin l’ennemi transcendant. Tous se donnent pour mission et chacun à leur manière s’efforcent d’empêcher l'établissement du règne du Messie et de Dieu.